FORUM - 15 MAI 2000

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Le "mal de la corneille" n'est qu'une zoonose parmi d'autres

La pathologie animale au service de l'humanité

Daniel Martineau

Daniel Martineau est l'un des rares vétérinaires québécois à consacrer sa carrière aux animaux sauvages. À la Faculté de médecine vétérinaire, située à Saint-Hyacinthe, il s'est surtout fait connaître par son expertise internationale sur les bélugas du Saint-Laurent. Mais le pathologiste a aussi étudié un cancer animal qui a la particularité de disparaître après avoir causé des tumeurs. Au cours de ses recherches, il aurait découvert le gène potentiellement responsable de cette régression, qu'il cherchera à appliquer à l'oncologie humaine.

Intarissable au sujet du sort des animaux sauvages, qui subissent les conséquences de la pollution et du développement démographique humain, le vétérinaire n'est pas vraiment surpris de voir apparaître le virus du Nil occidental. "Nous sommes de plus en plus nombreux à empiéter sur le territoire des animaux. Il y a donc une promiscuité sans précédent entre certaines espèces et la nôtre, et nous devons en payer le prix. N'oublions pas que nous sommes des mammifères."

Dans le cadre des études de premier cycle en médecine vétérinaire, Daniel Martineau aborde le sujet des zoonoses, soit ces maladies transmissibles de l'animal à l'homme. Il s'agit d'un phénomène peu connu et probablement sous-estimé par les organismes de santé publique. Dans la forêt laurentienne, des milliers d'oiseaux, de poissons et de mammifères meurent chaque année de choléra, tuberculose, variole et diverses formes d'intoxication. On observe une recrudescence des maladies infectieuses, notamment chez le chevreuil et le raton laveur. Quant à la tuberculose, elle est endémique.

Un élevage de wapitis a été abattu au printemps 1996 au Québec parce que des individus possédaient la forme bovine du bacille de la tuberculose, Mycobacterium bovis. Bien que ce bacille ne soit pas de la même souche que celle qu'on retrouve chez l'homme, il semble que la transmission soit possible. Les personnes atteintes du sida peuvent être infectées par la tuberculose du bovin ou par sa forme aviaire. Ces gens peuvent alors communiquer à leur tour la maladie au bétail et aux animaux sauvages captifs dans les zoos ou dans les élevages.

Les zoonoses semblent se multiplier depuis quelque temps: le raton laveur transmet la leptospirose en plus de la rage; le chevreuil, la maladie de Lyme; le castor, une fièvre bien connue des campeurs.

Récemment, les vétérinaires de la Faculté ont découvert des traces de salmonellose chez des sizerins flammés. Cette bactérie, transmissible à l'homme, inquiète évidemment les éleveurs de volaille, car toute l'industrie pourrait en souffrir.

La maladie de la vache folle pourrait donc n'être que la pointe de l'iceberg. Mais cette maladie largement médiatisée aura permis, au moins, de sonner l'alarme. "Comment ne pas s'attendre à un problème? demande Daniel Martineau. Pour diminuer les coûts, on a fait de la moulée pour bovins avec de la farine de mouton. Des milliers de tonnes d'herbivores ont donc été données en pâture à des milliers d'autres herbivores. Cela a multiplié les risques de transmission de maladies."

Selon le pathologiste, la pollution est une cause majeure de maladie pour les animaux sauvages. En ce qui concerne les mammifères marins, c'est particulièrement frappant. Pas une carcasse de béluga échouée et découverte par des riverains ne lui a échappé depuis 17 ans.

On peut consulter un excellent site sur le sujet au www.medvet.umontreal.ca/services/beluga/index.html.

Mathieu-Robert Sauvé


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