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Mauvaises postures devant l'écran, faut y voir!

Benoît Frenette mène une étude sur des lentilles susceptibles de prévenir les maux de dos et les douleurs à la nuque.

Le professeur et clinicien Benoît Frenette devant un appareil optique qui permet de mesurer les courbes de puissance des lentilles. C'est grâce à cette mesure que le chercheur a pu évaluer les champs de vision d'individus en situation réelle de travail.

Après huit heures devant un écran d'ordinateur, plusieurs personnes souffrent de maux de dos et de douleurs à la nuque. Elles attribuent ces malaises à la mauvaise qualité des chaises et de l'environnement de travail. Selon Benoît Frenette, clinicien et professeur adjoint à l'École d'optométrie, des lunettes inappropriées peuvent être une cause tout aussi importante d'inconfort.

"C'est le mal du siècle", lance le professeur Frenette. Chez les presbytes qui portent des lunettes ordinaires de lecture, ce problème est très fréquent, car leur vision doit s'ajuster constamment à deux plans de lecture, celui de l'écran et celui des documents qui accompagnent ce type de travail. Comme ces personnes ont de la difficulté à faire la mise au point de proche, celle-ci peut ne pas être adéquate à d'autres distances puisque les lentilles ordinaires ne permettent qu'une seule distance focale claire, explique-t-il. "Elles adoptent alors de mauvaises postures. Par exemple, elles s'éloignent et étirent la nuque ou encore elles se rapprochent et courbent le dos."

Il existe actuellement sur le marché des lentilles progressives qui permettent autant de corriger la vision de près et de loin que la vision intermédiaire correspondant à celle de l'écran. Le hic? Ce ne sont pas tous les presbytes qui éprouvent des difficultés à voir de loin. Pour eux, le problème demeure donc entier. D'après Benoît Frenette, le nombre de nouveaux presbytes croîtra de façon marquée au cours des prochaines années compte tenu du vieillissement de la population. "La majorité des gens deviennent presbytes autour de 40 et 45 ans, assure-t-il. Ces individus représentent une force vive sur le marché du travail."

Le professeur Frenette et son équipe poursuivent des recherches cliniques sur deux nouveaux types de lentilles ophtalmiques (Interview, de la compagnie Essilor, et Access, de la firme Sola), conçues spécialement pour les besoins visuels de ces personnes et susceptibles de prévenir les maux de dos et les douleurs à la nuque associés aux mauvaises postures devant l'écran. Dans ses récents travaux, Benoît Frenette a cherché à déterminer si ces lentilles "vocationnelles" multifocales augmentaient les champs de vision.

Chez les presbytes qui portent des lunettes ordinaires, les maux de dos et les douleurs à la nuque sont très fréquents, car leur vision doit s'ajuster constamment à deux plans de lecture, celui de l'écran et celui des documents qui accompagnent ce type de travail.

Les deux bouts de la lorgnette
La réponse: oui, dit le professeur. "Les lentilles vocationnelles permettent par leur design d'avoir une vue rapprochée et intermédiaire. Elles semblent donc pouvoir répondre aux besoins des presbytes qui doivent travailler à l'ordinateur."

À l'aide d'un appareil optique (appelé "focomètre à balayage"), le chercheur a mesuré de façon précise les courbes de puissance des lentilles. C'est grâce à cette mesure qu'il lui a été possible d'évaluer les variations de la puissance périphérique des lentilles vocationnelles portées par des individus en situation réelle de travail. Il a démontré que les deux types de verres à l'étude offraient un champ de vision plus grand que les lentilles progressives, particulièrement à des distances intermédiaires.

Mais les lentilles vocationnelles permettent-elles de prévenir les problèmes musculaires? Cela reste à voir, répond Benoît Frenette. Chose certaine, avec un pied dans la pratique et l'autre dans l'enseignement, il ne peut pas perdre de vue les besoins du milieu. La deuxième phase de sa recherche sera donc axée sur la capacité des lentilles vocationnelles de prévenir les postures inappropriées, souvent responsables des douleurs physiques.

Une vingtaine de sujets âgés de 40 à 45 ans (nouveaux presbytes et presbytes confirmés depuis quelques années) seront filmés à l'aide du logiciel Ergostation dans l'accomplissement de leurs tâches. Le but est de comparer la qualité de la posture devant l'écran selon trois types de lunettes: ordinaires, progressives et vocationnelles.

"À première vue, tout porte à croire qu'il pourrait y avoir moins de positions statiques chez ceux qui porteront les lentilles vocationnelles, car elles offrent deux plages de vision (proche et intermédiaire) plus larges que les lentilles progressives. Nous devrions aussi observer moins d'ajustement postural compte tenu de la profondeur de la visibilité que ce type de verre permet", estime Benoît Frenette. Il tient à souligner qu'il est encore trop tôt à cette étape de l'étude pour confirmer ces hypothèses. "Nous devons d'abord regarder attentivement les deux bouts de la lorgnette", signale le chercheur.

Un point de vue
Ce problème n'est pas le seul qui soit lié à l'environnement de travail. "Au Québec, dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, on se préoccupe plus de la sécurité et moins du confort visuel de l'individu. Outre les risques associés aux éclats, à la poussière ou à certains types de rayonnements lumineux, de l'inconfort visuel peut aussi survenir dans le cadre d'un travail de bureau. Une bonne correction peut aider à diminuer la charge visuelle et améliorer les conditions de travail." C'est du moins l'opinion de Benoît Frenette, qui a mis sur pied un service de dépistage des problèmes visuels en milieu de travail.

Intitulé "Les yeux, c'est précieux", ce programme de prévention, offert par le module d'ergonomie visuelle et de protection oculaire de l'École d'optométrie, comprend notamment un service de consultation et d'analyse des postes de travail. "Pour évaluer les sources de problèmes oculaires, nous privilégions une approche ergonomique et considérons divers facteurs comme le type de travail, la cadence, l'horaire, la vision de l'individu et son âge, l'aménagement, l'éclairage et la qualité de l'air", fait valoir le responsable du programme. Outre les employés de l'Université, certaines entreprises telles que Hydro-Québec, Kraft General Food et la SPCUM ont déjà fait appel à ses services.

Dominique Nancy


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