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L'Université de Montréal: un projet d'avenir

   Robert Lacroix

L'Université de Montréal "est née parce que des idéalistes rêvaient de lumière pour leurs compatriotes*". Ce rêve n'a cessé de mobiliser les énergies de nos prédécesseurs. Ils n'ont pas toujours eu la partie facile. L'Université de Montréal a connu de nombreuses crises au cours de son histoire, certaines d'une gravité telle qu'elles remettaient en cause son développement même, certaines d'une ampleur telle qu'elles nécessitaient de réorienter l'institution en des directions radicalement nouvelles. L'histoire nous apprend que l'Université de Montréal a su trouver, en elle-même et dans la société qui la soutenait, les moyens de surmonter toutes ces crises et d'intensifier chaque fois sa croissance. La présente crise du financement public a suscité des interrogations sérieuses sur nos moyens de poursuivre ce rêve d'une grande université au service de la société. De nouveau, la situation est grave et l'urgence d'un redressement, évidente.

Avant mon entrée en fonction comme recteur, le diagnostic posé sur la crise actuelle était connu et partagé par les membres de la communauté universitaire. J'ai moi-même à maintes reprises examiné les diverses facettes de cette problématique. Mon évaluation a toujours pris en compte, cependant, les exceptionnelles ressources de l'Université, son potentiel d'innovation et de transformation, son rôle irremplaçable dans notre société et le capital de développement qui s'y trouve disponible. C'est avec enthousiasme que j'ai donc accepté le mandat de diriger notre université dans la présente phase de son histoire. Et je me suis entouré, pour ce faire, de l'équipe que j'estime la plus compétente et la plus déterminée. Depuis le 1er juin, nous avons consulté, collectivement et individuellement, les responsables de facultés, les directions d'associations et de syndicats, et un grand nombre de représentants de la communauté universitaire et des milieux externes. De cet exercice, et pour m'en tenir à l'essentiel, je tire quatre grands constats.

En premier lieu, je note une volonté profonde de changement et d'action dans l'ensemble de la communauté universitaire et au sein de ses groupes constitutifs. Me tournant vers les éléments essentiels de notre mission, je note en deuxième lieu qu'en matière d'enseignement et de formation, et sans avoir démérité pour autant, notre université est en perte de vitesse dans plusieurs secteurs par rapport à ses concurrentes immédiates. Je note, en troisième lieu, qu'en matière de recherche l'Université de Montréal continue d'occuper la première place au Québec et l'une des toutes premières au Canada. En dernier lieu, je salue le remarquable travail de stabilisation accompli par l'équipe de René Simard, avec la collaboration de toute la communauté universitaire. Toutefois, malgré ces efforts exigeants, nous avons encore un écart structurel de 15 millions de dollars entre nos dépenses et nos revenus, et un déficit accumulé qui s'élèvera à quelque 84 millions de dollars à la fin de la présente année. On ne peut léguer un tel héritage aux générations futures. Grâce à la compréhension et à la générosité de la communauté universitaire, nous bénéficions d'un congé de cotisation au régime de retraite d'une durée de trois ans et d'une valeur de 44 millions de dollars. Ce congé permet d'éponger une partie du déficit courant et nous donne une certaine marge de manoeuvre.

Partant de ces constats, le choix qui se présente à nous est clair: ou bien nous poursuivons les compressions pour tenter de retrouver notre équilibre financier, tuant du même coup notre rêve, ou bien nous relançons notre institution en nous appuyant sur ses forces, résolvant du même coup nos problèmes financiers. À l'instar de nos prédécesseurs, nous optons, sans hésiter, pour cette dernière solution. Je vous présente donc aujourd'hui notre diagnostic, les orientations stratégiques que nous entendons privilégier et le projet d'avenir que nous dessinons pour l'Université.

