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Les Centres jeunesse obtiennent leur statut universitaire

Un lieu où les chercheurs peuvent agir et les intervenants, penser.

Claire Chamberland

Martin, 12 ans, ne veut plus aller à l'école parce qu'il est victime de taxage. Geneviève, 15 ans, a été chassée de la maison parce qu'elle est enceinte. André, 17 ans, vient d'être renvoyé une troisième fois de l'école pour avoir provoquer des bagarres. Lisa, 10 ans, a sombré dans un mutisme complet depuis qu'elle a été abusée par le nouveau conjoint de sa mère. Julien et Mélissa, un an et demi et trois ans, sont déjà en foyer d'accueil parce qu'ils sont délaissés par leurs parents toxicomanes.

Ces cas ne donnent heureusement pas une image fidèle de ce que vivent les jeunes dans notre société, mais ils sont représentatifs des situations auxquelles les Centres jeunesse de Montréal (CJM) sont confrontés. Les Centres jeunesse sont des organismes issus de la restructuration des différents services sociaux destinés aux jeunes de 0 à 18 ans. À Montréal, cette réorganisation a conduit à regrouper sous un seul conseil d'administration une douzaine d'anciens conseils, dont l'ex-CSSMM, et plusieurs dizaines de centres d'accueil.

Il y a deux ans, les CJM créaient, en partenariat avec l'Université de Montréal et l'UQAM, l'Institut de recherche pour le développement social des jeunes. Les CJM sont ainsi devenus non seulement un lieu d'intervention directe auprès des jeunes en difficulté, mais un véritable laboratoire de recherche et de formation sur les problèmes de violence concernant les jeunes.

"L'Institut de recherche pour le développement social des jeunes est une passerelle entre l'intervention sociale et la recherche universitaire, explique Claire Chamberland, directrice de l'Institut et professeure à l'École de service social. Il prend en charge les volets recherche et formation qui, en complément des services de pointe, sont nécessaires à l'obtention du statut d'institut universitaire."

Ce statut a de fait été octroyé officiellement aux CJM le 20 novembre dernier par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Jean Rochon. L'important réseau ainsi constitué vise quatre grands objectifs: l'amélioration des recherches sur les problématiques sociales, la réduction des facteurs de risque et de vulnérabilité, l'amélioration des services sociaux et le développement d'une expertise de haut calibre en matière de formation et de recherche.

 

Penser et agir

La liste des travaux chapeautés par l'Institut est déjà longue: on y compte en effet quelque 31 recherches auxquelles participent une cinquantaine de professeurs de l'U de M, de l'UQAM, de l'UQAH et de l'Université de Sherbrooke. Elles portent soit sur la victimisation ou sur l'externalisation, c'est-à-dire la violence subie par les jeunes et celle commise par eux, et se présentent sous deux angles possibles, la recherche "compréhensive" ou la recherche-action.

Parmi les sujets abordés, on trouve par exemple la transmission intergénérationnelle de comportements violents, la typologie des mauvais traitements psychologiques, l'évaluation du développement de l'enfant en situation de violence, la prévention de la violence à l'école, les déterminants de la grossesse précoce, les gangs de rues, les déterminants de l'engagement paternel, l'intégration sociale des jeunes mères ou encore l'évaluation de la politique du maintien du jeune dans son milieu.

"L'Institut de recherche favorise et encourage la polyvalence des chercheurs, souligne la directrice. L'aspect très pointu des recherches universitaires n'est pas toujours pertinent pour l'intervention sociale. L'Institut permet aux chercheurs de fréquenter les milieux de pratique et d'orienter leurs recherches en fonction de cette réalité." Cette convergence a d'ailleurs fait dire à Marc Renaud que ce type d'institut constituait "la forme la plus achevée de recherche et de développement dans le domaine social".

Mais ce partenariat ne se fait pas nécessairement sans frictions et Claire Chamberland parle même de "choc des cultures, de paradoxes, d'ambiguïtés et de contradictions". "La création d'une culture commune demeure un défi. Mais l'harmonisation de nos univers symboliques, de nos rapports sociaux et de notre culture matérielle provoquera l'émergence de recherches plus significatives", souhaitait-elle dans un récent bilan des deux premières années de fonctionnement de l'Institut.

Elle concluait ce bilan en citant Balzac: "On passe les trois quarts de sa vie à vouloir sans faire et à faire sans vouloir." "La consolidation des instituts de recherche, a-t-elle poursuivi, permettrait peut-être aux chercheurs de ne pas passer les trois quarts de leur vie à penser sans faire et aux intervenants de ne plus être dans la situation de faire sans penser."

Daniel Baril


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