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Pourquoi l'efficacité des médicaments diminue-t-elle à l'usage?

Michel Bouvier

L'explication se trouve dans les protéines G, pense le titulaire de la chaire Hans-Selye.

Souffrez-vous de tachyphylaxie? Probablement. Il s'agit de la mauvaise habitude qu'ont les cellules de s'adapter aux médicaments, de sorte qu'il en faut toujours plus pour obtenir le même effet.

Aussi appelée "tolérance ou habituation", cette modification des récepteurs des cellules cibles est bien connue des asthmatiques, qui doivent augmenter leur dose de broncho-dilatateur à mesure que les années passent. Si l'on pouvait parvenir à inhiber ce mécanisme, un pas serait gagné sur un bon nombre de maladies...

Voilà précisément ce à quoi s'attaque le biochimiste Michel Bouvier, premier titulaire "officiel" de la chaire Hans-Selye, créée en 1989 afin de stimuler la recherche pharmacologique. Depuis neuf ans, les titulaires n'avaient occupé ce poste que de façon intérimaire. "L'étude des mécanismes responsables du développement de la tolérance aux médicaments est l'un des quatre thèmes de nos recherches", a expliqué à Forum le chercheur de 39 ans, qui est une véritable étoile montante dans sa discipline.

En fait, le patron du Laboratoire de biopharmacologie moléculaire, également directeur du Département de biochimie, s'intéresse depuis plusieurs années à la "serrure" des cellules où agissent les médicaments, un groupe de protéines appelées "protéines G". Ce sont les portes d'entrée des médicaments à l'échelle cellulaire.

"C'est une des plus grandes familles pharmacologiques de l'heure", explique M. Bouvier. Très étudiées de par le monde, les protéines G ont encore beaucoup de mystères à révéler aux chercheurs. Elles représentent, selon lui, la "clé de voûte" de la communication intercellulaire et leur découverte, il y a une dizaine d'années, pourrait avoir plus de conséquences que celle des récepteurs situés sur la surface de la cellule et avec lesquels elles travaillent de concert.

Au cours des prochaines années, les travaux du laboratoire de Michel Bouvier porteront sur les transmetteurs endogènes qui agissent par le biais des récepteurs couplés aux protéines G. Cet axe de recherche s'inscrit dans la poursuite de sa découverte du concept d'agonisme inverse, qui pourrait définir une nouvelle classe de médicaments.

Les chercheurs tenteront également de mieux connaître la structure tridimensionnelle des récepteurs couplés aux protéines G. Leurs travaux pourraient permettre éventuellement de réduire les effets secondaires des médicaments.

Enfin, une classe particulière de récepteurs, appelés "ß-adrénergiques", est associée à l'hypertension artérielle, à certaines défaillances cardiaques et à quelques autres maladies. Une meilleure compréhension des désordres moléculaires engendrés pourrait conduire à la mise au point de stratégies thérapeutiques particulières.

 

Un honneur qui rejaillit

Le biochimiste Michel Bouvier a commencé sa carrière de professeur à l'Université de Montréal l'année même où a été créée la chaire Hans-Selye, la plus importante de l'établissement du point de vue du capital (2,5 millions de dollars). Son mandat comme titulaire de la chaire est de cinq ans. Ce n'est pas parce qu'il est professeur à l'Université de Montréal qu'il a été choisi pour occuper cette fonction, car le comité de nomination aurait pu privilégier un spécialiste étranger. Mais la feuille de route déjà bien remplie du chercheur en faisait un candidat idéal.

"Cette nomination est une marque de reconnaissance également envers mes collègues du Laboratoire de biopharmacologie moléculaire. J'y suis très sensible", confie-t-il.

Les fonds obtenus permettront à l'équipe d'inviter d'autres spécialistes à participer à ses travaux. Une assistante professionnelle, Monique Lagacé, a déjà été embauchée, et quelques chercheurs postdoctoraux pourraient prendre bientôt la direction de l'Université de Montréal.

Au moment du passage de Forum, les locaux du laboratoire avaient des airs de ruche où s'affairaient une vingtaine de personnes (assistants de recherche, étudiants et techniciens). Au milieu de ce bourdonnement, le jeune chercheur s'est prêté à la séance de photos avec bonne humeur.

 

Pour la recherche fondamentale

Au cours d'une cérémonie tenue la veille, le 26 mars, le vice-recteur à la planification de l'UdeM, Patrick Molinari, et le doyen de la Faculté de médecine, Patrick Vinay, ont successivement rendu hommage au nouveau titulaire en soulignant ses talents. Ils ont également souligné la générosité de la firme pharmaceutique Bristol Myers-Squibb, qui a permis la création de cette chaire.

Le directeur de la recherche clinique de la compagnie, Claude Auclair, a souhaité bonne chance au titulaire en affirmant sa fierté que cette chaire soit établie à l'Université de Montréal, "alma mater de plusieurs d'entre nous".

Le doyen Vinay a souligné que la subvention de Bristol Myers-Squibb est un "geste qui reconnaît l'autonomie des chercheurs" puisqu'elle permettra le développement de la recherche fondamentale. Cela montre qu'une entreprise privée peut avoir une vision à long terme en plus d'encourager les programmes de recherche appliquée débouchant plus rapidement sur de nouveaux médicaments.

Le principal intéressé souscrit à cette vision des choses. "Notre laboratoire est essentiellement un laboratoire de recherche fondamentale qui se permet à l'occasion des incursions du côté de la recherche appliquée", a-t-il dit à Forum.

Mathieu-Robert Sauvé


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