70 logos pour l'Université de Montréal!

Une classe de design graphique repense l'image institutionnelle.

Lionel Dion compte une douzaine d'années d'expérience à titre de designer graphiste. Il s'est attaqué à l'emblème de l'Université de Montréal.

Au cours de l'allocution du recteur Robert Lacroix le 5 octobre dernier, un jeune chargé de cours à l'École de design industriel, Lionel Dion, prenait en note ses allusions au renouveau. Des mots comme "projet d'avenir", "potentiel d'innovation", "capital de développement", "volonté profonde de changement et d'action" parsemaient le discours du recteur. "J'ai relu la transcription de l'allocution, dit Lionel Dion, un designer graphique professionnel. Je n'ai pas pu faire autrement que me demander si l'emblème officiel de l'Université de Montréal correspondait à cette vision de la nouvelle administration."

Après tout, l'emblème actuel de l'Université a été créé il y a plus de 30 ans, signale M. Dion. "Il était avant-gardiste à l'époque, mais aujourd'hui, à l'aube du nouveau millénaire, on peut se demander s'il demeure approprié. Quand on pense que des entreprises comme IBM ont changé 12 fois de logo en un demi-siècle!"

C'est ainsi qu'il a donné vie à l'idée du directeur de l'École, Albert Leclerc: demander aux 70 étudiants inscrits au cours "Graphisme et processus créateur" de repenser l'image institutionnelle en plus de créer leur propre logotype et celui de l'École de design industriel. Un travail énorme compte tenu que la conception d'un seul logo peut demander de 400 à 500 esquisses.

Il s'agit, bien sûr, d'un simple exercice pour des étudiants qui se destinent au design industriel, et non au graphisme professionnel. Mais cet exercice leur a plu, à en juger par le nombre et la qualité des maquettes qui ont été remises au chargé de cours.

"La direction de l'Université n'a aucunement l'intention de transformer l'emblème actuel, précise Claude Forget, responsable du graphisme à la Direction des communications, qui a été invité à juger les travaux des étudiants. Mais cela n'empêche pas les étudiants de choisir ce thème pour l'un de leurs cours."

L'emblème actuel, un "m" à quatre branches surmonté d'un "u" majuscule qui rappelle le Pavillon principal, a été conçu par Jean-Claude LaHaye, un urbaniste-conseil qui avait déjà travaillé sur le plan d'aménagement du campus. Adopté par le Conseil des gouverneurs à sa séance du 4 janvier 1968, le logo au symbolisme jugé "très moderne" s'est imposé partout, sur le papier à en-tête autant que sur l'équipement sportif, les permis de stationnement et les affiches.

"Je crois que sa force est d'être très connu", dit Claude Forget, qui se bat, lui, contre la mauvaise utilisation de l'emblème. Depuis sa création, certains le reproduisent de toutes les manières, ce qui ne l'avantage pas. C'est pourquoi le responsable a demandé en 1986 à un professionnel, Pierre Fontaine, de concevoir un cahier de normes auquel tous doivent se conformer.

Un logo froid
Pour le graphiste Lionel Dion, il demeure que l'emblème est plutôt froid, géométrique, et n'exprime peut-être pas ce qu'une université peut représenter: l'innovation, l'interdisciplinarité, la créativité. Dans son cours, il enseigne les trois règles d'or du logotype: se distiguer des concurrents par une personnalité propre, assurer une permanence et être simple. "Mais il faut se demander si ce logo fait bien son travail. Si oui, pourquoi le changer?"

L'exercice aura en tout cas permis aux futurs designers industriels d'étudier la question en profondeur, car chaque étudiant devait consulter un graphiste professionnel pour connaître son opinion sur l'emblème. Chacun d'entre eux devait donner 10 points positifs et 10 points négatifs sur le grand U avant de juger le travail de l'étudiant. Une séance de critique par des professionnels a clôturé le cours.

Mathieu-Robert Sauvé