 

DIAGNOSTIC

Études
L'Université de Montréal offre une variété et une qualité de formations de premier cycle d'une ampleur exceptionnelle. Ces programmes, qui sont majoritairement de type professionnel, concernent plus des trois quarts des étudiants inscrits chez nous. Or, l'Université a connu une chute dramatique de ses clientèles étudiantes durant la période récente. Cette baisse touche directement notre financement gouvernemental et remet en cause la réponse de l'Université à l'objectif d'accessibilité accrue aux études universitaires. Nous ne saurions ici nous consoler en nous comparant, car l'Université de Montréal a perdu des clientèles considérables dans certains domaines au profit de ses concurrentes immédiates. Il semble que, dans certains cas, nous n'ayons pas été suffisamment concernés par la qualité et la pertinence de la formation à offrir à nos étudiants. En effet, la diminution marquée des effectifs étudiants dans nombre de nos programmes non contingentés, dont la réputation semblait acquise, pose directement la question de leur adaptation aux besoins actuels de formation et de leur capacité à soutenir la concurrence interinstitutionnelle.

Il paraît également vital d'attirer de nouvelles clientèles en formation continue: dans ce domaine stratégique, le dynamisme de la concurrence, qu'il s'agisse des autres universités ou de nouveaux milieux de formation, a produit un indéniable tassement de nos activités, qu'il faut contrer par les moyens les plus efficaces. Il saute enfin aux yeux que nous avons pris du retard dans le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication aux fins d'enseignement. La pertinence de nos offres de formation s'en trouve diminuée, comme aussi notre pouvoir d'attraction auprès d'étudiants dont les attentes en matière de renouveau pédagogique ne sauraient être minimisées. L'importance de cet enjeu justifie des adaptations radicales dans l'ensemble du monde universitaire nord-américain, adaptations dont nous ne pourrions nous abstenir sans en payer le prix.

Malgré un niveau élevé de recrutement aux cycles supérieurs, nous n'en sommes pas moins confrontés à l'érosion de nos clientèles, de nos capacités d'encadrement et de nos moyens d'offrir des formations concurrentielles sur les plans national et international. Ce recul nous touche au moment même où l'économie du savoir s'instaure sous nos yeux, où l'innovation requiert le renouvellement des champs de connaissances, où le besoin s'affirme d'une main-d'oeuvre scientifique et professionnelle ouverte sur le monde et formée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Recherche
En recherche, l'Université de Montréal continue d'occuper l'une des premières places au Canada et globalement la première au Québec (ex aequo avec l'Université McGill). Elle affirme aussi son leadership dans le regroupement des chercheurs et l'ouverture aux thématiques nouvelles. L'Université peut compter sur la qualité remarquable de ses chercheurs et de ses activités de recherche, mais sa position reste éminemment fragile dans un contexte de vive concurrence internationale et de transformation rapide. Nous devons tirer le maximum des nouveaux programmes de subventions et des occasions diverses qui s'offrent et s'offriront à la recherche universitaire. Nous devons être capables de déployer les synergies requises, notamment pour aborder des problèmes à l'interface des disciplines et assurer le transfert optimal des connaissances. Il nous faut mieux intégrer nos objectifs primordiaux de formation à nos objectifs de recherche alors que se transforment les débouchés pour nos diplômés. Les réponses à ces défis détermineront notre avenir institutionnel.

 

ORIENTATIONS STRATÉGIQUES

Nous comptons sortir de la crise actuelle par la relance de l'Université. Nous devons donc résolument miser sur la qualité, la pertinence et l'ouverture sur le monde dans toutes nos activités. Ce seront là nos trois critères de décision, le pivot de notre action.

Nous placerons ainsi l'offre de formations pertinentes et de grande qualité au coeur des objectifs poursuivis par l'Université tant au premier cycle, dans la formation continue qu'aux cycles supérieurs. Nous développerons au maximum notre potentiel et nos activités de recherche. Nous inscrirons l'internationalisation parmi les dimensions prioritaires de notre développement institutionnel. Nous reconfigurerons l'Université sur la base de ses traits distinctifs, de ses forces et de ses moyens. Et nous nous assurerons qu'elle projette, à l'externe comme à l'interne, l'image de ce qu'elle est, une grande université de recherche bien sûr, mais qui mise sur l'excellence de ses formations professionnelles et académiques.

