[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]

Psychologie du sport: nouvelle approche pour réussir

C'est la "stratégie" qui distingue les meilleurs, selon Claude Sarrazin.

Tant qu'elle n'était pas en piste pour une compétition internationale, Sylvie (nom fictif) laissait dans son sillon les meilleures patineuses des équipes coréenne et chinoise. Mais aussitôt que la véritable épreuve s'annonçait, rien à faire, elle craquait sous la pression et n'atteignait même pas la dixième place.

"Cette situation s'était produite à plusieurs reprises, explique le psychologue Claude Sarrazin, professeur au Département de kinésiologie. L'entraîneur ne savait plus quoi faire."

À la suite d'une série de consultations avec le psychologue, la jeune fille a pu remonter aux sources de ses difficultés et venir à bout de ce curieux déclic négatif qui se produisait tout juste avant le signal de départ de championnats mondiaux. À peine un mois après le début des rencontres, un résultat surprenant venait confirmer qu'elle avait renversé la vapeur: une quatrième place. Sa confiance retrouvée allait éventuellement la mener sur la plus haute marche du podium.

Évidemment, tous les clients de M. Sarrazin ne connaissent pas une telle amélioration spectaculaire de leur performance. Mais en 15 ans d'expérience auprès des meilleurs sportifs du pays, le professeur a découvert une constante chez ceux qui gagnent: la stratégie. "Ceux qui parviennent aux meilleurs résultats sont ceux qui planifient scrupuleusement leur attitude. Ils improvisent moins que les autres, suivent systématiquement leur plan."

Cela vaut également pour d'autres groupes, fait-il remarquer. Les entreprises qui figurent au palmarès 500 du magazine Fortune ont des stratégies de développement savamment élaborées et rigoureusement respectées. Un bon médecin, un bon avocat tentent aussi de bien suivre les plans qu'ils dressent. D'ailleurs, M. Sarrazin a donné des consultations dans des entreprises canadiennes ou européennes aux prises avec des problèmes de rentabilité.

Une approche globale
Dans un livre qui paraîtra prochainement aux Éditions du Méridien, Claude Sarrazin présente l'essentiel de son approche, qui tient en huit points (voir l'encadré de gauche). Si cette approche s'appuie sur son expertise en activité physique, elle peut bénéficier au grand public, car l'auteur s'est appliqué à utiliser un langage accessible. Et pourquoi ce qui est vrai pour les meilleurs ne vaudrait pas pour les gens ordinaires?

"Vous savez, lorsqu'une personne se fixe un objectif, c'est elle qui décide. Pour un athlète olympique, ça peut être d'accéder à une médaille. Pour l'homme qui a une phobie de l'ascenseur ou qui a peur de conduire une auto dans la circulation dense, ça va être d'affronter cette épreuve une fois."

Cela dit, l'athlète pousse certainement la machine à sa limite. Chaque être humain est un système qui produit un grand nombre d'interactions. Pour optimiser ses performances, l'athlète doit parvenir à diriger ces interactions vers un même but. Parfois, la "poubelle" de son esprit, remplie des craintes d'échec, de superstitions et autres pensées négatives, vient se vider au moment inopportun. Le stress, la peur de décevoir peuvent ainsi tout faire basculer. C'est alors que l'athlète choke, comme dit l'expression populaire.

Les études démontrent que le stress est inhérent aux épreuves. Le chercheur qui doit présenter une conférence, le hockeyeur qui pense à son prochain match, l'étudiant qui se présente à l'examen, tous peuvent craquer. "Comme le disait Hans Selye, le stress peut être positif. On n'élimine pas le stress. On apprend à vivre avec."

Double expertise
Avant d'obtenir sa maîtrise et son doctorat en psychologie, Claude Sarrazin était déjà titulaire de deux baccalauréats (psychologie et éducation physique). Son approche fait le lien entre les deux disciplines. "La psychologie du sport, c'est l'art d'optimiser le rendement humain", dit-il.

Sa journée de travail compte un temps variable consacré à la recherche et à l'enseignement. Il dirige notamment 10 étudiants aux cycles supérieurs: 5 au doctorat et 5 à la maîtrise. En outre, il donne une ou deux consultations individuelles par semaine. Une activité qui nourrit son enseignement et ses recherches.

