FORUM - 20 MARS 2000 

Nouveau virage technologique pour l'Université

Le vice-recteur adjoint Pierre Bordeleau compte le négocier en douceur.

Même si le temps presse parce que l'Université de Montréal a pris beaucoup de retard en matière de technologies de l'information et de la communication (TIC), Pierre Bordeleau n'entend pas prendre le virage l'accélérateur au plancher.

Au contraire, le nouveau vice-recteur adjoint aux technologies de l'information et de la communication s'est donné jusqu'à la fin de la présente année budgétaire, en juin, pour faire évoluer la DITER vers la Direction générale des technologies de l'information et de la communication (DGTIC) et replacer les employés dans la nouvelle structure. "Tout est à mettre en place. J'en suis encore à faire le tour du propriétaire."

"Notre mission, enchaîne-t-il, est de faire de l'Université de Montréal une grande université de recherche branchée, de voir à l'utilisation judicieuse et intensive des technologies de l'information et de la communication tant pour l'enseignement et l'apprentissage que pour la recherche et la publication, et enfin de proposer le renouvellement des systèmes d'informatique de gestion."

Comité d'orientation
Le spécialiste en technologie éducationnelle, qui est aussi professeur à la Faculté des sciences de l'éducation, tient à faire remarquer que sa nomination à titre de vice-recteur adjoint aux TIC traduit l'importance que la direction de l'Université accorde aux nouvelles technologies.

"C'est la première fois qu'on crée une fonction horizontale pour assurer l'implantation des nouvelles technologies à tous les échelons", observe-t-il. Le poste de vice-recteur adjoint aux TIC est basé sur le modèle du chief information officer, qui est, dans un établissement, "le porteur de la vision des technologies de l'information sous toutes leurs facettes".

Cependant, Pierre Bordeleau, qui est également directeur général de la DGTIC, n'entend pas imposer sa vision des choses. Il veut plutôt que celle-ci émerge d'échanges avec les intervenants de tous les secteurs. C'est pourquoi il mettra prochainement sur pied un vaste comité d'orientation (steering committee) auquel toutes les unités, tant académiques qu'administratives, seront invitées à participer.

Ce comité aura pour mandat d'établir un plan stratégique de développement des TIC à l'Université de Montréal. Il se divisera ensuite en comités restreints, réunis autour de thématiques précises, visant les applications à l'enseignement, à la recherche, au traitement de l'information, etc.

Service aux usagers
Pierre Bordeleau entend donner à la DGTIC une orientation axée sur le service aux usagers. Le SAUT, pour Soutien aux usagers des technologies, en sera le fondement et le SIT, pour Services informatiques et de télécommunication, constituera en quelque sorte l'arrière-boutique.

Le SIT regroupe les travailleurs de l'ombre sans qui rien n'est possible puisque ce sont eux qui entretiennent les serveurs et les réseaux de télécommunication, programment le système, voient à la protection contre les intrusions, etc. Ils doivent non seulement assurer le développement, l'entretien et la mise à jour des infrastructures informatiques mais aussi offrir un service-conseil.

M. Bordeleau tient à préciser que sa philosophie du soutien aux usagers commence par une responsabilisation de ces derniers.

"C'est d'abord à l'usager de faire les efforts qui s'imposent pour s'approprier l'outil et en apprendre les rudiments. Il ne doit pas s'attendre à ce qu'on lui tienne la main." Le directeur général est également d'avis qu'une partie du soutien vient des pairs. Mais les collègues de travail ne sont pas toujours de patients pédagogues, sans compter qu'ils ont autre chose à faire.

