[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants]


Courrier


À propos de droits de scolarité

Monsieur Lacroix,

Dans l'entrevue parue dans L'actualité du 1er novembre 1998, vous vous êtes lancé sur un terrain glissant, autant pour la société que pour la communauté universitaire: celui d'une éventuelle hausse des droits de scolarité. Même si vous affirmez ne pas vouloir dicter la façon de faire à nos dirigeants en matière de droits de scolarité, vous laissez croire que des choix de société sont à faire en matière de financement des universités. Sans le déclarer explicitement, vous pensez que ces choix devraient tendre vers une hausse des droits de scolarité de façon à atteindre la moyenne des universités canadiennes, allant même jusqu'à comparer dans votre plaidoyer le financement des universités québécoises et ontariennes. Mais vous semblez oublier que des décisions ont déjà été prises et que la classe politique du Québec a choisi de renoncer à toute hausse des droits de scolarité. Ces choix ont été arrêtés, nous vous demandons donc d'en prendre acte et de ne pas relancer le débat. Malgré certaines voix en faveur d'une hausse des droits de scolarité au niveau de la moyenne canadienne, un consensus existe au Québec sur la nécessité de maintenir ces droits bien au-dessous de ce chiffre. Ce consensus découle d'une volonté claire de la part de la société de préserver le modèle universitaire québécois. Ce modèle est bâti sur le principe de l'accessibilité aux études universitaires, principe auquel vous semblez adhérer si nous nous fions à votre discours sur le plan de relance de l'Université de Montréal prononcé le 5 octobre dernier.

Ce plan de relance vise l'augmentation de la clientèle étudiante, plus précisément de 2100 étudiants d'ici 2001, soit une hausse de 6%. Il est évident que l'augmentation de la clientèle constitue un objectif difficilement atteignable sans une meilleure accessibilité. Ainsi, si vous voulez augmenter la fréquentation à l'Université de Montréal, les étudiants ne doivent pas être confrontés à un trop grand obstacle financier à leur entrée à l'université. Étant donné qu'une hausse des droits de scolarité réduit l'accessibilité, en constituant un obstacle important pouvant les amener à renoncer à leur choix de fréquenter l'université, comment croyez-vous atteindre vos objectifs de clientèle? [...]

Vous n'êtes pas sans savoir que la hausse brutale des droits de scolarité du début de la décennie a eu des répercussions négatives sur la clientèle. Ces répercussions se sont fait sentir non seulement sur le nombre d'étudiants, mais également sur les conditions dans lesquelles ces derniers ont poursuivi leurs études universitaires, ces conditions favorisant entre autres le décrochage. Les étudiants ont vu leurs conditions se dégrader, notamment par l'augmentation de l'endettement, l'obligation de travailler tout en poursuivant des études à temps plein et la précarisation des conditions de vie. Les étudiants font déjà leur part et leur situation ne leur permet pas de fournir l'effort supplémentaire que vous attendez d'eux.

La hausse des droits de scolarité ne constitue pas une solution viable pour améliorer le financement des universités. En premier lieu, une augmentation des droits de scolarité de l'ordre de 100% (hausse qui permettrait aux universités québécoises d'atteindre le niveau de la moyenne canadienne) n'amènerait qu'une augmentation de 11,6% du financement global des universités. Cela est dû à la structure du financement des universités: en 1994, les droits de scolarité comptaient pour 11,6% de leur budget annuel. Mais l'affaiblissement de l'effet ne s'arrête pas là. Une telle augmentation diminuerait de façon significative la fréquentation des étudiants à l'université (diminution qui pourraît être plus importante que celle qui a suivi le dégel de 1990). Le calcul de la subvention gouvernementale se basant sur cette fréquentation, la diminution de la clientèle viendra donc atténuer davantage l'effet de la hausse sur le financement des universités, et ce, jusqu'à rendre cet effet négligeable, voire nul. Finalement, la hausse des droits de scolarité peut amener le gouvernement à réduire sa part du financement des universités, comme il l'a fait après le dégel de 1990-1993. Les universités seront aussi mal financées qu'avant la hausse et tout sera à recommencer.

[...] Dans l'article paru dans L'actualité, vous avez fait abstraction du fait qu'il existe d'autres sources de financement et que la diversification de ces dernières constitue une des solutions. Des efforts sont à faire de la part des universités pour améliorer cette diversification, notamment sur les fonds de dotation, où le Québec accuse un retard important par rapport au reste du Canada et aux États-Unis. L'Université de Montréal fera une campagne importante pour l'an 2000 et nous osons espérer que vous ferez davantage d'efforts pour publiciser cette campagne qui approche à grands pas de façon à améliorer la situation de votre fonds de dotation. [...]

Vous n'êtes pas sans savoir que le gel des droits de scolarité constitue la position de plusieurs membres de la communauté universitaire, dont celle des étudiants. Depuis votre entrée en fonction au poste de recteur de l'Université de Montréal, ces derniers vous ont interpellé à diverses reprises pour vous rappeler leur position en faveur du gel. Les avez-vous oubliés? [...]

L'augmentation du financement des universités passe par une action concertée de l'ensemble de la communauté universitaire. Nous vous invitons à faire alliance avec celle-ci de façon à dresser un front commun qui réclamera du gouvernement des réinvestissements dans le système universitaire québécois. De cette façon, nous nous assurerons que notre société se taillera une place de choix dans la nouvelle économie du savoir.

Karine Gélinas
Secrétaire générale de la FAECUM


[page U de M][Accueil Forum][En bref][Calendrier][Vient de paraitre][Etudiants]