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L'écart se creuse entre les universités canadiennes et américaines

Un rapport plutôt alarmant de l'AUCC montre que le Canada va à contre-courant des autres pays du G7.

Depuis 1992, le financement public par étudiant des universités canadiennes a diminué de 19%. À l'inverse, les universités américaines voyaient pendant la même période leurs subventions publiques haussées de 15%; sur une période de 15 ans, cette hausse atteint 20%.

C'est l'un des grands constats qui ressort d'une étude effectuée par l'Association des universités et collèges du Canada (AUCC) rendue publique par la vice-présidente de l'organisme, Sally Brown, au dernier congrès du Conseil canadien pour l'avancement de l'éducation, tenu à Saint-Jean de Terre-Neuve en juin dernier.

Le document, Orientations: portrait de l'université au Canada, présente une analyse comparative de la situation des universités dans les pays membres du G7 en prenant comme repères l'état des subventions publiques pour l'enseignement et la recherche et l'évolution du corps professoral, des inscriptions et des diplômes.

Depuis 1990, le financement public des universités suit une courbe diamétralement opposée au Canada et aux États-Unis.

De tous les pays du G7, les États-Unis sont loin en avant en ce qui concerne le financement par étudiant; nos voisins ont en fait profité d'une période relativement stable quant au nombre des admissions pour maintenir la croissance de leur financement et ainsi accroître leur avance.

Dans l'ensemble des universités canadiennes, l'écart entre le nombre de professeurs et le nombre d'étudiants à temps plein se creuse sans cesse depuis 1985, avec une différence accrue depuis 1992.

Contrairement au Canada, les autres pays du G7 ne tirent pas de l'arrière parce qu'ils diminuent leurs subventions mais parce qu'ils ont du mal à suivre la croissance rapide du nombre des admissions. Le Royaume-Uni et l'Australie ont augmenté respectivement leurs subventions de 20% et de 50% au cours des années 1990, mais la hausse du nombre d'étudiants a été encore plus importante. La situation est semblable en Allemagne et au Japon et à un degré moindre en France.

Les universités canadiennes font donc face à un double problème: l'augmentation de la fréquentation étudiante (on parle d'une croissance de 20% du nombre de diplômés depuis 10 ans) est aggravée par la diminution du financement public. Cette fréquentation accrue et la hausse des droits de scolarité qui ont plus que doublé depuis 1990 ne compensent qu'environ la moitié de la baisse des revenus provenant des subventions publiques.

Le seul élément "consolant" au chapitre du financement est la hausse des subventions de recherche, ramenées au niveau de 1990, soit à un total, pour l'ensemble des conseils subventionnaires, d'un peu plus de 850 millions en dollars constants. Mais ceci ne comble pas l'écart entre le Canada et les autres membres du G7, qui ont tous augmenté leurs subventions de recherche.

Diminution et vieillissement du corps professoral
La diminution du financement a des impacts majeurs sur le corps professoral. Les universités canadiennes comptent aujourd'hui 11% moins de professeurs qu'en 1992. Si l'état du corps professoral avait au contraire suivi la hausse des admissions, "il y aurait 14 000 professeurs de plus dans les universités, à peu près l'équivalent de six universités de Toronto", estime Sally Brown.

Aux États-Unis et en Allemagne, le nombre de professeurs à temps plein a augmenté de 5% et de 7% alors qu'il a fait un bond de 27% en France, soit le double de l'augmentation des inscriptions.

La diminution du nombre de professeurs dans les universités canadiennes entraîne un vieillissement du corps professoral, dont la moyenne d'âge est maintenant de 49 ans. En 1976, seulement 10% des professeurs avaient plus de 55 ans; aujourd'hui, ce groupe d'âge représente 29% du corps professoral. Ce vieillissement s'est poursuivi malgré la vague récente de départs pour retraite anticipée puisque ces postes devenus vacants n'ont été, dans l'ensemble, pourvus qu'à moitié.

C'est en Allemagne qu'on retrouve le plus jeune corps professoral avec 55% de professeurs âgés de moins de 40 ans.

Le non-renouvellement du corps professoral réduit en outre les perspectives de carrière des titulaires de doctorats. L'écart entre le nombre de diplômés de troisième cycle et le nombre de professeurs, qui était de 1200 en 1990, est maintenant de plus de 3000.

"Il est probable qu'une grande partie du personnel le plus qualifié que le Canada a formé au cours des cinq à dix dernières années sera perdue pour le monde universitaire", lit-on dans le rapport.

Fuite des cerveaux
Les compressions budgétaires, on s'en doute, ont aussi un impact sur les salaires. Le salaire moyen d'un professeur titulaire, qui dépassait les 83 000 $ au début des années 1970, est descendu à 80 000$ en 1980, puis est passé sous cette barre depuis 1996.

Les auteurs de l'étude s'inquiètent de l'effet que peuvent avoir ces conditions de travail sur l'exode des cerveaux. "Même si le nombre de personnes qui ont choisi de déménager aux États-Unis n'est pas très élevé (quelques centaines), celles qui partent indiquent qu'elles se laissent séduire par de meilleures possibilités de recherche, ont-ils observé. Il semble de plus en plus évident, ajoute-t-on, que les compressions budgétaires de la dernière décennie ont eu un effet dévastateur sur le moral des professeurs canadiens."

Si les grandes tendances qui ressortent de ce rapport étaient dans l'ensemble déjà connues, le document de l'AUCC n'en constitue pas moins une contribution majeure à l'établissement du portrait de la situation en chiffrant ce dont tout le monde se doutait et en étendant la comparaison à l'ensemble des pays industrialisés.

"Nous espérons que cette étude incitera les premiers ministres provinciaux à exercer des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu'il hausse ses transferts en éducation, nous a confié Sally Brown. Si le gouvernement canadien n'augmente pas le financement des univesités, il sera bientôt impossible de répondre aux exigences de la qualité de la formation qui nécessite, entre autres, de réduire le nombre d'étudiants par classe et d'accélérer l'implantation des nouvelles technologies."

La vice-présidente de l'AUCC évalue la situation actuelle comme étant "assez grave".

Le rapport complet, qui contient une foule d'autres données, peut être commandé à partir du site Internet de l'AUCC (http://www.aucc.ca) au coût de 60$.

Daniel Baril


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