M. Bordeleau admet que l'aide des pairs a ses limites. C'est là que le SAUT intervient. Il fonctionnera comme un centre d'aide sur appel, accessible par un numéro de téléphone unique, où les usagers pourront obtenir une consultation en ligne. "Si ce n'est pas suffisant, l'usager sera dirigé vers un des techniciens que nous allons déployer dans les différents pavillons, poursuit-il. Ces techniciens travailleront de concert avec ceux qui sont déjà en poste dans certaines facultés. Le technicien va donc se rendre directement au bureau du professeur ou de l'employé; il posera le diagnostic et résoudra le problème; il pourra, au besoin, faire appel à un autre niveau d'intervention."

On aura également recours à un logiciel de suivi des demandes d'aide. "Nous saurons donc quels types de problèmes se posent le plus souvent. S'il s'agit de difficultés techniques, on pourra les régler plus rapidement. S'il s'agit plutôt de problèmes d'utilisation, nous nous tournerons vers la Direction des ressources humaines pour des activités de formation mais en sachant exactement quels sont les besoins." Ainsi on pourra offrir une formation ciblée plutôt que des cours généraux qui ne répondent pas toujours à des besoins particuliers.

Normalisation
Pareil soutien suppose cependant une normalisation des outils informatiques de base, constate Pierre Bordeleau. Un tel service ne peut pas, en effet, être offert pour toutes les plates-formes, dans tous les systèmes et pour tous les logiciels, à moins d'y investir des sommes considérables. Le directeur général se fait toutefois rassurant: encore une fois, l'opération se fera après consultation des usagers. "Mais il est clair qu'on ne peut pas, par exemple, offrir ce type de service pour quatre logiciels de courrier électronique différents."

Les professeurs, les chercheurs et les étudiants des deuxième et troisième cycles, qui ont besoin d'un service plus spécialisé parce qu'ils utilisent souvent des outils de recherche complexes, auront plutôt affaire au SERTI, le Soutien à l'enseignement, à la recherche et au traitement de l'information. Ce nouveau secteur sera aussi celui où l'on aidera les professeurs à intégrer les TIC dans leurs activités d'enseignement. Le professeur pourra ainsi obtenir l'aide d'un conseiller pédagogique, d'un réalisateur, d'un photographe, d'un technicien, etc. "Il s'agira d'un véritable travail d'équipe, où le professeur, qui sera l'expert du contenu, travaillera avec d'autres partenaires qui l'aideront à améliorer ses moyens d'enseignement", signale M. Bordeleau. Pour lui, ce travail d'équipe suppose une relation de partenariat et non un rapport de demandeur à exécutant.

Informatique de gestion
La quatrième section, nommée PIGE, pour Projet d'informatique de gestion efficace, aura pour mission d'analyser les besoins de l'Université en informatique de gestion afin de proposer à la direction un scénario de remplacement des systèmes actuels, tant en ce qui concerne les finances, la gestion académique et les bibliothèques que les ressources humaines. On aura recours à des groupes de travail composés notamment de spécialistes en architecture de systèmes et en processus ainsi que de consultants en intégration de progiciels de systèmes de gestion.

"Mais changer les progiciels de gestion suppose une 'réingénierie' des processus administratifs, constate Pierre Bordeleau. Cette étape est incontournable, sans elle on ne peut prétendre réussir une implantation efficace de nouveaux progiciels."

En ce qui a trait aux ressources humaines, le directeur général envisage que le nombre d'employés réguliers passe de moins 160 actuellement à environ 180 dans deux ans. Il compte profiter de cette augmentation des ressources humaines et de l'attrition qui se produira au cours des deux prochaines années pour rajeunir le personnel, assurer une relève et même parfois "assurer une redondance". Par exemple, l'Université ne compte qu'un seul administrateur de systèmes en calcul numérique intensif, ce qui est nettement insuffisant.

"Nous entrons dans une période de transformation profonde quant à notre façon d'utiliser les TIC, constate en terminant le vice-recteur adjoint. Cette transformation déborde la simple réorganisation de la DITER puisqu'il s'agit de passer d'une utilisation artisanale à une utilisation professionnelle des nouvelles technologies."

Françoise Lachance