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L'intégration au travail des personnes handicapées: beaucoup reste à faire

Au-delà des aménagements physiques, peu d'efforts sont faits par la société, déplore France Picard.

"L'intégration au travail des personnes handicapées présente une complexité qu'on saisit mieux par le biais d'études interdisciplinaires", constate France Picard.

Être handicapé est synonyme de non-productivité. Dans un tel contexte, imaginez la difficulté de trouver un travail pour un handicapé visuel ou une personne atteinte de dystrophie!" C'est du moins l'opinion de France Picard, étudiante au doctorat en sciences humaines appliquées, qui s'intéresse à la question depuis de nombreuses années.

D'après elle, les gens ne savent pas comment intégrer une personne handicapée en milieu de travail. Prenons par exemple l'épilepsie. Paradoxalement, on craint une crise qui dure en moyenne une minute et qui survient très rarement, mais on accepte assez facilement un individu colérique.

"Si nous mettons à contribution la psychologie, la sociologie, l'économie et les sciences politiques pour mieux comprendre les préjugés qui entravent l'intégration au travail des handicapés, nous avons plus de chances de faire avancer les connaissances sur ce phénomène social et de réussir à faire tomber des barrières."

France Picard a fait de l'intégration au travail des personnes handicapées son cheval de bataille. Mais le combat est rude, admet-elle, car les dispositions légales et l'ouverture des mentalités ne se traduisent pas aussi directement et massivement dans les comportements. En fait, dans la pratique, beaucoup reste encore à faire tant à l'école que dans le domaine du travail. "En France, certains employeurs préfèrent même payer des amendes plutôt que d'engager une personne handicapée! Ils voient les ressources qui manquent sans même penser aux autres capacités que ces individus possèdent", déplore-t-elle.

Au-delà du handicap
"Une personne handicapée est différente, mais elle n'est pas pour autant incompétente. Et puis, par 'personne handicapée', souligne la chercheuse, on n'entend pas seulement celles qui se déplacent en fauteuil roulant. Il y a plusieurs types de handicaps et tous ces gens qui en souffrent se doivent autant que possible d'être mieux intégrés dans le monde scolaire et le milieu de travail."

C'est à cette tâche que s'applique France Picard. Sociologue de formation, la directrice générale de l'Association québécoise de l'épilepsie trouve le temps et l'énergie de mener des études doctorales. Pourquoi une personne qui souffre d'un handicap physique ou intellectuel a-t-elle de la difficulté à s'intégrer dans un milieu de travail? Les préjugés sont-ils les seuls responsables du faible taux de réussite des programmes d'accès à l'égalité? Voilà des exemples de questions auxquelles l'étudiante tentera de répondre dans sa démarche interdisciplinaire.

Une mission
Le programme de doctorat en sciences humaines appliquées, offert par la Faculté des études supérieures, a été conçu dans cette perspective. Il s'adresse tout particulièrement aux chercheurs intéressés par les problèmes pratiques et qui disposent d'une expérience de travail pertinente. Un profil qui décrit bien les champs d'intérêt et le cheminement de France Picard.

À l'origine de cette préoccupation, une situation vécue. Alors qu'elle est à peine âgée de un an et demi, sa mère est victime d'un accident de la route. Elle pert l'usage d'un oeil et se fait amputer une jambe. Son système digestif est aussi gravement endommagé. Pourtant, elle choisit de ne pas abandonner.

"Mon père était décédé, alors je suis devenue rapidement la principale aide de ma mère, raconte France Picard. Quelquefois, j'avais l'impression d'être la prothèse qu'elle n'avait pas. Je faisais les courses et je lisais pour elle, notamment. Elle est morte avant que je fête mes 18 ans."

Elle pensait alors que son parcours avec les handicapés était terminé, mais, en fait, il ne faisait que commencer. "À la fin de mon baccalauréat, en 1978, j'ai eu à choisir entre quatre types de travail, dont un qui était relié aux handicapés." C'est cet emploi qu'elle a pris, sans trop savoir pourquoi. Mais la vie s'est chargée de le lui apprendre.

Au service de Santé Canada, elle se retrouve rapidement responsable de la recherche et de la rédaction d'une nouvelle politique d'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées. Mais celles-ci sont peu présentes dans le milieu de l'administration. Mme Picard s'engage donc auprès d'organismes communautaires comme l'Association québécoise de l'épilepsie.

Elle perçoit toutefois rapidement les limites de ses actions et décide d'examiner de façon approfondie les problèmes théoriques et pratiques que le phénomène soulève. C'est le retour aux études. D'abord une maîtrise à l'École nationale d'administration publique, puis elle entreprend un doctorat à l'Université de Montréal. "J'ai une bonne connaissance pratique, mais j'avais l'impression de tourner en rond. Les études doctorales en sciences humaines appliquées alimentent ma réflexion et amènent de nouvelles possibilités."

Dominique Nancy



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