FORUM - 20 MARS 2000 

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Zoom sur un photographe scientifique

Gaston Lambert se dit au service de l'enseignement et de la publication scientifique.

Gaston Lambert ne s'intéresse pas qu'à la photographie médicale. Le badminton, le tango, l'art culinaire, les voyages et l'apprentissage des langues figurent parmi ses nombreux autres champs d'intérêt.

Dans un article publié en février dernier dans la revue The Journal of Comparative Neurology, Laurent Descarries, vice-doyen aux études supérieures et professeur au Département de pathologie et biologie cellulaire et au Département de physiologie, présentait les résultats d'une étude sur la distribution des récepteurs de la sérotonine dans le cerveau du rat. Le tout était accompagné de nombreuses images croquées au microscope électronique et reproduites pour la publication par Gaston Lambert.

M. Lambert est l'un des premiers photographes scientifiques engagés par l'Université; il y travaille depuis 1976. "C'était alors la vague de l'audiovisuel, se rappelle-t-il. À cette époque, on croyait que la technologie remplacerait l'enseignement. Aujourd'hui, l'apport des nouvelles technologies est plus nuancé."

Le technicien-photographe - c'est son titre exact - demeure modeste. La preuve: il se dit d'abord et avant tout au service de l'enseignement et de la recherche. Mais ce qu'il ne dit pas, c'est que ses photographies sont essentielles au développement des connaissances scientifiques. Laurent Descarries le confirme. "Les images microscopiques sont à la base de nos analyses expérimentales. C'est grâce à elles que nous pouvons décrire la structure fine des tissus et étudier la localisation de leurs éléments fonctionnels."

Au moment de la diffusion des connaissances, l'image photographique joue un rôle important. La photo ne sert pas qu'à illustrer, elle complète l'information et permet de mieux en saisir le sens. Le professeur Descarries est d'ailleurs élogieux à l'égard du technicien-photographe.

Un mordu d'informatique
Avec son collègue Jean Léveillé, M. Lambert collabore étroitement avec les professeurs du Département de pathologie et biologie cellulaire de la Faculté de médecine. Au total, une soixantaine de chercheurs font appel à leurs services pour des besoins de publication ou d'enseignement et pour des conférences. Et c'est sans compter le soutien technique qu'ils apportent aux étudiants à la maîtrise et au doctorat. Chaque année, ces derniers préparent une présentation pour la Journée scientifique du Département, qui a lieu à la fin mai.

"C'est le moment de l'année le plus occupé, indique Gaston Lambert. Certains veulent faire leur présentation avec le logiciel Powerpoint, alors que d'autres désirent produire une affiche à l'aide d'Illustrator. Souvent, ils ne savent pas comment s'y prendre et il faut les aider." Mais le photographe ne perçoit pas négativement ce surplus de travail. À l'entendre parler et à voir son regard pétillant, on devine qu'il y prend plaisir.

"J'en retire une grande satisfaction, admet-il. De nos jours, les jeunes doivent maîtriser les outils de communication. J'aime savoir que je peux les aider." En tout cas, Gaston Lambert est qualifié pour assumer cette tâche auprès des étudiants en médecine. Outre sa formation et son expérience en photographie médicale, ce mordu d'informatique est titulaire d'une maîtrise en technologie éducationnelle de la Faculté des sciences de l'éducation.

La passion de l'infiniment petit
Dans ses journées de travail qui font rarement moins de 10 heures, Gaston Lambert ne trouve plus guère le temps de faire de la photo traditionnelle. "Mon vrai drame", confie-t-il. Au début de sa carrière, il fait de la photographie médicale en salles d'opération. Aussitôt, il est stimulé par l'aspect créatif et scientifique de ce type de photo. Mais son dada est l'infiniment petit. Le photographe se spécialise alors en microphotographie.

Selon lui, la résolution de nombreux problèmes passe par une connaissance de la matière à l'échelle microscopique. "Pour acquérir cette connaissance, la microscopie électronique et à balayage (approche qui consiste à construire une image en éclairant la préparation point par point) constitue un outil de choix."

L'étude de l'infiniment petit demande des échantillons très minces, dont l'épaisseur est de l'ordre du micromètre (un micron: un millionième de mètre). Cela implique une préparation délicate des tissus avant de pouvoir les observer au microscope. Laurent Descarries décrit l'une d'entre elles.

"L'échantillon de tissu est d'abord déshydraté à l'alcool et imprégné d'une résine liquide qui est ensuite durcie par polymérisation. Lorsque le bloc de tissu est suffisamment dur, on le taille en tranches très fines. Ces coupes sont ensuite déposées sur une grille de cuivre et contrastées avec des métaux lourds (citrate de plomb, acétate uranyle, etc.) avant d'être examinées au microscope électronique." Il existe une vaste panoplie de techniques de préparation des tissus, reprend M. Descarries. Celles-ci permettent de mettre en relief des éléments fonctionnels particuliers: enzymes, neurotransmetteurs, récepteurs...

Le travail de Gaston Lambert consiste notamment à mettre en valeur les images obtenues en soignant le contraste, le cadrage et l'uniformité des photos. Lorsqu'il travaille sur du matériel de microscopie optique (microscope à lumière ou fluorescence), M. Lambert s'attache à mettre en relief les couleurs. La coloration des tissus s'applique essentiellement à ce type de microscopie. Selon les colorants utilisés, les parties du tissu révélées sont différentes.

C'est à l'aide du logiciel Photoshop que le photographe retouche les épreuves et réalise le montage photographique pour les revues et les livres de médecine. "Depuis quelques années, mon métier de photographe comporte une grande part de graphisme, dit-il. Avec ses énormes capacités de traitement de l'image, l'ordinateur s'est peu à peu imposé dans mon travail. Résultat: je touche aujourd'hui rarement à un microscope!"

Ce sont les chercheurs qui prennent les photos au microscope et qui les lui envoient par le réseau informatique ou sur disquette. De son bureau, Gaston Lambert peut, selon les besoins des chercheurs, faire le grossissement ou la réduction des spécimens. La macroscopie permet de grossir l'image jusqu'à 30 fois environ, explique-t-il. Une réduction de 200 à 300 fois est possible avec la microscopie optique. La microscopie électronique fournit, quant à elle, des images de détails encore plus petits: de 50 000 à un million de fois. "On peut alors voir l'ADN!"

L'apport de la technologie améliore la qualité de l'image, mais ne simplifie pas le travail de M. Lambert. C'est connu, les outils à la fine pointe de la technologie requièrent de grandes connaissances techniques. Et c'est sans compter l'aspect créatif et la rigueur qu'exige la photographie médicale. Pour Laurent Descarries, qui a travaillé avec plusieurs techniciens-photographes, Gaston Lambert figure parmi les meilleurs dans son domaine.

"Il travaille vite et bien, fait-il valoir. Et sur le plan humain, sa patience est très appréciée. Cela n'est pas toujours évident, car nous, les chercheurs, sommes reconnus pour changer souvent d'idée!"

Dominique Nancy


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