La psychologie sportive est une discipline relativement nouvelle qui n'est pas encore tout à fait acceptée dans le milieu sportif. "Les athlètes croient qu'ils ne doivent pas présenter de faiblesses. La psychologie, associée à la maladie mentale, est donc mal vue. Les femmes consultent d'ailleurs plus souvent que les hommes."

Pourtant, certains athlètes olympiques ont déclaré, à l'issue de leur carrière, que, s'ils avaient connu la préparation mentale méthodique plus tôt, ils auraient atteint leurs objectifs bien avant.

Après avoir été lui-même un karatéka de haut niveau (ceinture noire), M. Sarrazin a conseillé les membres des équipes nationales de patinage de vitesse sur courte piste, de handball et de nage synchronisée, ainsi que des équipes québécoises de karaté, de patinage artistique et de tir au pistolet. À titre individuel, il a reçu en consultation des athlètes issus de presque tous les sports: hockey, golf, football, soccer, plongeon, ski de fond, baseball, haltérophilie et même échecs.

Échecs? "Oui, un aspirant maître a fait appel à mes services."

Mathieu-Robert Sauvé


Les huit "boutons de contrôle" de la réussite

Selon un ouvrage de Claude Sarrazin qui paraîtra prochainement, l'athlète a huit "boutons de contrôle" à maîtriser s'il veut atteindre des performances de haut niveau. Les boutons règlent des facteurs physiques et psychologiques essentiels: la détente globale, l'activation de l'organisme, les comportements et attitudes non verbales, la routine (suite de gestes qui précèdent la compétition), la visualisation, l'attention et la concentration, la confiance sur le terrain et la pensée et les émotions.

"Quand j'évalue un athlète, je commence par découvrir quel bouton est défectueux. Puis, nous essayons de remonter à la source du problème", dit le psychologue. L'athlète n'est pas assuré d'une médaille au bout du processus, mais il finira par mieux connaître ses forces et ses faiblesses.


Véronique Godbout: athlète des études et... espoir canadien

Étudiante en médecine, Véronique Godbout se lève à 7 h 30 et déjeune en vitesse pour être à l'heure dans la salle de classe... à 8 h. "J'habite à côté. Une chance", dit-elle.

Lorsque son cours prend fin, à 11 h 30, elle dîne en assistant à une conférence-midi organisée par l'association étudiante (dont elle s'occupe). Elle profite des deux heures qui suivent pour étudier et préparer ses examens. Puis, à 16 h, sa vraie journée commence. "Je décroche psychologiquement. Je me rends à la piscine pour mon entraînement."

En plus d'être une athlète des études, Véronique Godbout est l'une des nageuses d'élite les plus prometteuses du Canada. Choisie meilleure athlète universitaire du Québec en 1997, elle a remporté cette année-là une médaille de bronze au 50 m papillon aux championnats canadiens. Aux prochaines compétitions, elle ne vise rien de moins qu'une place sur le podium.

Aucun doute selon elle: la préparation minutieuse de l'entraînement est impérative. "Je connais l'approche de Claude Sarrazin pour avoir suivi ses cours lorsque j'étudiais en éducation physique. Elle est très pertinente. Dans mon cas, je me fixe des objectifs en début d'année et, quoi qu'il arrive, je les garde en tête."

Les objectifs de Véronique Godbout tournent autour de trois axes: la vie sociale, les études et l'entraînement. Avant le début de la saison, elle détermine, par écrit, ses priorités. "L'an dernier, par exemple, j'étais en année préparatoire de médecine. Je me suis donné comme but d'avoir des notes dans la moyenne. Cette année, de par l'approche pédagogique privilégiée en médecine, les notes m'importent moins. Ce que je veux, c'est bien maîtriser la matière. Du côté de l'entraînement, j'ai regardé tout ça avec mon entraîneur. Il m'a fait modifier certains objectifs, à la hausse ou à la baisse selon le cas. Je dois maintenant livrer la marchandise."

Du côté de la vie sociale, presque rien n'est laissé au hasard. Si vous organisez une fête une semaine avant une compétition, ne comptez pas sur Véronique Godbout. La seule chose qui puisse bouleverser les plans, c'est de "changer de chum".

Mais... une vie si bien réglée ne rend-elle pas fou? Pas du tout, répond la jeune fille de 24 ans. "Je nage depuis l'âge de 4 ans. Ça fait partie de ma vie."

Véronique Godbout a même du temps pour ses loisirs: la peinture, la broderie, la lecture...

M.-R.S.


[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants][Opinions]