Poursuivre ces objectifs requiert que nous unissions nos efforts dans des projets mobilisateurs. En même temps qu'ils accentuent la qualité et la pertinence des formations offertes et de la recherche accomplie dans nos secteurs d'excellence, ces projets de croissance consacrent l'ouverture de l'Université sur le monde.

Dans les mois qui viennent, nous créerons, avec l'École Polytechnique, un pôle scientifique et technologique qui transformera dans les années à venir la configuration du campus de l'Université de Montréal dans ses diverses composantes. Les professeurs, chercheurs, étudiants à la maîtrise et au doctorat et stagiaires postdoctoraux regroupés dans nos facultés de la santé et à la Faculté des arts et des sciences d'une part, et à l'École Polytechnique d'autre part constituent déjà le noyau scientifique et technologique du Grand Montréal. Nous devons le structurer, en consolider les assises, y accroître les synergies de formation et de recherche et augmenter les liens avec les milieux extérieurs. Le pôle fera aussi une place de choix aux sciences humaines et sociales, incluant les sciences de l'éducation. L'un des défis majeurs de l'économie du savoir est en effet la transformation des modes de fonctionnement de la société dans son ensemble, des organisations qui la structurent, de la formation des individus qui la composent et des modes de transmission des connaissances dans le processus éducatif. Ce pôle scientifique et technologique majeur deviendra un véritable foyer national et international de convergence des activités de recherche, de R &D et de transfert technologique.

Ce pôle ne saurait se concevoir sans une action analogue de convergence et de mobilisation de nos secteurs des arts, des lettres et des sciences humaines. Pour s'insérer harmonieusement dans cette société du savoir de plus en plus globalisée, les individus devront davantage s'ouvrir aux cultures, aux langues et aux systèmes de pensée. La contribution de nos milieux d'excellence en arts, en lettres et en sciences humaines n'a jamais été aussi essentielle à la formation de nos étudiants. Nous possédons déjà, dans ces deux pôles, une densité exceptionnelle de ressources et d'activités et une richesse de réseaux formels et informels qui nous situent au premier rang au Québec et parmi les tout premiers au Canada. Nous entendons confirmer notre statut de grande université internationale de langue française en exploitant et en développant ce potentiel et en le soutenant par les mesures les plus appropriées.

Il va de soi que l'établissement de ce double pôle de croissance et la réalisation de nos objectifs stratégiques se feront en étroite collaboration avec l'École Polytechnique et l'École des Hautes Études Commerciales, qui sont nos partenaires naturels. Il va également de soi que ces projets constitueront l'assise de notre campagne de financement de l'an 2000.

Dans la phase de transition qui s'amorce et afin de répondre au projet de développement académique que nous formulons, l'administration de notre université devra relever le défi de la qualité et de l'efficience. Tout processus administratif, toute réglementation susceptible de freiner, voire d'entraver la réalisation des objectifs de formation, de recherche et de service à la communauté seront remis en cause, révisés, simplifiés au bénéfice d'une gestion souple, économique et adaptée. La direction générale s'emploiera donc, avec toute l'énergie requise et dans le respect des instances, à accroître l'efficacité des fonctionnements sur les plans des unités académiques comme des services.

 

PLAN D'ACTION

Premier cycle et formation continue
La transformation de l'Université de Montréal passe d'abord par ses programmes de premier cycle. Les étudiants qui y sont inscrits doivent être une priorité pour les facultés et départements, et leur diplôme constituer la clé de leur intégration réussie au marché du travail. La variété des activités professionnelles qu'exerceront au cours de leur vie les diplômés d'aujourd'hui suppose la maîtrise d'habiletés transférables telles que la capacité d'analyse et de synthèse, la communication orale et écrite en français et en anglais, l'aptitude au travail en équipe et à la recherche, la connaissance de plusieurs langues et des langages essentiels à toute compétence adaptée au monde contemporain. En concertation avec les unités, nous nous assurerons que ces habiletés transférables de niveau universitaire seront prises en compte dans nos divers programmes, dans l'évaluation qui en sera faite, ainsi que dans l'allocation des ressources.

