"Les étoiles Wolf-Rayet sont entourées d'une nébuleuse en forme de coquille provenant de la matière qu'elles éjectent", explique Anthony Moffat. |
Le professeur Anthony Moffat, du Département de physique, vient d'obtenir une nouvelle confirmation d'une découverte qu'il faisait il y a quelque temps concernant l'émission de matière par les étoiles chaudes les plus massives de l'univers (plus de 50 fois la masse du Soleil).
Au cours de leur évolution, ces étoiles connaissent une phase de dispersion particulièrement intense de leur matière, qui forme des nébuleuses autour d'elles. Pendant cette phase, estimée à 500 000 ans, l'étoile constitue un type particulier appelé "Wolf-Rayet", du nom de ses découvreurs.
Anthony Moffat a été le premier à démontrer que le vent de ces étoiles - des milliards de fois plus puissant que celui de notre soleil - n'était pas uniforme mais révélait d'importantes turbulences. La photo d'une nébuleuse entourant une étoile Wolf-Rayet, prise à l'aide du télescope Hubble, confirme ses premières observations spectroscopiques.
"La photo nous révèle une complexité jusqu'ici insoupçonnée de la structure de la nébuleuse, explique-t-il. La vitesse de dispersion des gaz n'est pas uniforme et l'on remarque des vides et de nombreux 'grumeaux', d'environ 1% la masse de la Lune, autour desquels il y a de la turbulence. C'est la première fois qu'on observe ce phénomène directement."
Selon le professeur, ces grumeaux peuvent provenir de l'étoile elle-même ou être produits par la collision des gaz de l'étoile avec la matière interstellaire. "Des analyses plus poussées de la vitesse de déplacement des grumeaux et de l'expansion de la nébuleuse nous permettront de déterminer la provenance de ces structures", espère-t-il.
Une première estimation de la vitesse d'expansion est de 700 kilomètres à la seconde alors que les grumeaux se déplacent à 40 kilomètres à la seconde. Cette absence d'homogénéité oblige les astrophysiciens à réviser de façon significative l'évaluation de la perte de masse des étoiles et à revoir les théories de leur évolution.
Cette photo, obtenue par le télescope Hubble, révèle la structure turbulente et granuleuse de la nébuleuse entourant l'étoile WR124. Le rayon de la nébuleuse atteint quatre millions d'années-lumière. Le disque au centre de la photo est un cache utilisé pour masquer la brillance de l'étoile. |
Quatre années-lumière
L'étoile Wolf-Rayet (WR124) sur laquelle ont porté
ces travaux est située à 15 000 années-lumière
de nous, dans la constellation de l'Aigle. L'étendue de
la nébuleuse atteint 4 années-lumière, ce
qui équivaut à la distance qui sépare le
Soleil de l'étoile la plus rapprochée. Dans son
évolution ultérieure, l'étoile WR124 explosera
en supernova ou s'effondrera sur elle-même pour donner un
trou noir.
La photo de la nébuleuse a nécessité près de trois heures de pose, ce qui a mobilisé le télescope spatial pendant une durée peu commune de quatre orbites. L'analyse des données a été effectuée par Yves Grosdidier, qui en a fait sa thèse de doctorat sous la direction d'Anthony Moffat. Les professeurs Gilles Joncas (Université Laval) et Agnès Acker (Observatoire astronomique de Strasbourg) ont également participé aux travaux.
L'année dernière, le professeur Moffat a obtenu une bourse Killam qui lui permet de se consacrer entièrement à ses travaux de recherche pendant deux ans.
Daniel Baril