À la recherche d'un directeur de thèse |
À la suite de la lecture de l'article intitulé "Constructeurs de ponts... entre les générations" paru dans le numéro du 24 novembre et écrit par Mathieu-Robert Sauvé, j'aimerais réagir.
L'auteur rapporte que l'ancien secrétaire général de la FAECUM et de la Fédération étudiante universitaire du Québec dénonçait "la mise à la retraite subite des milliers de fonctionnaires québécois, qui sont disparus avec leur expérience et leur expertise [...]". Regardons ce qui s'est passé dans les murs de l'Université de Montréal. Je prendrai en particulier le cas de la Faculté de l'aménagement puisqu'en tant qu'étudiante passant de la maîtrise au doctorat j'en ai subi personnellement les conséquences.
La Faculté de l'aménagement regroupe quatre disciplines: l'architecture, l'architecture de paysage, le design industriel et l'urbanisme. Jusqu'en juin dernier, les étudiants des deuxième et troisième cycles pouvaient donc mener des recherches dans des domaines très divers et trouver des professeurs pour les encadrer.
La Faculté a donc perdu quelques professeurs, partis à la retraite, dont plusieurs qui s'intéressaient aux relations personne-environnement. Pour la Faculté, qui a perdu un pôle de recherche, ce peut être embêtant à plus ou moins long terme, mais aussi à beaucoup plus court terme pour des étudiants aux deuxième et troisième cycles. Je fais partie de ces étudiants [...].
Ma candidature au doctorat a été acceptée en mars dernier, mais en août, une semaine avant la rentrée universitaire, on me demandait de changer de sujet parce que personne ne pouvait m'encadrer. Peut-on demander une telle chose à un étudiant au doctorat?
Ne voulant pas changer mon sujet, je cherche depuis septembre un professeur pour m'encadrer [...].
Il existe cependant une solution [...]. Une professeure, rattachée à la Faculté, et qui dirige déjà un étudiant au doctorat, a accepté de m'encadrer, mais il paraît que l'Université ne peut la payer.
[...].
Sabine Gadrat,
étudiante au doctorat en aménagement
Dans votre article paru dans le numéro du 24 novembre et intitulé "La philosophie doit-elle descendre dans la rue?", trois éminents profs de philo nous expliquent pourquoi les intellectuels doivent rester dans leurs tours d'ivoire. C'est pour mieux former d'autres intellos nombrilistes dont seuls quelques heureux élus détiendront les précieux "pourquoi-z-et-comment" du savoir [...].
Si tel est effectivement le rôle de l'érudition [...] dites-moi que je rêve! [...]. J'ai souvent entendu souffler ce vent élitiste qui balaie constamment, paraît-il, les couloirs du savoir, mais jamais - distraction? naïveté? je-m'en-foutisme? -, jamais il ne m'était apparu de la sorte dans toute sa splendeur [...]!
Moi qui croyais candidement que la recherche ne pouvait exister sans une forte dose de modestie, seul antidote à la passion d'apprendre, qui permet au savant d'apprécier son travail à sa juste valeur, c.-à-d. à la mesure de la petite goutte d'huile qui, si l'on est chanceux, procurera l'élan essentiel à l'engrenage de la science pour produire un iota de plus de connaissance! Modestie oblige, donc. Car, dans le vague qui caractérise la démarche, il s'en faut de bien peu pour que l'huile ne se pétrifie en grain de sable qui, au contraire, bloque, choque, croque et broie le mécanisme édifié par la sueur, la peur, les pleurs, les cauchemars, les percées et la jubilation de ceux qui l'auront huilé avant... en toute modestie.
Je voudrais dire un gros merci à Forum ainsi qu'à nos trois philosophes pour m'avoir enfin ouvert les yeux. Je comprends désormais ce léger malaise qui me prend quand, dans les yeux de certains non-
initiés, par ailleurs tout aussi sapiens que faire se peut, je crois déceler un bref éclair de méfiance ou de mépris face à ma formation de 2e cycle universitaire. Si nos connaissances ne doivent servir qu'à alimenter le vase clos et vide d'un vacuum institutionnel, je ne m'étonne plus des augmentations et autres compressions que l'on doit pallier à grands coups de marketing et de publicité. Je ne m'étonne plus qu'il soit plus facile de trouver du travail avec un DEC qu'avec un DOC.
Nicole Lefebvre,
étudiante au deuxième cycle
en anthropologie