Guy Pelletier |
Philippe Perrenoud |
Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'instruction publique, le système scolaire québécois est en pleine transformation. Au-delà de la modification la plus apparente, soit l'instauration de commissions scolaires linguistiques, la loi apporte plusieurs changements dans la répartition des pouvoirs: les écoles en ont un peu plus, les commissions scolaires un peu moins, alors que les directeurs doivent cogérer.
"Si l'école a plus de pouvoir, cela signifie également qu'elle a l'obligation de rendre compte de son travail, souligne Guy Pelletier, professeur au Département d'études en éducation et d'administration de l'éducation. L'autonomie entraîne donc un processus d'évaluation. Le même mouvement de responsabilisation des établissements scolaires s'observe aussi en Europe."
Cette problématique de l'autonomie et de l'évaluation constituait d'ailleurs le thème du colloque de l'Association francophone internationale des directeurs d'établissements scolaires (voir l'encadré) tenu du 14 au 16 octobre derniers sous l'égide de l'Université de Montréal.
Nouvelle culture
En conférence d'ouverture, le sous-ministre adjoint de l'Éducation,
Robert Bisaillon, a précisé les objectifs de la réforme
en cours au Québec. "L'autonomie des établissements n'est
pas une fin en soi mais un moyen pour atteindre les objectifs d'instruction
et de formation poursuivis par l'école, a-t-il rappelé. Même
s'il y a autonomie accrue, aucun pouvoir ne sera délégué
de façon absolue; tous les pouvoirs seront partagés entre
les différents paliers du système."
Selon le sous-ministre adjoint, ceci nécessite une nouvelle culture administrative constituée de cinq éléments principaux: la gestion doit se faire en collégialité; l'établissement doit être considéré comme une communauté et non comme une juxtaposition de groupes; les décisions doivent être prises par consensus; les décideurs doivent faire preuve d'initiative; et la sélection des moyens d'action doit se faire selon une stratégie conçue en fonction d'un projet éducatif.
Le second conférencier, Philippe Perrenoud, professeur à l'Université de Genève, a décortiqué les notions complexes d'autonomie et de projet. "Si la question de l'autonomie se pose pour les établissements scolaires, c'est d'abord parce qu'ils ne sont pas autonomes, a-t-il fait remarquer. Nous avons ici un cas d'espèce qui pourrait nous faire perdre la raison: nous parlons de l'autonomie et du projet d'un établissement qui n'est pas autonome et qui ne peut exister sans projet!"
Et pourquoi cette notion d'autonomie surgit-elle un peu partout en même temps? S'agit-il d'une mode? Le professeur a exploré cinq hypothèses permettant de situer le débat dans un large contexte.
L'hypothèse optimiste serait que le mouvement autonomiste est l'expression d'une mobilisation créatrice inhérente au processus d'évaluation. L'autonomie peut également être un corollaire de la professionnalisation du métier d'enseignant. "Si l'on accorde plus de responsabilités professionnelles aux enseignants, cela suscite en même temps l'implantation de structures plus autonomes, moins bureaucratiques", a-t-il souligné.
L'autonomie peut par ailleurs être le résultat du partage du pouvoir des directeurs, qui préfèrent un tel partage que la perte du pouvoir. Le mouvement peut encore être l'application, au milieu scolaire, d'un courant allant dans le même sens en management.
Finalement, l'hypothèse la moins rassurante: l'autonomie consentie aux établissements scolaires peut être l'effet d'une décentralisation visant à refiler à d'autres les contradictions du système.
"La notion d'autonomie est donc une notion ambiguë et les questions qu'elle soulève n'obtiennent de réponses simples que si l'on n'y a pas réfléchi", en conclut Philippe Perrenoud.
Plus d'un centaine de personnes ont participé à ces trois jours d'ateliers.
Daniel Baril
L'AFIDESComme son nom l'indique, l'Association francophone internationale
des directeurs d'établissements scolaires (AFIDES) a pour but de
promouvoir les échanges entre les responsables d'établissements
scolaires du monde francophone. L'AFIDES est accréditée auprès du Conseil permanent de la Francophonie, de l'Agence de la Francophonie et de l'UNESCO en tant qu'organisation internationale non gouvernementale. L'Association édite La revue des échanges et publie sur son site Internet (www.afides.qc.ca) une riche documentation sur la gestion de l'éducation. |