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Recherches utilisant des sujets humains:plusieurs comités veillent au grain

Depuis cinq ans, un comité universitaire d'éthique (CUE) se réunit régulièrement afin de tracer les lignes de conduite pour toute recherche utilisant des sujets humains. "Jusqu'à la création de notre comité, les droits des animaux étaient mieux respectés dans des recherches que ceux des sujets humains", blague Guy Bourgeault, président du Comité.

Bien que caricaturale, cette comparaison n'est pas aussi fantaisiste qu'elle en a l'air. Avant de verser des subventions à des groupes de recherche, les organismes de financement publics exigent depuis longtemps des garanties éthiques strictes concernant le sort réservé aux animaux de laboratoire. En recherche clinique, cependant, les exigences étaient nettement moins précises, uniformes et connues de tous. Comme s'il allait de soi que toutes les précautions étaient prises pour protéger les êtres humains participant à des recherches...

Puis est survenue "l'affaire Poisson", du nom de l'oncologue de l'hôpital Saint-Luc et professeur à la Faculté de médecine qui avait falsifié des données scientifiques au cours d'une recherche sur le cancer du sein.

"Cet événement a été pour toute la communauté universitaire l'occasion de réfléchir à ses pratiques, explique M. Bourgeault, qui enseigne à la Faculté des sciences de l'éducation et au Diplôme d'études supérieures spécialisées en bioéthique. Dans les faits, il y avait eu quelques petits accrocs ici et aux États-Unis. Il fallait trouver un moyen pour éviter des dérapages plus importants."

Quatre comités sectoriels

La Politique relative à l'utilisation des êtres humains en recherche, adoptée par l'Assemblée universitaire le 2 février 1993, incluait la création du CUE, mais aussi celle de quatre comités sectoriels pour couvrir des secteurs (Faculté de médecine, Santé, Arts et sciences et Sciences de l'éducation) qui échappaient jusqu'ici à un examen éthique systématique. Depuis leur implantation, ces comités étudient tous les projets de recherche mettant en cause des sujets humains. Précisons que le comité sectoriel de la Faculté de médecine n'examine que les recherches menées hors des hôpitaux universitaires affiliés, qui ont leur propre mécanisme d'évaluation.

Dans l'esprit du commun des mortels, l'expérimentation humaine se limite à la recherche biomédicale. Or, un bon nombre de recherches sur des humains ont lieu en dehors des facultés de médecine. "Quand on procède à des recherches sur des élèves d'une classe, on n'expérimente pas un nouveau médicament, mais cela met en cause des êtres humains", explique M. Bourgeault.

De même, en anthropologie, en sociologie et ailleurs, un certain nombre de travaux portent sur des communautés humaines. Cela dit, les réunions des comités de Sciences de l'éducation et Arts et sciences sont moins fréquentes que celles du comité de la Faculté de médecine. Néanmoins, aucune recherche mettant en cause des sujets humains ne devrait désormais échapper à une évaluation éthique.

L'existence du CUE et des comités facultaires, auxquels s'ajoute un comité de liaison avec les centres de recherche hospitaliers, ne modifie pas la procédure pour les chercheurs des hôpitaux affiliés. Le clinicien de Sainte-Justine ou d'un pavillon du CHUM continue d'acheminer ses protocoles au comité d'éthique de la recherche de son hôpital s'il veut obtenir des fonds. Le CUE peut cependant lui donner raison s'il croit être mal servi par le comité sectoriel, car il constitue une instance d'appel. Les 11 membres du Comité, dont une avocate, un éthicien, un membre extérieur et plusieurs chercheurs, peuvent alors renverser la décision du comité sectoriel.

De façon plus générale, le Comité universitaire d'éthique réfléchit également sur des questions éthiques auxquelles les comités sectoriels peuvent être confrontés. Il a notamment produit des avis sur l'utilisation des placebos et sur la formulation d'une demande de consentement.

Le président Bourgeault insiste sur le fait que le Comité est d'abord un lieu de concertation et de discussion, et non d'uniformisation. Un avis du Comité ne doit surtout pas être perçu comme une politique officielle. C'est un élément de réflexion pour toute personne intéressée par les enjeux éthiques.

Le meilleur garde-fou: la conscience

La structure éthique mise en place à l'Université de Montréal peut-elle garantir qu'aucune nouvelle "affaire Poisson" ne verra le jour? "Bien sûr que non", estime le secrétaire de direction du CUE, Yves Guay, qui est administrateur de subventions au Bureau de la recherche. Rien, selon lui, ne peut garantir une telle chose, car c'est ultimement le chercheur qui répond de son intégrité.

"Un des facteurs du professionnalisme, c'est la bonne foi, commente M. Guay. Nous ne mettrons jamais un surveillant derrière chaque chercheur. Notre rôle n'est pas de faire la police."

L'Université de Montréal aura tout de même eu le mérite de ne pas se défiler devant ses responsabilités institutionnelles. En plus de la création des comités d'éthique, elle a adopté des politiques claires sur la probité intellectuelle et sur les conflits d'intérêts. Depuis deux ans, chaque employé doit signer une déclaration sur les conflits d'intérêts qui, même si elle demeure confidentielle, force les signataires à s'interroger...

Le grand rêve de M. Bourgeault est qu'un jour toute la structure mise en place pour assurer la sécurité du public devienne inutile, les concepts éthiques les plus exigeants faisant partie de toute démarche scientifique. Un peu comme lorsqu'on retire les échafaudages après avoir mis la touche finale à une construction.

On peut consulter le site du comité au http://tornade.ERE.UMontreal.ca:80/BRech/ethique/principal.html.

Mathieu-Robert Sauvé


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