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Prévoir les chutes des personnes âgées

François Prince a mis au point une machine qui mesure le processus d'équilibre.

  Jeune chercheur et père de deux filles, François Prince est arrivé à l'Université de Montréal en septembre dernier.

Debout, nous oscillons tous comme la Tour du CN dans le vent. Même le plus imperturbable soldat qui monte la garde devant le palais de Westminster effectue des mouvements pour corriger les déséquilibres de son corps en position verticale. Des mouvements imperceptibles à l'oeil nu que le cerveau analyse constamment afin de les rectifier.

"Le corps debout est comme un pendule renversé, dit François Prince, professeur au Département de kinésiologie. Quand les pieds sont fixes au sol, tout le corps balance d'avant en arrière, de gauche à droite, de façon à rétablir l'équilibre. Ce seul phénomène est une merveille d'ingénierie mécanique."

Spécialiste de la posture, le chercheur a mis au point un appareil prometteur qui pourrait rendre de grands services aux personnes âgées. "Le tiers des personnes de 65 ans et plus chutent une fois par année, dit M. Prince. Cela constitue un grave problème, car certaines fractures peuvent entraîner des conséquences graves, et même la mort."

En physiatrie, l'insertion d'une prothèse totale de la hanche est une opération majeure dont les personnes âgées ont en général beaucoup de peine à se remettre. Après cinq ans, seulement 50% d'entre elles ont réappris à marcher.

Pour les gens âgés, la peur de tomber est une source importante d'anxiété. Pourtant, actuellement, la seule façon de savoir si une personne est "à risque", c'est de lui demander si elle a déjà chuté...

Un test clinique d'ici deux ans
Constitué d'une plaque munie de senseurs qui enregistrent les moindres modifications de pression sous le pied et d'une caméra de haute précision qui saisit les mouvements du corps d'un sujet, l'appareil de François Prince et son équipe mesure ce délicat processus d'équilibre. Lorsqu'une personne "oscille" plus qu'une autre, elle est plus susceptible de chuter.

Lorsqu'il sera au point, l'appareil permettra une évaluation de l'état du sujet sur une échelle de 1à10, le chiffre le plus élevé représentant un haut risque. Par la suite, le patient sera revu une ou deux fois l'an pour suivre l'évolution de sa condition.

"Nous voulons éviter la première chute, signale le chercheur. Pour y parvenir, il faut joindre le grand public, et non les personnes qui ont déjà eu des accidents. Nous voulons pouvoir dire à une femme ou un à homme de 69 ans, par exemple, que ses risques de chuter sont plus grands que ceux de son voisin."

On peut imaginer qu'une telle machine trouvera sa place près du pèse-personne dans un cabinet de physiothérapie ou chez un spécialiste de la condition physique. Mais pourquoi pas aussi à la pharmacie du coin, où sont déjà installés des appareils mesurant la pression sanguine?

"Nous en sommes à perfectionner nos variables prédictives, dit François Prince. Je travaille avec Jean Dansereau, titulaire de la chaire CRSNG en aide technique à la posture, à la conceptualisation d'un appareil. D'ici deux ans, nous pourrions être en mesure de déposer des brevets."

D'autres travaux connexes sont en cours. Par exemple, avec Luc Proteau, également professeur au Département de kinésiologie, les chercheurs veulent connaître les interactions entre la vision et le processus d'équilibre. Debout sur une plaque mobile, les volontaires seront appelés à pointer leur doigt vers un objet alors que leur attention sera perturbée par un déséquilibre.

"Nous voulons voir s'il existe une différence entre les 'super-vieux' qui font de la randonnée pédestre l'automne, fréquentent le centre de conditionnement physique trois fois par semaine et nagent tout l'été, et les sédentaires du même âge. Notre hypothèse est que la perte d'habiletés en motricité fine, les déséquilibres et d'autres effets de l'âge seront atténués chez les personnes âgées en forme."

De Sherbrooke à Montréal
C'est au Laboratoire de posture et de locomotion, fondé par François Prince en 1994 à l'Université de Sherbrooke, que le chercheur de 33 ans a entrepris ses recherches. Avant d'accepter un poste de professeur au Département de chirurgie de cette université, le jeune homme avait acquis son expertise durant ses études doctorales à l'Université de Waterloo, chez un spécialiste de la posture, David Winter. "Un tournant dans ma carrière", dit-il.

Quand on regarde le curriculum vitae de François Prince, on est impressionné par son parcours: baccalauréat, maîtrise et doctorat en sciences de l'activité physique et en kinanthropologie, stages chez des sommités au Canada et en Allemagne, participations à plusieurs associations de gériatrie et d'orthopédie. Lauréat de bourses et de prix importants, il a publié un nombre impressionnant d'articles scientifiques.

Mais cela n'inclut même pas une des activités qui l'ont occupé le plus durant ses années d'études: l'athlétisme. Durant sa formation, ce coureur de demi-fond (800 m et 1000 m) a participé à plusieurs compétitions universitaires de haut niveau. Au moment de choisir une université de premier cycle, le programme sport-études de l'Université de Sherbrooke a pesé dans la balance (l'Université de Montréal ne possédait pas un tel programme à cette époque).

Il n'oublie pas que son arrivée à Montréal à titre de professeur adjoint a été précédée de quatre années très fructueuses en Estrie. Mais l'Université de Montréal s'est montrée généreuse à son endroit. Le vice-rectorat à la recherche ainsi que le Département de kinésiologie lui ont offert des conditions avantageuses dont peu de jeunes chercheurs bénéficient. Son laboratoire a été aménagé à un coût de quelque 80 000$. Un investissement. François Prince a beaucoup de projets.

Mathieu-Robert Sauvé


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