FORUM - 20 MARS 2000Le projet d'école nationale de police sera modifiéLes trois mémoires déposés par l'UdeM à la commission parlementaire font fléchir le ministre de la Sécurité publique.
"La formation de la police, cela touche tout le monde. La police est bien formée sur le plan technique, mais, pour le reste, je crois que les bavures qu'on a connues récemment parlent d'elles-mêmes. C'est pour cette raison que les universités ont un rôle à jouer dans le débat sur la création d'une école nationale de la police."
Claire McNicoll, vice-rectrice à l'enseignement de premier cycle et à la formation continue, s'exprimait ainsi quelques jours après avoir présenté le mémoire de l'Université de Montréal à la Commission des institutions de l'Assemblée nationale le 29 février dernier. L'argument que Mme McNicoll a défendu s'appuyait sur le fait que le projet d'école nationale, tel qu'il est proposé dans le projet de loi 86, faisant l'objet d'audiences publiques, risquait d'isoler une profession peu portée sur la transparence. "La police est un corps fermé, un peu comme l'armée. Il faut lui ouvrir quelques fenêtres", a dit Mme McNicoll. Maurice Cusson, professeur à l'École de criminologie et spécialiste de l'acte criminel, s'est aussi attaqué à la section du projet de loi qui porte sur la création d'une école nationale de police au Québec (articles 10 et 11). "Nos sociétés sont confrontées à une diversité de menaces à leur sécurité, écrit-il: organisations criminelles transnationales qui se livrent aux trafics les plus divers, criminalité informatique, délinquance de masse, violences familiales et sexuelles, crises causées par les éléments naturels, etc. Ces menaces doivent être prévues, analysées et pensées. Des stratégies doivent être imaginées. [...] Pour prendre la mesure de cette complexité, une école de police conçue autour des métiers traditionnels du patrouilleur et de l'enquêteur est loin de suffire." M. Cusson s'étonne notamment du fait que le ministère de la Sécurité publique a eu l'ambition d'établir une "université de police" succédant à l'Institut de police de Nicolet. "Comment croire sérieusement qu'il sera possible d'y créer un véritable établissement universitaire avec tout ce que cela comporte? a demandé M. Cusson au ministre de la Sécurité publique, Serge Ménard, et aux membres de la Commission. L'Institut peut-il se prévaloir d'une tradition de recherche et de liberté? A-t-il une vraie bibliothèque universitaire? Combien de doctorats peut-il aligner? Combien d'équipes de recherche? Il est douteux que l'institut de police du Québec ait les moyens de ses ambitions: il ne peut élaborer ses propres programmes universitaires et il n'a pas la crédibilité nécessaire pour imposer sa conception aux universités." Abondant dans le même sens, le mémoire de l'Université de Montréal déplore qu'"à moins d'investissements importants l'École nationale de police ne pourrait avoir les attributs qui lui conféreraient la capacité d'assurer des enseignements et de la recherche de niveau universitaire". Des argumentsqui marquent "Les représentations ont été utiles, estime Guy Lemire, directeur de l'École de criminologie. Le ministre a reconnu qu'il y avait certaines imprécisions dans les articles 10 et 11 du projet de loi 86." S'il doit y avoir une formation universitaire pour les policiers du Québec, poursuit M. Lemire, il est souhaitable qu'elle soit plurielle. "L'Université de Montréal ne vise pas le monopole. Nous pensons que plusieurs établissements peuvent former de bons diplômés destinés aux services de sécurité intérieure." Le mémoire de l'Université de Montréal ne s'en tenait pas à ce seul point. Il analysait trois aspects du projet de loi: la formation unique des policiers à la future école nationale de police; le rôle des universités québécoises dans cette formation et le statut universitaire de la future école. On peut consulter ce mémoire à l'adresse suivante: http://www.umontreal.ca/divers/police/police.html. Mathieu-Robert Sauvé |