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Une bonne chicane de famille!

Génération X, baby-boomers et aînés se sont affrontés durant un colloque.

Le Forum du Pont entre les générations, les 3 et 4 octobre derniers, a donné lieu à l'amorce d'une bonne chicane de famille entre les représentants des personnes âgées, de groupes de jeunes et de la génération du baby-boom. Pas d'empoignades ni de coups de poing sur la table, mais des propos assez sévères des uns envers les autres. Des échanges qui laissent entrevoir que la question intergénérationnelle n'a pas fini de faire parler d'elle.

Dans un discours d'ouverture accueilli par une longue ovation, le théologien et sociologue Jacques Grand'Maison avait ouvert les "hostilités" en déclarant que lui-même avait sous-estimé les conflits de générations jusqu'à ce qu'il lance une grande étude sociologique sur les valeurs des Québécois à la fin des années 1980. "À notre grande surprise, la très grande majorité de nos interviewés de tous âges et milieux sociaux établissaient leurs positions existentielles en termes générationnels et intergénérationnels."

Cette "révélation" allait donner le ton à la recherche et le groupe Le pont entre les générations lui-même est une retombée indirecte de cette vaste enquête. Pour l'auteur de plus de 40 livres, cela ne fait plus de doute: les rapports sociaux sont traversés par les tensions entre les groupes d'âge.

M. Grand'Maison a fustigé les intellectuels qui tentent de réduire le phénomène à un facteur négligeable. "C'est faire preuve d'une bien piètre philosophie sociale. C'est une esquive qui ignore la réalité." Mais il a également été dur à l'endroit des décrocheurs. Non pas les jeunes qui abandonnent l'école, mais les aînés qui démissionnent de leurs responsabilités sociales en militant contre l'obligation alimentaire, par exemple, ou en prenant une retraite de type "repli sur soi" d'une façon de plus en plus précoce.

Clauses orphelins, etc.
Durant les deux jours de débats tenus au Pavillon 3200 Jean-Brillant et qui ont vu les Mario Dumont (chef de l'ADQ), André Boisclair (ministre du gouvernement québécois) et Carl Béchard (député du PLQ) venir discourir, les échanges ont principalement porté sur la question du travail. L'économiste Thomas Lemieux et la sociologue Lucie-France Dagenais ont démontré, chiffres à l'appui, que les conditions économiques des jeunes continuaient de se dégrader. Enfin, Geneviève Shields a rappelé que la plupart des jeunes travailleurs n'avaient d'autre protection que la Loi sur les normes minimales de travail.

"C'est la convention collective de la plupart des jeunes, a-t-elle dit. Cela signifie un salaire minimum de 6,90$ l'heure, soit une vie au-dessous du seuil de la pauvreté."

Un peu plus tard, le chercheur Rock Beaudet, à qui l'on doit la relance de la controverse autour des "clauses orphelins" à la suite d'une étude sur l'introduction de telles clauses dans le monde municipal, a fait part de ses appréhensions exprimées quelques semaines après la fin des travaux de la commission parlementaire sur ce sujet. "Nous avons obtenu l'engagement du gouvernement, dit-il. Il y aura donc une loi. Mais si cette loi n'interdit que les clauses permanentes, elle n'aura aucun effet. Il faudra donc surveiller les intentions du gouvernement."

Après avoir mobilisé les groupes de jeunes d'une manière inattendue, cette question a exacerbé les tensions entre syndicalistes et les personnes qui font leur entrée sur le marché du travail. Même si, publiquement, à peu près tout le monde s'oppose au principe des clauses orphelins, la réalité ne reflète pas ce fait. Parmi les participants âgés du Forum, des syndicalistes de la première heure se sont dits gênés de ce phénomène apparu dans les années 1980 et qui ébranle les valeurs de base du mouvement.

Profession: stagiaire
Des représentants des mouvements étudiants figuraient parmi les participants au Forum, et le secrétaire général de la Fédération des étudiants universitaires du Québec, Nikolas Ducharme, a souligné que le concept de stage pouvait ouvrir la porte à bien des abus. Par exemple, le programme Avantage carrière propose le recrutement de diplômés universitaires, ce qui relève d'une bonne intention, mais la rémunération offerte au bout du compte est quasi symbolique. "Pour nous, a dit M. Ducharme, cela ne représente pas un stage, car il n'y a pas d'encadrement visant la formation universitaire."

Devant la multiplication des programmes de stages, et craignant que ce concept pratique devienne une nouvelle catégorie d'emplois pour une main-d'oeuvre à bon marché, les étudiants ont senti le besoin de définir ce qu'est un stage: une expérience temporaire de formation, encadrée par le milieu scolaire. Le message des étudiants: SVP, éviter la confusion des genres.

Les 250 participants à ce premier forum du Pont entre les générations étaient invités à assister, le soir du 3 octobre, à un spectacle de Jim Corcoran précédé du lancement d'un ouvrage rédigé par l'historien Éric Bédard, qui présente l'essentiel des missions du Pont entre les générations. Publié aux Éditions des Intouchables, ce livre se termine sur ces mots: "Nous sommes ce qui nous survit."

Anne-Marie Sylvestre, étudiante en droit et animatrice d'une table ronde, a bien résumé l'état d'esprit des participants en déclarant: "Une chicane de famille, ça fait du bien, mais je souhaite qu'à la fin tout le monde finisse par s'entendre."

Pour plusieurs participants, la chicane s'est plutôt transformée en fête de famille, et l'occasion de franchir les ponts a été saisie. Un des militants de longue date des droits des personnes âgées, Philippe Lapointe, était si heureux des échanges en atelier qu'il a lancé à un organisateur: "Je n'ai même plus besoin de ma canne!"

Mathieu-Robert Sauvé


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