FORUM - 5 JUIN 2000

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Des vaccins pour les porcs!

Le GREMIP veut diminuer le recours aux antibiotiques.

Mario Jacques croit qu'on vaccinera un jour les porcs pour prévenir l'apparition de certaines maladies. Actuellement, les antibiotiques contenus dans leur nourriture les protègent.

La totalité des sept millions de porcs produits chaque année au Québec consomment depuis leur sevrage de la moulée contenant des antibiotiques, principalement de la tétracycline. Ces médicaments leur permettent de résister aux infections, mais surtout de se développer plus vite, d'où leur appellation de "facteurs de croissance" (growth factors).

"Nous observons actuellement une volonté de réduire et même de cesser l'administration de ces facteurs de croissance, explique Mario Jacques, directeur du Groupe de recherche sur les maladies infectieuses du porc (GREMIP). Vétérinaires, producteurs et même consommateurs font sentir cette tendance."

Au Danemark, les pressions du public ont forcé les producteurs à stopper net tout recours aux antibiotiques dans l'alimentation porcine. Au Canada, le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et Santé Canada exigent que l'antibiothérapie cesse deux semaines avant l'abattage de façon à limiter la quantité de résidus dans la viande destinée à la consommation humaine. Quand on demande à M. Jacques si ce délai est suffisant, il se contente de sourire. "Ce que nous constatons, c'est qu'il y a une volonté nette de diminuer l'utilisation des antibiotiques. Nous devons donc trouver des solutions de rechange pour vaincre les maladies infectieuses", explique le chercheur.

La vaccination, voie d'avenir
Plus important groupe de recherche sur les maladies bactériennes du porc en Amérique du Nord, le GREMIP regroupe 12 professeurs parmi ses membres réguliers et associés, et 17 employés. Situé à la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal, à Saint-Hyacinthe, le groupe de recherche a été mis sur pied durant les années 1980, alors que les élevages de porcs venaient de subir une hécatombe. "La pleuropneumonie a décimé les troupeaux, se rappelle M. Jacques. La situation était très grave."

Aujourd'hui, le groupe de recherche mise sur les façons d'éviter l'antibiothérapie permanente. Même si celle-ci ne constitue pas un "traitement", elle diminue les risques d'infection. "Si l'on stoppe les antibiotiques, des maladies vont certainement survenir. Nous devons donc trouver des vaccins efficaces ou encore des moyens de diagnostiquer très tôt les infections."

Le problème, c'est que, lorsqu'il y a infection aiguë, les animaux meurent très rapidement et le troupeau peut être décimé en quelques jours. Le diagnostic précoce est donc une voie plus ou moins prometteuse. En outre, les multiples générations de porcs traités aux antibiotiques durant leur existence ont engendré des bactéries de plus en plus résistantes. Comme en médecine humaine.

Les chercheurs entretiennent donc certains espoirs du côté de la vaccination. "Pour plusieurs infections, c'est la voie à privilégier", dit Mario Jacques. Mais le directeur ne se risque pas à évaluer l'échéancier. Les vaccins ne verront pas le jour avant plusieurs années.

Un groupe de recherche dynamique
Au GREMIP, on mène des recherches sur la pleuropneumonie, les infections à streptocoques et les infections à la bactérie Escherichia coli. Ce sont des maladies encore présentes dans l'industrie porcine même si elles sont beaucoup mieux circonscrites qu'il y a 20 ans, quand il y avait urgence.

Alors financé à plus de 80% par les producteurs, le GREMIP allait se consacrer de plus en plus à la recherche fondamentale. Même s'il demeure directement branché sur les besoins de l'industrie, le groupe doit aujourd'hui une bonne part de son financement au secteur public. Les trois quarts du budget du Réseau canadien de recherche sur les bactéries pathogènes du porc, annoncé officiellement le 24 mai dernier, proviennent par exemple du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie.

Certains des travaux du GREMIP ont donné lieu à des brevets. Les épreuves sérologiques, mises au point dans les laboratoires de Saint-Hyacinthe, ont fait le tour du monde. De plus, des échantillons sanguins provenant d'élevages des quatre coins de l'Occident sont analysés au GREMIP, ce qui lui assure une source de revenus. Son budget de fonctionnement est de l'ordre de un million de dollars.

Le groupe demeure toutefois à vocation universitaire. Les membres du GREMIP dirigent actuellement les travaux de 25 étudiants à la maîtrise ou au doctorat, et de stagiaires postdoctoraux. Les chercheurs entretiennent des liens avec plusieurs collègues dans le monde.

Le Réseau canadien de recherche sur les bactéries pathogènes du porc, doté d'un budget de 4,2 millions sur cinq ans, permettra au groupe de raffermir ses liens avec les autres chercheurs du pays. "Il y a quatre écoles de médecine vétérinaire au Canada. Les spécialistes se côtoient déjà, mais nous sommes tous plus ou moins en compétition. Cette chaire permettra un meilleur travail d'équipe", dit Mario Jacques.

Pour le directeur du Réseau, la création de cette unité marque une étape importante. Rien ne prédisposait pourtant ce chercheur en microbiologie humaine à se spécialiser en pleuropneumonie porcine. Entré à la Faculté de médecine vétérinaire à l'âge de 26 ans, il allait devenir l'un des plus jeunes professeurs titulaires de l'histoire de l'Université de Montréal. Il est directeur du GREMIP depuis 1998.

Mathieu-Robert Sauvé


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