Il faut en outre que nos programmes de premier cycle offrent aux étudiants l'occasion d'expériences pratiques liées à leurs domaines d'études: stages en milieu de travail ou communautaire, séjours d'études ou de travail à l'étranger. L'Université mettra au point, d'abord avec quelques unités prêtes à en faire l'essai, un régime travail-études (régime dit coopératif), qui intégrera aux programmes un encadrement facilitant l'insertion graduelle sur le marché du travail. Nous comptons aussi ouvrir plus largement un certain nombre de programmes contingentés.

Enfin, dans le but de répondre aux défis de l'internationalisation, l'Université offrira des formations dans plusieurs cultures et langues européennes et asiatiques selon des horaires souples. Les compétences ainsi acquises seront inscrites aux diplômes. En vue d'accroître la qualité des enseignements, nous investirons de nouveau dans l'aide à l'enseignement et nous favoriserons les programmes d'intégration pédagogique de nos chargés de cours. Nous verrons à simplifier la procédure liée au cheminement des étudiants depuis leur première demande d'information jusqu'à l'obtention de leur diplôme. Il est également impératif de réduire les délais de traitement des demandes d'admission et de livraison des services liés à la progression dans les études. L'Université a entrepris de transformer sa gestion des dossiers étudiants et nous comptons livrer au cours de l'année qui vient les outils nécessaires à cette fin. Cette évolution exige que nous accélérions par ailleurs l'implantation du Guichet unique en le dotant de l'ensemble des fonctions interactives requises.

Les facultés qui ont procédé à des activités de recrutement au cours des deux dernières années peuvent témoigner que ces opérations ont porté leurs fruits et leur ont amené des étudiants en plus grand nombre, mieux informés et plus heureux de leur choix. Aussi, le recrutement constitue-t-il un champ d'action primordial où toutes les unités devront s'engager. C'est par l'ensemble de ces mesures, appuyées par le Fonds de relance, que nous retrouverons la part des étudiants de premier cycle qui nous revient.

En matière de formation continue, nous confirmons le mandat de la Faculté de l'éducation permanente (FEP) en ce qui concerne l'animation, la coordination et le soutien auprès des facultés pour implanter de tels programmes. La FEP possède une compétence reconnue en matière d'évaluation des besoins de formation continue. Il est dans sa tradition d'associer les représentants des milieux à l'élaboration des programmes de perfectionnement qui leur sont destinés. Elle définira donc de nouveaux besoins de formation à satisfaire, canalisera les demandes en provenance des différents milieux vers les facultés concernées et fournira l'appui logistique requis pour la conception et la mise sur pied de nouveaux programmes au deuxième comme au premier cycle. Parallèlement, elle continuera d'offrir des programmes de certificat destinés majoritairement aux personnes sur le marché du travail qui désirent confirmer ou réorienter leur compétence professionnelle.

Les conditions d'emploi nécessitent de plus en plus que les personnes s'engagent dans un processus de formation continue tout au long de leur carrière. Les programmes de formation initiale et continue devront donc être conçus selon une logique de continuité et d'interrelation. L'Université de Montréal doit s'assurer que ses programmes de formation continue s'ajustent de très près aux besoins des individus et des corps d'emploi d'organisations privées ou publiques.

Nous comptons en outre occuper tout le territoire auquel nos expertises peuvent s'étendre et consolider notre rayonnement en implantant des antennes hors campus. Nous aurons aussi recours à la médiatisation de l'enseignement lorsqu'elle constituera une réponse appropriée à la demande.

