La prévention des maladies est menacée dans
les CLSC
Lucie Richard s'inquiète des compressions, qui
favorisent l'approche curative.
|
Psychologue de formation, Lucie Richard s'est
intéressée à la santé publique après
avoir travaillé à la prévention de la violence
familiale au Département de santé communautaire
de Baie-Comeau. Elle est aujourd'hui professeure à la
Faculté des sciences infirmières. |
"Entre soigner quelqu'un qui arrive à
l'hôpital en plein infarctus et investir dans une campagne
de sensibilisation contre la surconsommation de cholestérol,
pas d'hésitation possible", lance Lucie Richard,
professeure à la Faculté des sciences infirmières.
Il faut soigner, bien sûr.
Mais à long terme, les retombées
de la campagne pourraient bénéficier à un
très grand nombre d'individus. La prévention des
maladies doit donc de toute nécessité accompagner
les approches curatives.
Toutefois, lorsque frappent les compressions,
les campagnes de prévention sont souvent les premières
abandonnées. Le virage ambulatoire du système de
santé public québécois draine les ressources
budgétaires vers les soins. Manquera-t-il d'argent pour
les programmes de prévention des maladies et de promotion
de la santé?
C'est ce qui inquiète Lucie Richard.
À la tête d'une équipe de chercheurs, elle
a entrepris de tracer le portrait précis de l'état
des lieux dans les centres locaux de services communautaires
(CLSC) en ce qui concerne deux de leurs mandats de base: la prévention
des maladies et la promotion de la santé.
"Bien que nous entamions à peine
l'analyse des questionnaires envoyés dans les 146 CLSC
de la province, nous sommes en mesure de constater qu'il règne
une grande inquiétude actuellement dans ce réseau",
signale la psychologue spécialisée en santé
publique.
Invités à soutenir les centres
hospitaliers, les CLSC du Québec ont dû faire des
choix. Chez les jeunes, des activités de prévention
ont déjà été suspendues au profit
du volet curatif. "C'est malheureux, commente Mme Richard,
car les adolescents souffrent de problèmes sérieux
qui sont souvent ciblés par des campagnes de sensibilisation:
anorexie, toxicomanies, maladies transmises sexuellement..."
La vaccination n'est pas menacée
À court terme, les campagnes de vaccination pour les enfants
ne sont pas menacées, mais on risque de voir disparaître
en douce plusieurs projets peu connus du grand public. "Les
infirmières en milieu scolaire, par exemple, ont craint
pour leur travail", souligne Mme Richard. Leur éviction
n'est pas encore totalement écartée, mais les administrateurs
devront s'attendre à une vive opposition s'ils veulent
leur faire payer le prix des compressions.
Autre crainte de Mme Richard: la suspension
des programmes de lutte contre le tabac dans les écoles.
Pour la spécialiste, qui a beaucoup étudié
cette thématique, le progrès accompli depuis les
années 1960 pourrait partir en fumée si nous ne
faisons pas attention. "Rappelez-vous lorsque étudiants
et professeurs fumaient en pleine classe, dit-elle. La diminution
du nombre de fumeurs est l'un des beaux succès de la santé
publique québécoise."
Mais Mme Richard reconnaît que chaque
pas accompli demeure précaire. Il y a deux ans, la baisse
du prix du paquet de cigarettes a fait des ravages chez les adolescents
et les médias ont fait écho, récemment,
à la hausse spectaculaire du nombre de jeunes fumeurs.
Première grande étude
Financée par la Fondation canadienne de recherche sur
les services de santé, le ministère de la Santé
et des Services sociaux du Québec, les directions de la
santé publique de la Montérégie, de Montréal
et de Québec ainsi que par le CLSC Côte-des-Neiges,
l'étude sur les pratiques de prévention des maladies
et de promotion de la santé dans les CLSC constitue la
première grande enquête de ce type dans l'ensemble
du réseau. Plus de 120 centres ont accepté de collaborer,
pour un taux de réponse de 84%.
Les participants ont d'abord dû remplir
un questionnaire portant sur les services destinés aux
0 à 18 ans et à leur entourage, sur le développement
communautaire et les actions de représentation ou sur
les caractéristiques organisationnelles du CLSC.
Par la suite, un second volet se déroulera
dans un petit nombre de CLSC et visera l'approfondissement du
questionnement suscité par l'enquête. La méthodologie
impliquera l'analyse de documents et des entrevues avec des intervenants
significatifs.
La direction du projet est assurée
par une équipe de chercheurs de l'Université de
Montréal rattachés à la Faculté des
sciences infirmières, au Département de médecine
sociale et préventive de la Faculté de médecine
ainsi qu'au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé.
Elle comprend, outre Lucie Richard, Danielle d'Amour (cochercheuse
principale), les Drs Louise Séguin et Raynald Pineault
ainsi que Jean-Marc Brodeur.
À noter, le beau travail de Jean-François
Labadie, agent de recherche pour le projet, qui a réalisé
un site Web très complet sur le sujet (www.scinf.umontreal.ca/promo_clsc/).
Mathieu-Robert Sauvé
|