FORUM - 20 MARS 2000Statut de résident québécois et droits de scolaritéLe MEQ compte sur les universités pour appliquer rétrospectivement un règlement tatillon.
"Certains le prennent comme une gifle en plein visage. Ils vivent au Québec depuis 15, 20 ans..." confie Christiane Desjarlais, commis à l'accueil au Registrariat. Mme Desjarlais et ses collègues du comptoir d'accueil font partie des employés qui subissent l'exaspération des principaux intéressés. Mais elle comprend que ces étudiants, qui sont inscrits à l'Université de Montréal depuis quelques années déjà, trouvent vexant d'avoir à faire la preuve de leur statut de résident dans la Belle Province. En effet, depuis l'automne 1997, les personnes qui ne peuvent prouver, documents à l'appui, qu'elles sont résidentes du Québec doivent payer des droits de scolarité majorés d'environ 60$ par crédit. Cette somme, soit dit en passant, loin d'aboutir dans les coffres des universités, doit être retournée au gouvernement. Pour "aider" les universités dans cette entreprise un peu kafkaïenne, le ministère de l'Éducation du Québec (MEQ) a publié en juillet 1999 un Guide d'application de la politique des droits de scolarité universitaires exigés des Canadiens et des résidents permanents. Il compte plus de 20 pages, auxquelles s'ajoutent les annexes. L'étudiant est d'abord invité à produire un extrait de naissance. S'il n'est pas en mesure de le faire, il doit fournir un baptistaire, un acte de mariage, un passeport canadien, à moins qu'il ne fasse partie d'une longue liste d'exceptions. Mais si ce n'est pas le cas, il doit alors remplir le formulaire intitulé "Attestation de résidence au Québec". Et là, le guide d'application prévoit sept situations possibles. Il énumère, pour chacune d'elles, les documents qui doivent être fournis. Sauf s'il fait partie des cas d'exception énoncés dans les considérations préliminaires et en vertu desquelles, selon une décision du Conseil des ministres, l'étudiant est automatiquement considéré comme "résident du Québec". Bref, la bureaucratie dans toute sa splendeur... Retour sur le passé "Au dépôt d'une demande d'admission, nous demandons un extrait de naissance, ce qui règle la plupart des cas, explique le registraire Fernand Boucher. Mais le problème, c'est que le règlement de 1997 ne comportait pas de clause grand-père." La loi s'appliquant à tous les étudiants, l'Université ne pouvait se borner à effectuer des contrôles plus rigoureux seulement pour les nouveaux. Elle a donc dû rouvrir tous les dossiers des anciens et demander à des étudiants inscrits depuis un, deux ou cinq ans de produire certains documents. On imagine aisément les conséquences: travail de bénédictin pour les commis aux dossiers des étudiants, exaspération chez les étudiants et désagrément pour les employés à l'accueil. "Quand nous avons des extraits de naissance, tout va bien, poursuit le registraire. Mais nous ne les avons pas toujours conservés. Au prix que coûtent ces documents aujourd'hui, les gens veulent souvent les ravoir. Donc, lorsque nous n'avons pas, dans le dossier, de preuve du statut de résident de l'étudiant, il faut lui demander d'en produire une autre. C'est généralement là qu'il se met en furie parce que, souvent, il l'a déjà fournie. Mais à l'époque, nous n'en avons pas pris note avec toute la rigueur que nous y mettons aujourd'hui puisque nous n'avions pas à le faire." Conséquences Après chaque trimestre, le ministère fait des vérifications à l'aide du fichier RECU, puis dépêche, une fois par année, ses vérificateurs dans chacune des universités, question de savoir si l'information qui lui est parvenue est conforme à celle que possèdent les établissements. Pour la vérification habituelle, 450 dossiers, tirés au hasard dans toute l'Université, sont passés au peigne fin par les vérificateurs, indique Fernand Boucher. "S'ils découvrent plus de sept pour cent d'erreurs, une seconde vérification est faite, sur 900 dossiers cette fois. Cette deuxième vérification est faite non pas par des fonctionnaires mais par des consultants. Elle est donc aux frais de l'établissement, sans compter le prix bureaucratique qu'il y a à payer en temps et en personnel pour sortir et préparer les dossiers." Jusqu'à maintenant, l'Université de Montréal n'a pas eu plus de sept pour cent d'erreurs dans ses dossiers. Mais le registraire craint que la vérification des dossiers des non-résidents québécois, qui ont fait jusqu'à maintenant l'objet d'une vérification particulière, ne fasse monter le pourcentage d'erreurs lorsqu'elle sera intégrée à la vérification courante. "Nous n'avions donc pas d'autre choix que d'appliquer le règlement avec rigueur, ce qui impliquait de revenir sur les anciens dossiers." Pour y parvenir, le registraire a dû affecter quelques employés à cette tâche, que les unités ne sont pas vraiment en mesure d'accomplir. "Elles ne le souhaitent d'ailleurs pas, observe Fernand Boucher. Dès que l'étudiant ne peut pas fournir d'acte de naissance, les unités nous l'envoient. Et ce, d'autant plus que l'opération donne presque toujours lieu à des altercations. Mais nous préférons qu'il en soit ainsi parce qu'il y a trop de risques d'erreurs." Après avoir revu les 25 000 dossiers de tous les étudiants qui étaient déjà inscrits au moment de l'entrée en vigueur du règlement, le registraire pourra respirer plus à l'aise. "À compter de l'automne 2000, l'étudiant qui ne pourra faire la preuve qu'il est résident québécois lors de l'ouverture de son dossier sera réputé ne pas être résident du Québec et des frais lui seront facturés en conséquence. Ces frais seront donc majorés tant que nous n'aurons pas la preuve de sa résidence. C'est la seule façon de nous en sortir et d'éviter la circulation inutile de documents." Il s'attend toutefois à ce qu'il y ait encore du désagrément, notamment du côté des étudiants libres, qui font leur inscription en août et qui doivent payer sur-le-champ leurs droits de scolarité. Françoise Lachance |