 

Cycles supérieurs
Aux cycles supérieurs, nous devons agir sur trois fronts, indissociables les uns des autres. Nous ne saurions attirer une clientèle étudiante plus importante sans d'une part augmenter la pertinence de nos programmes de formation, sans d'autre part améliorer l'encadrement et fournir un milieu d'études dynamique. Nous avons déjà des forces indéniables aux cycles supérieurs: il faut en faire état publiquement et mettre encore plus en relief nos pôles d'excellence tant en formation professionnelle qu'en formation à la recherche.

Le deuxième cycle doit jouer un rôle plus déterminant pour ce qui est de la formation spécialisée ouverte au transfert des connaissances, aux applications et à la pratique. Sur cette base, nous encouragerons également la formation professionnelle de troisième cycle. La main-d'oeuvre scientifique et professionnelle de la société du savoir a besoin d'une formation constamment remise à jour: nos efforts se poursuivront donc en matière de formation continue et de microprogrammes de formation aux cycles supérieurs.

La qualité de nos programmes de formation à la recherche est déjà reconnue. Dans les secteurs où cela est pertinent, ouvrons la formation de troisième cycle aux défis que pose la recherche réalisée en partenariat avec les milieux industriel, institutionnel et communautaire. Les projets de croissance que nous avons retenus sont indissociables de tels rapprochements, maintenant fortement encouragés par les grands conseils subventionnaires.

Des programmes novateurs, une intégration judicieuse des nouvelles technologies de l'information et de la communication et une attention soutenue accordée à l'encadrement étudiant seront de puissants leviers pour freiner la baisse régulière des inscriptions à la maîtrise et pour contrôler son impact à venir sur le troisième cycle. L'aide financière aux étudiants des cycles supérieurs devra faire l'objet de mesures appropriées, entre autres avec l'accroissement des bourses offertes par l'Université et obtenues d'organismes externes. Une stratégie dynamique de recrutement s'appuiera donc sur ces éléments.

 

Recherche
En prenant appui sur son remarquable potentiel de recherche et sur la qualité de ses chercheurs, l'Université accroîtra le transfert et l'utilisation des connaissances. Pour ce faire, elle devra innover dans ses relations avec les entreprises et les sociétés. Les pôles de croissance à mettre en place requièrent qu'on favorise le regroupement des chercheurs et les travaux portant sur des thématiques à la charnière des disciplines: d'où l'intérêt de réaliser avec nos partenaires des projets majeurs dont l'effet structurant atteint cet objectif. Comme une part importante des nouveaux financements de la recherche implique des liens avec les entreprises et les sociétés, nous nous doterons de structures organisationnelles et administratives de recherche qui facilitent de telles synergies. Nous devons en outre prévoir que les conseils subventionnaires accorderont une priorité budgétaire marquée au soutien de la relève: ce contexte ne fait que souligner l'importance de reconnaître et d'actualiser dans toutes nos pratiques le lien indissociable entre formation aux cycles supérieurs et recherche.

En ce qui concerne les arts, les lettres et les sciences humaines, nous soutiendrons nos meilleures ressources professorales dans l'atteinte des objectifs d'internationalisation, de rayonnement culturel et de développement d'expertises adaptées à la société du savoir. Dans les sciences sociales, nous contribuerons à la structuration de la recherche autour de carrefours engageant les chercheurs universitaires et les communautés d'utilisateurs. Nous renouvellerons l'appui de l'Université au développement de son secteur de la santé. Les conditions à remplir à cet égard comprennent la mise en place d'un centre hospitalier de l'Université de Montréal de très haut niveau, le renforcement de notre partenariat avec les instituts de recherche en santé, l'établissement d'un plan de carrière pour les chercheurs, la détermination des paramètres de la recherche dans les domaines professionnels, une intégration plus poussée de la contribution des secteurs de la santé autres que la médecine. L'établissement du pôle scientifique et technologique représentera enfin des défis particuliers: il faudra en effet recruter de nouveaux professeurs dans le secteur des sciences, profiter au maximum des programmes de la Fondation canadienne pour l'innovation, établir des partenariats avec nos écoles affiliées, assurer les ponts requis avec les autres secteurs de recherche de l'Université, mobiliser les communautés économique et politique.

