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La recherche influe sur la pratique professionnelle, mais...

L'adaptation des milieux cliniques aux nouvelles connaissances est parfois aussi longue que la recherche elle-même.

 Francine Ducharme

Au début du siècle, il fallait compter 30 ans pour qu'une connaissance issue de la recherche scientifique soit intégrée à la pratique courante. Depuis le début des années 1980, la moyenne est de cinq ans.

Le processus de transfert des connaissances vers la pratique s'est donc considérablement amélioré. Toutefois, plusieurs embûches continuent d'en retarder la diffusion. Diane Saulnier et Francine Ducharme, respectivement directrice des soins infirmiers et chercheuse à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, en ont livré quelques exemples dans un colloque sur la gériatrie tenu les 1er et 2 octobre derniers.

"En 1985, souligne Mme Ducharme, 44% du personnel infirmier connaissait la technique de la rotation du fémur pour soulager les douleurs d'une injection; 30% croyait en son efficacité et seulement 10% l'appliquait. Ce simple exemple explique pourquoi il peut parfois s'écouler bien du temps avant qu'une nouvelle connaissance passe dans les moeurs."

Autre exemple: au centre de recherche de l'institut de gériatrie, on s'est penché sur le problème des chutes au sol dont sont victimes les personnes âgées placées dans les établissements spécialisés. Les chercheurs ont désigné deux facteurs principaux, soit la réverbération de la lumière sur le plancher et la cire qui rend le plancher glissant.

"Il a fallu plusieurs années pour convaincre les employés d'entretien d'un centre d'hébergement de ne plus cirer les planchers, raconte Francine Ducharme. Quand ils ont abandonné cette pratique, le nombre de chutes a diminué, mais ce sont alors les visiteurs qui se sont plaints!"

On a finalement trouvé une cire sans brillance, mais tout le travail de sensibilisation a dû être repris à la suite de l'arrivée d'un nouveau directeur de l'entretien. "L'adaptation du milieu aux nouvelles connaissances est parfois aussi longue que la recherche elle-même", déplore la chercheuse.

Ouverture et vulgarisation
Les deux gérontologues ont défini une série d'obstacles freinant le transfert des connaissances vers la pratique.

D'abord, il leur semble que l'information donnée par les chercheurs n'est pas toujours pertinente ou réaliste pour le travail du clinicien. De plus, la qualité de la communication fait souvent défaut. "L'analyse des données n'est pas toujours vulgarisée, si bien que l'information est parfois incompréhensible, souligne Diane Saulnier. Il faut savoir parler le langage des gens du milieu."

Mais les gens du milieu ont eux aussi leur effort à fournir. Pour les deux chercheuses, la réceptivité des cliniciens à l'égard des nouvelles connaissances, leur habileté à remettre en question les anciennes façons de faire afin d'adapter les nouveautés aux besoins des usagers sont des éléments déterminants qui devraient même faire partie des critères de compétence. La même ouverture est également attendue de la part des administrateurs, qui doivent consacrer au transfert des connaissances le temps et les ressources nécessaires.

Francine Ducharme et Diane Saulnier travaillent d'ailleurs à l'élaboration d'un nouveau modèle de transfert des connaissances qui intégrerait les décideurs et les gestionnaires dans le processus. "Le manque de liens entre les chercheurs et les décideurs fait parfois qu'une excellente expérience effectuée à petite échelle peut être très difficile à étendre à l'ensemble d'une grande organisation", affirme Francine Ducharme.

Malgré toutes ces difficultés, les deux chercheuses demeurent persuadées que la recherche universitaire influe positivement sur la pratique professionnelle. "Mais plusieurs conditions doivent être réunies pour qu'on puisse y arriver", concluent-elles de leurs observations.

La jeune gériatrie
Sur le thème "La gériatrie, une jeune tradition", le colloque où Francine Ducharme et Diane Saulnier ont pris la parole se tenait dans le cadre des activités soulignant le 20e anniversaire de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Plus de 60 chercheurs, cliniciens, gestionnaires et intervenants psychosociaux ont présenté les résultats de leurs travaux ou de leurs pratiques entourant cette jeune discipline. L'Institut est actuellement dirigé par Colette Tracyk.

Daniel Baril


"Il entend ce qu'il veut bien entendre"

Qui n'a jamais eu cette impression au contact d'une personne souffrant de déficience auditive? Pourtant, ce cliché "est tout ce qu'il y a de plus faux", déclarait Benoît Jutras, étudiant au doctorat et agent de recherche à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal au récent colloque sur la gériatrie.

"Les mots n'ont pas tous la même fréquence et les personnes âgées ont une perte auditive surtout dans les fréquences aiguës, explique-t-il. Elles peuvent confondre ou ne pas entendre des mots comme 'cil' et 'fil', 'six' et 'dix'."

La personne âgée a également des difficultés à distinguer les sons. Alors que notre cerveau parvient normalement à amplifier la parole d'une personne à proximité pour dissocier sa voix du bruit ambiant, la personne âgée perd cette capacité et ne peut plus nous entendre s'il y a trop de bruit. Cette incapacité fait également qu'elle aura de la difficulté à entendre si on lui parle trop fort, même sans bruit ambiant. D'où cet autre cliché qu'on accole souvent par blague aux personnes malentendantes: "Pas si fort, je ne suis pas sourd!"

"Le locuteur peut donc être un obstacle à l'adaptation sociale des personnes âgées souffrant de perte auditive et qui ont tendance à s'isoler ou un élément qui facilitera cette adaptation", indique Benoît Jutras. Le chercheur travaille présentement à l'élaboration d'outils de formation destinés aux intervenants auprès de ces personnes afin de les guider dans leur travail.

Les difficultés d'audition chez nos aînés sont extrêmement répandues puisqu'elles touchent 60% des gens âgés de 70 à 80 ans. Dans les centres d'hébergement, le taux atteint 70% au sein de ce même groupe d'âge et passe à 100% chez les personnes âgées de 90 ans et plus.

D.B.



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