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Les Expos au centre-ville

Inconcevable d'y engager des fonds publics si le projet ne sert qu'au baseball, selon deux chercheurs de l'INRS.


Sylvain Lefebvre devant un stade rempli avec vue sur le centre-ville.

Les Expos auraient-ils remporté leur match inaugural si la partie avait eu lieu dans un stade au centre-ville? À l'heure où les promoteurs mettent les bouchées doubles pour recueillir auprès du monde des affaires les 100 millions de dollars attendus pour soutenir ce projet, la polémique gagne le milieu universitaire.

En public, les représentants du club de baseball ont maintes fois assuré qu'il n'était pas question pour eux de réclamer des subventions publiques "directes" pour réaliser leur projet. Mais en même temps, ils confiaient à l'INRS-Urbanisation le soin d'évaluer une telle opportunité.

Les auteurs de l'étude, Sylvain Lefebvre et Daniel Latouche, membres du groupe Culture et villes de l'INRS, ne sont pas parvenus à trancher la question et n'ont répondu ni oui ni non. "L'étude des préconditions ne permet pas de conclure", a déclaré Sylvain Lefebvre, conférencier invité à l'Institut d'urbanisme le 26 mars dernier.

Lui et son collègue semblent avoir interprété leur mandat de façon différente. "Notre mandat était d'évaluer l'opportunité d'investir des fonds publics dans le projet d'un stade de baseball au centre-ville, d'en mesurer les retombées économiques et d'évaluer l'importance de ce sport pour la visibilité internationale de Montréal", a mentionné Sylvain Lefebvre.

Pour Daniel Latouche, le mandat était de tracer le portrait des orientations actuelles des constructions de stades en Amérique. "Nous n'avons pas voulu prendre position sur la question des fonds publics", a-t-il déclaré, ajoutant plus tard qu'ils avaient fait comprendre aux promoteurs que l'idée n'était pas très bien vue "au moment où l'on ferme des hôpitaux".

 

Histoire du baseball

Sylvain Lefebvre a toutefois laissé deviner une position plutôt favorable au projet, qualifiant les arguments contre de "lyrisme délirant".

À partir d'un survol de l'histoire des stades de baseball en Amérique, il a souligné les caractéristiques de la phase actuelle, soit le retour vers les centres-villes de stades ouverts, de plus petites dimensions que ceux construits dans les années 1960 et 1970 et mieux intégrés à leur environnement. Le stade des Orioles de Baltimore est devenu la référence dans le domaine.

Son tour d'Amérique lui a également permis d'observer que 85% des stades de baseball et 70% des arénas sont des bâtiments de propriété publique.

À son avis, le projet des Expos présente plusieurs points en commun avec le stade des Orioles. "Situé à l'angle de Peel et de Notre-Dame, le stade offrirait une vue sur le centre-ville, serait facile d'accès, revitaliserait le quartier, bénéficierait de l'attraction touristique du Vieux-Port, drainerait des retombées économiques difficiles à évaluer mais reconnues comme importantes ailleurs, alors que la perte de la franchise serait lourde pour Montréal."

Tout le contraire de ce que soutenait Jean-Claude Marsan, professeur à l'École d'architecture, deux jours auparavant dans Le Devoir. Il évalue l'impact du projet comme étant plutôt nul, sinon négatif, sur le plan de l'urbanisme.

 

Manque d'intégration

Les contraintes du projet actuel laissent quant même Sylvain Lefebvre perplexe: le quartier résidentiel des Floralies subira une pollution sonore non négligeable, l'idée d'un toit rétractable est plutôt inquiétante et l'utilisation limitée au baseball est difficile à défendre.

C'est sur ce dernier point que le projet paraît le moins vendable aux yeux du chercheur. Ayant laissé son auditoire sur sa faim quant à l'investissement de fonds publics, il a confié à Forum qu'il serait favorable à une telle éventualité si le stade pouvait servir également à d'autres activités. "Sinon, l'idée est inconcevable."

Les possibilités d'utilisation multifonctionnelle apparaissent toutefois limitées et aucun stade de baseball aux États-Unis n'est polyvalent. En revanche, des concerts pourraient y être présentés comme au stade Du Maurier et l'on pourrait même y aménager des patinoires en hiver, a-t-il suggéré.

L'autre faiblesse majeure du projet est son manque d'intégration à la trame urbaine du secteur. En réponse aux critiques adressées par Jean-Claude Marsan, Sylvain Lefebvre a reconnu qu'"aucun projet de stade ne réussit à lui seul à revitaliser un quartier. Les projets qui ont réussi aux États-Unis étaient intégrés dans une opération large débordant les seuls besoins du baseball et ont été menés par une coalition d'acteurs socio-économiques et politiques."

Cette dimension est absente du projet actuel et ne semble préoccuper ni les promoteurs ni les décideurs politiques.

"Personne n'est capable de pousser l'affaire, le maire est dans le coma, et la léthargie est telle que l'opposition au projet n'a même pas besoin de se manifester, lançait Daniel Latouche. La question fondamentale est de savoir si Montréal veut un club professionnel de baseball ou non. Si la communauté des affaires n'en veut pas, on fait une croix sur le projet."

Et pendant ce temps, on s'apprête à remplacer la toile du Stade olympique, un édifice de propriété publique, au coût de 38 millions de dollars.

Daniel Baril


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