 

Internationalisation
Dans le cadre de sa mission d'enseignement et de recherche, l'Université entend promouvoir ses collaborations avec les meilleures compétences des pays étrangers tant par la participation de ses professeurs-chercheurs aux réseaux internationaux suivant ses orientations prioritaires que par la présence accrue de professeurs-chercheurs étrangers et plus particulièrement de stagiaires postdoctoraux à l'Université de Montréal. Mais l'internationalisation de l'Université passera par l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers dans nos programmes des trois cycles, ce qui requiert que nous offrions les formations de qualité susceptibles de les attirer. Nous accorderons une attention prioritaire aux initiatives émanant de notre corps professoral déjà fortement impliqué dans les réseaux internationaux et aux projets qui associeront collaborations de recherche et collaborations d'enseignement. L'internationalisation de l'Université signifie en outre que nos programmes d'enseignement offriront à nos étudiants les contenus de cours et les modalités d'apprentissage appropriés à cette fonction essentielle d'ouverture et d'adaptation au monde contemporain. Dans le cas d'ententes officielles existantes ou à venir avec des établissements étrangers, nous nous assurerons qu'elles représentent des retombées évidentes à court et moyen terme pour l'Université: les activités d'échange prévues au titre de l'enseignement, de la recherche et du transfert de connaissances devront respecter les normes de qualité et de pertinence que l'Université entend promouvoir dans l'ensemble de ses opérations.

 

Planification
Pour ce qui est de la planification, nombre d'analyses et d'énoncés de stratégie (Balises, Groupe de réflexion sur les priorités institutionnelles, Phase 3 et Groupes d'étude sectoriels) ont été produits, sur lesquels nous continuerons de nous appuyer. Les programmes de départ volontaire à la retraite ont substantiellement modifié la carte de nos unités académiques et de nos services; et ces derniers ont connu une restructuration radicale. Prenant acte de ces transformations, nous passerons à l'action sur les modalités d'ouverture de nos programmes, la reconfiguration disciplinaire et le redéploiement des effectifs professoraux suivant l'évolution des clientèles étudiantes, les développements projetés en enseignement et en recherche et les partages possibles de compétences (sur la base de nos forces respectives) avec les autres universités québécoises, en particulier montréalaises.

Dans ce contexte, nous reprendrons l'évaluation des unités d'enseignement et de recherche en adaptant la politique que l'Université s'est donnée aux fins d'imputabilité et de promotion de la qualité. La nouvelle ronde d'évaluation comportera certaines balises: l'une des finalités de l'évaluation sera d'assurer le suivi des décisions de planification stratégique et de permettre d'éventuels ajustements. L'accent sera mis sur les programmes: qualité, pertinence, modèles et moyens pédagogiques, clientèles étudiantes desservies, ressources disponibles, comparaison avec les autres programmes québécois, canadiens et étrangers, complémentarité recherche-enseignement-formation, intégration des diplômés au marché du travail. Par ailleurs, l'ouverture disciplinaire et la concertation intra et interinstitutionnelle auront priorité. Nous réactualiserons de même la politique d'évaluation de nos services dans une visée de pertinence, d'efficacité et d'adéquation plus poussée de nos modes de fonctionnement.

La Direction des infrastructures technologiques d'enseignement et de recherche (DITER) et la Direction des bibliothèques devront contribuer de façon notable à la relance de l'Université. Il importe, dans le contexte actuel, que la DITER assume pleinement son mandat de soutien à l'implantation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, condition nécessaire d'une transformation en profondeur de nos enseignements. Dans le même temps, la DITER devra accroître la qualité de son service et de ses interventions auprès des usagers individuels (étudiants et professeurs) et des unités académiques. Essentielle à tous les volets de la mission universitaire, partie intégrante de l'image publique de notre établissement, la performance de nos services informatiques influe directement sur la qualité de nos activités d'enseignement, de recherche et de gestion.

