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La passion d'apprendre

Murielle St-Jean quitte sa sécurité d'emploi pour faire un doctorat en physique quantique.

"La connaissance est une richesse que personne ne pourra nous prendre si l'on fait faillite." Déjà riche de deux maîtrises, l'une en génie électrique et l'autre en enseignement des mathématiques, Murielle St-Jean entreprend, à 45 ans, un doctorat dans un domaine des plus ardus et tout à fait nouveau pour elle, l'informatique quantique.

"C'est une folie, me disait-on dans mon entourage. Mais il est très passionnant de retourner aux études et de se rendre compte qu'on a encore une tête et qu'on peut toujours y mettre quelque chose", déclare-t-elle lorsqu'on lui demande ce qui motive une telle détermination. Au début pourtant, elle n'en avait pas du tout envie.

Murielle St-Jean a été échaudée lors de sa première maîtrise, en enseignement des mathématiques: elle avait refusé, "par objection de conscience", de produire un travail dans deux cours qui lui semblaient peu sérieux. "J'y ai appris beaucoup de choses, mais j'ai aussi appris la frustration!"

Après 15 années d'enseignement des mathématiques au secondaire et au collégial en Abitibi, elle prend une année sabbatique avec l'intention de la consacrer aux loisirs. "Je ne voulais rien savoir d'un retour aux études. J'avais vu mon mari partir de l'Abitibi pour aller étudier à Sherbrooke, puis à Québec; moi, je voulais profiter de la vie. Mais comme j'avais toujours été active - je faisais de la natation de compétition et je formais des entraîneurs -, on me disait que je ne pourrais pas rester inactive. Ceux-là ont eu raison. J'ai eu l'idée d'aller voir à quoi pouvaient bien servir les formules mathématiques que j'enseignais."

Mme St-Jean choisit donc une nouvelle formation en s'inscrivant à un baccalauréat en génie électrique, puis en génie informatique à l'Université Laval. Sur les bancs de l'université, elle côtoie des "jeunes" à qui elle a enseigné au cégep.

Tout de suite après son bac, elle s'engage dans une maîtrise en génie électrique dans un domaine tout à fait nouveau pour elle, la compression d'images vidéo. "Par simple goût de l'aventure et pour profiter de l'occasion d'apprendre", dit-elle. C'est là qu'elle fait la connaissance de Gilles Brassard venu donner une conférence sur l'informatique quantique au Département de physique. "M. Brassard a lancé une invitation aux physiciens: 'Si ça vous intéresse, appelez-moi.'"

 

La gymnastique de l'esprit

L'invitation n'est pas tombée dans le désert et Murielle St-Jean prend contact avec le professeur de l'Université de Montréal pour savoir si sa formation pourrait être pertinente à des recherches en informatique quantique, même si elle ignore tout du sujet. La réponse est venue d'Australie, où Gilles Brassard donnait une conférence. "Il m'a répondu oui et m'a invitée à m'inscrire à son cours en algorithmes quantiques."

Ce qu'elle fit sans hésiter. "J'ai été absolument enchantée par ce cours, ébahie par les découvertes comme la portée des électrons, les probabilités de leur emplacement... Et Gilles Brassard, qui a des dons de communicateur, passe son message avec brio."

L'étudiante ne s'arrête pas là. Toujours motivée par la passion d'apprendre, elle s'inscrit au doctorat en informatique quantique et s'oblige à se doter du bagage théorique qui lui manquait. "C'est peut-être encore de la folie. Mais je me sens comme les athlètes qui veulent toujours se dépasser; ma gymnastique, c'est celle de l'esprit. Et la récompense est énorme: on sait qu'on est encore capable de se for-cer et de réfléchir à 45 ans."

Murielle St-Jean opère sans filet; récemment, elle pous-sait sa folie un cran plus loin en rompant le lien d'emploi qu'elle avait maintenu avec le cégep de Rouyn-Noranda. "J'ai deux enfants à faire vivre et j'ai besoin de sécurité, mais mon mari et moi avons toujours misé sur l'éducation comme exemple à donner aux enfants. C'est une richesse que personne ne pourra nous prendre si l'on fait faillite", dit-elle en riant.

L'objet de ses recherches de doctorat n'est pas encore défini, mais il pourrait porter sur la communication quantique, comme l'encodage informatique, un sujet qui a fait la renommée de son directeur.

Et l'après-doctorat? "Je ne me pose pas la question et je ne m'angoisse pas avec cela, répond-elle. Pour l'instant, c'est extrêmement enrichissant même si c'est terriblement difficile. Mais je peux dire que, lorsqu'on veut y mettre l'effort, on peut réussir."

Daniel Baril


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