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Les PUM en pleine révolution électronique

Guylaine Beaudry est passée de la musicologie aux sciences de l'information avec virtuosité, apprenant à maîtriser un des langages les plus complexes de l'informatique: le SGML.

Lorsqu'elle étudiait la musicologie, Guylaine Beaudry a vécu une expérience déterminante le jour où elle a consulté sur le site de la revue Postmodern Culture un article sur le compositeur John Cage. Tout en lisant le texte, elle entendit l'extrait sonore dont il était question, découvrant une deuxième dimension à la diffusion des connaissances. "Un grand moment", dit-elle.

Plus rapidement qu'on pense, la plupart des articles savants et des thèses sur support électronique intégreront de tels éléments sonores, mais aussi des modèles en trois dimensions, des extraits de films, des illustrations animées, etc., en plus des bons vieux graphiques et tableaux. "Bientôt, la diffusion sur papier sera vue comme une contrainte, un pis-aller", résume la jeune femme.

Autrefois pianiste et spécialiste de la musique contemporaine, Guylaine Beaudry a troqué John Cage contre Bill Gates et s'est lancée dans l'étude d'un langage informatique reconnu pour sa complexité: le Standard General Markup Language (SGML). Pendant deux ans, au cours de ses études de deuxième cycle en sciences de l'information, elle a vécu avec les manuels d'explication du SGML sans jamais se décourager. Résultat: elle a acquis une telle maîtrise de ce système qu'elle s'est fait connaître au Canada anglais et en France pour son expertise en publication électronique.

Aujourd'hui directrice d'une équipe spécialisée dans ce secteur aux Presses de l'Université de Montréal (PUM), elle travaille à la diffusion, sur le Web, de cinq revues savantes (Géographie physique et Quaternaire, Meta, Sociologie et sociétés, Relations industrielles et Revue d'histoire de l'Amérique française) et d'extraits de monographies du catalogue. Elle mène également un projet, avec la collaboration du Service des bibliothèques, pour diffuser dès le printemps 1999 la version électronique de 20 thèses de doctorat déposées à l'Université de Montréal.

Résistance universitaire
Si ce projet est concluant, les 350 thèses produites au cours de l'année 1998-1999 seront accessibles au bout des doigts par un simple double clic, de l'Australie à Chicoutimi, dès janvier 2000. Cela permettra à ces travaux de connaître un rayonnement sans précédent. "La thèse, résume Guylaine Beaudry, c'est l'élément qui distingue les universités des autres ordres d'enseignement. Une grande valeur symbolique y est rattachée."

Même si elle sent une résistance du milieu universitaire envers les nouvelles technologies de communication, Guylaine Beaudry se dit que les universitaires de demain verront certainement les choses d'un autre oeil. Quand elle regarde sa fille de quatre ans s'installer devant l'ordinateur et se brancher sur Internet à la recherche de sites sur des personnages de dessins animés, elle s'en convainc davantage. "Ces enfants-là arriveront à l'université, un jour. Quelles seront leurs exigences? L'impression sur papier leur apparaîtra certainement limitée."

En réponse à cette résistance, l'unité des publications électroniques des PUM a choisi de faire aux éditeurs de revues savantes incertains de sauter le pas une offre qu'ils ne pourront pas refuser: pour le même prix, ils verront leurs revues publiées sur papier et sur le Web. Pour leurs lecteurs, c'est une aubaine, car ceux-ci auront le choix entre les deux supports. En janvier 2000, cependant, leur accès à la version électronique cessera d'être gratuit, façon d'assurer un autofinancement.

Ne payez pas avant l'an 2000!
La transition vers l'électronique achoppe sur le même vieux problème: l'argent. "Jusqu'ici, nous avons pu fonctionner grâce à des subventions. Nous devrons trouver des moyens de nous autofinancer. L'accès aux sites est actuellement gratuit. En janvier 2000, il faudra payer pour y accéder."

Il semble évident que le coût de production des moyens traditionnels fera pencher la balance. Actuellement, il en coûte 75$ à quiconque désire obtenir un exemplaire d'une thèse canadienne ou américaine. C'est l'agence UMI, basée aux États-Unis, qui joue le rôle d'intermédiaire. De plus, chaque thèse doit être déposée en trois exemplaires à l'université responsable: un pour les archives, un pour la consultation et un autre pour le dépôt légal à la Bibliothèque nationale. Tout cela coûte cher. "Favoriser le dépôt d'une version électronique, c'est une façon pour l'université de se réapproprier ses propres thèses", dit Guylaine Beaudry.

S'il faut en croire cette convertie, les nostalgiques de l'odeur de l'encre peuvent dormir tranquilles. L'électronique n'éclipsera pas l'invention de Gutenberg. "Au début, j'imprimais systématiquement les documents à lire, dit-elle. Graduellement, je me suis habituée à me passer de papier. Aujourd'hui, je garde dans mon bureau quelques ouvrages de référence, mais je passe la majeure partie de mon temps à lire directement à l'écran. Mais attention! Cela ne veut pas dire que je n'apprécie pas le fait de m'allonger sur un canapé, après ma journée, avec un bon livre..."

Mathieu-Robert Sauvé


À l'avant-garde au Canada

Comprendre le SGML exige une patience de bénédictin, surtout pour les informaticiens autodidactes. Une seule application de traitement de texte renvoie à un manuel de plus de 2200 pages, sans compter les références sur le Web, encore plus volumineuses. Mais on peut dire que, pour Guylaine Beaudry, directrice des publications électroniques aux Presses de l'Université de Montréal, tout ce travail n'aura pas été vain.

L'expertise de son équipe, en place depuis deux ans (ses collègues Martin Sévigny, Marie-Hélène Vézina et Jean-François Guévin possèdent aussi une maîtrise de l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information), sera bientôt exportée. Les éditeurs de deux grandes universités canadiennes, University of Toronto Press et Wilfrid Laurier University Press, veulent s'en inspirer pour mettre leurs propres revues en ligne. Les responsables des presses de l'Université Lumière Lyon 2 viendront également suivre une formation aux PUM. Un transfert technologique interuniversitaire réalisé simultanément vers l'est et vers l'ouest, c'est rare!

"Pour nous, ces précédents sont très importants, explique Guylaine Beaudry. Ils ouvrent la voie à une nouvelle façon de penser la publication savante."

Pour la crédibilité de l'Université de Montréal et des PUM, c'est aussi un excellent coup. University of Toronto Press, qui possède 26 revues savantes, et Wilfrid Laurier University Press, qui en possède 13, viendront à l'école des PUM, qui n'en publie que 7... en français.

M.-R.S.



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