L'Université comptera aussi sur ses bibliothèques pour sa relance. La richesse de nos infrastructures documentaires et la qualité des services offerts constitueront des arguments de promotion auprès des clientèles étudiantes que nous voulons attirer et retenir. Dans un contexte budgétaire fort contraignant, nous nous assurerons de l'efficacité du plan d'informatisation des bibliothèques et de conditions d'accès adéquates aux ressources documentaires sur support électronique. Nos politiques d'acquisition seront révisées de façon à mieux refléter l'évolution de la recherche, nos priorités institutionnelles et le soutien aux développements stratégiques en cours. La concertation déjà amorcée avec les autres bibliothèques universitaires montréalaises se poursuivra et s'intensifiera. Nous rendrons par ailleurs nos bibliothèques accessibles suivant des horaires plus souples et mieux adaptés, comparables à ceux des universités concurrentes: pour ce faire, nous souhaitons favoriser l'emploi étudiant.

En matière d'infrastructures, nous ne saurions minimiser les problèmes que rencontre notre direction des immeubles (DI) dans la gestion d'un patrimoine immobilier ancien, source de dépenses élevées. Par ailleurs, l'Université se retrouve maintenant en situation de surplus de locaux selon les normes gouvernementales. Cette situation nouvelle découle directement de la diminution de nos clientèles étudiantes et de nos personnels enseignant et non enseignant. Afin de mieux cerner la réalité, nous avons donné mandat à la DI de dresser l'inventaire de nos locaux. Dans le présent contexte, tout nouveau projet de développement doit théoriquement se réaliser à même nos disponibilités actuelles. La mise en oeuvre du pôle scientifique et technologique, en partenariat avec l'École Polytechnique, nous offrira néanmoins l'ouverture nécessaire pour proposer une meilleure intégration géographique des unités sur notre campus en misant sur les synergies à développer.

 

Communication et développement
En matière d'affaires publiques, notre préoccupation dominante sera d'établir un système de communication plus efficace et plus ouvert, tant à l'externe qu'à l'interne, mieux centré sur les enjeux nous concernant, qu'ils soient sources d'obstacles ou porteurs de développements futurs et d'occasions à saisir. Les nouvelles tendances - économie du savoir, concept d'université multimédia, formation continue, mondialisation - interpellent notre capacité à sensibiliser nos partenaires aux contraintes qui sont les nôtres, mais aussi à notre potentiel, nos activités, nos réalisations. Elles interpellent notre capacité à convaincre souvent, à mobiliser parfois et, en dernière analyse, à développer des appuis et une notoriété à la mesure de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être. Techniquement, cela se traduira par des activités de communication centrées sur les relations médias, les relations institutionnelles, les relations communautaires, la mobilisation des alliés, la communication directe, la promotion et un marketing segmenté de nos programmes, le recours à des outils de communication multilingues. Par ailleurs, nous viserons une communication mieux adaptée, pour ce qui est des contenus, aux attentes de nos partenaires de tous ordres, internes et externes, et à ce que nous avons de mieux à leur offrir ou à leur demander. Nous devons recourir à des vecteurs appropriés aux comportements des destinataires et à leurs processus d'analyse de l'information. Il est par exemple évident, au sein d'une économie du savoir, qu'il convient de faire valoir auprès de tous les publics cibles la valeur sociale du remarquable actif dont nous disposons en recherche et des impacts socioéconomiques des travaux de nos chercheurs. Ces objectifs exigent de revoir le mandat, les priorités et l'organisation de notre direction des communications.

En matière de développement, notre potentiel est fort et nous pouvons nous prévaloir de plusieurs atouts. Le nombre de nos diplômés répertoriés (plus de 300 000), les fonctions qu'ils occupent au sein de l'appareil socio-économique québécois, le fait que, depuis des décennies, notre université a été étroitement associée à la formation des élites nationales et étrangères, la diversité disciplinaire de nos programmes, de nos domaines et de nos équipes de recherche, la vitalité et la réputation de nos facultés à vocation professionnelle, le potentiel important de partenariats individuels et institutionnels qui en résulte, tous ces facteurs sont autant de créneaux à valoriser dans nos efforts de développement. Nous oeuvrons toutefois dans un contexte de vive concurrence. L'exiguïté relative du bassin de grandes corporations au Québec et la faiblesse relative du financement privé francophone ne nous favorisent guère. Enfin, l'éducation n'occupe qu'un rang secondaire (le onzième sur vingt) dans ce que l'opinion publique considère comme les principales causes à défendre. De tels constats exigent que nous affinions nos stratégies et nos méthodes, tant de sollicitation que de communication. Il faut en particulier prendre acte de la volonté croissante des donateurs de se sentir partie prenante des organismes qu'ils subventionnent. Bref, la stratégie ne consiste plus à amasser des fonds en multipliant le nombre de transactions, la plupart sans lendemain; elle consiste surtout désormais à créer une relation, à l'entretenir pour assurer sa pérennité et par conséquent la productivité en matière de contribution. Dans ce contexte, et en prévision de notre campagne de l'an 2000, nous entendons améliorer la qualité, la pertinence et l'ouverture de nos processus et de nos interventions de développement.

 

Finances et ressources humaines
Non seulement le plan d'action que nous proposons entraînera la reconfiguration de notre université, mais sa réalisation lui redonnera la santé financière et lui permettra d'amorcer la remise de sa dette. Il apparaît déjà qu'une révision des revenus projetés pour 1998-1999 engendrera à terme 3 millions de dollars en revenus additionnels. En second lieu, l'augmentation visée de 2100 étudiants en équivalence temps complet d'ici 2001 amènera un accroissement récurrent de revenus de quelque 15 millions de dollars, dont 6 millions seront investis dans le maintien et même l'amélioration de la qualité de nos enseignements. Nous comptons aussi augmenter de 2 millions de dollars nos autres sources de revenus. Ajoutons enfin un allégement de nos coûts administratifs de 3 millions de dollars. En 2001-2002, nous devrions avoir un certain surplus d'opération qui réduira d'autant notre dette et nous permettra de poursuivre le redéploiement et le développement de notre corps professoral. Suivant le scénario budgétaire que nous privilégions, les augmentations de revenus viendront donc combler plus de 80% de l'écart entre les revenus et les dépenses. Nous étions de toute façon rendus à la limite des réductions d'effectifs que nous pouvions absorber.

***
Secrétaires et commis, cadres et professionnels, hommes et femmes de métier, personnels d'entretien et de soutien, professeurs et chargés de cours, étudiants et étudiantes, votre université a besoin de chacun et de chacune de vous pour réussir sa relance et aborder fièrement le troisième millénaire. Par ailleurs, nous ne réussirons dans cette entreprise que si les milieux externes à l'Université et les gouvernements prennent pleine conscience de l'enjeu que représente notre avenir institutionnel et nous accordent le soutien requis. Depuis mon entrée en fonction comme recteur, j'agis et je vous représente sur ce front. Je continuerai de le faire avec détermination pendant toute la durée de mon mandat. Ma conviction est qu'en période de crise les projets les plus stimulants, les plus audacieux et les plus prometteurs, parce qu'ils sont tout aussi rares qu'indispensables, ont toutes les chances de susciter l'assentiment. C'est un tel projet qu'il nous faut réaliser ensemble pour l'Université de Montréal.

* Hélène-Andrée Bizier, L'Université de Montréal. La quête du savoir, Montréal, Éditions Libre Expression, 1993, p. 9.


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