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La recherche fondamentale en santé

Le doyen Patrick Vinay lance
un cri d'alarme

Il faut redonner au CRM les 50 millions qu'on lui a retirés.

Patrick Vinay

Alors que les pays industrialisés investissent de plus en plus en recherche biomédicale, le budget du Conseil de recherches médicales du Canada (CRM) a été amputé de 50 millions depuis cinq ans. C'est le cinquième du budget de cet organisme subventionnaire national. "Ça n'a pas de bon sens, lance le doyen de la Faculté de médecine, Patrick Vinay. C'est une situation dramatique. Un pays qui agit ainsi se condamne à vivre aux dépens des autres."

Avec l'aide du vice-doyen à la recherche et aux études supérieures, Jean-Luc Malo, le Dr Vinay a fait parvenir aux journaux une lettre dans laquelle il attaquait la politique du gouvernement canadien en la matière. "La diminution du support salarial par le CRM jointe à la diminution des budgets des universités a un effet additif catastrophique sur la rétention de nos chercheurs au Canada", écrivent-ils.

Dans le dernier budget fédéral, par exemple, le ministre Paul Martin a annoncé la création de la Fondation canadienne pour l'innovation. Mais ce budget servira essentiellement à financer des équipements et des immeubles. Ce n'est pas ce dont le Canada a le plus besoin. "Nous nous dirigeons vers une situation où des locaux remplis d'appareils de pointe seront déserts, les cerveaux ayant quitté. Nous importerons alors non seulement la technologie étrangère mais aussi les techniciens pour l'appliquer", dénonce la lettre parue dans La Presse le 29 novembre.

En fait, les sommes attribuées à la recherche fondamentale sont si maigres que seule une infime majorité des projets soumis pourra être financée. Cela remet en question le processus même d'attribution des subventions. Le Dr Vinay signale qu'on envisage de cesser d'organiser des concours. "Si vous n'avez qu'une chance sur cent d'obtenir votre financement, à quoi bon consacrer du temps à ces demandes?"

 

Les bases philosophiques ébranlées

Si la recherche fondamentale paie le prix des compressions fédérales, la recherche appliquée a une bien meilleure cote. Pour sauver les meubles, le CRM a donc demandé aux universitaires du pays de trouver des applications à leurs recherches de façon à attirer les fonds privés. "Ce qui était vendable a été vendu. Mais on ne peut pas faire que de la recherche qui se vende."

Un grand nombre d'innovations technologiques trouvent leur origine dans les travaux théoriques de chercheurs qui n'avaient pas un comptable derrière l'épaule. Les compagnies pharmaceutiques investissent bien entendu dans la recherche et le développement, mais il s'agit exclusivement de projets visant le profit à court terme.

"C'est la base philosophique des recherches menées en milieu universitaire qui est attaquée ici. Le fait de garder secrets les résultats d'une recherche afin de préserver les bénéfices éventuels, c'est incompatible avec la liberté académique et la circulation de l'information scientifique."

 

50 millions

Pour Patrick Vinay et Jean-Luc Malo, la seule solution est de redonner au CRM les moyens qu'on lui a retirés. Ils réclament donc sans tarder une enveloppe supplémentaire de 50 millions de dollars.

Dans une période de morosité économique, cette demande est-elle réaliste? "L'argument voulant que les coffres de l'État soient vides ne tient pas, répond le doyen. La France, la Suède, le Danemark, l'Angleterre - qui est plus pauvre que nous -, les États-Unis et bien d'autres pays mettent une proportion plus importante que nous de leur budget dans leur organisme subventionnaire national. Pourquoi le font-ils?"

Cette somme de 50 millions n'est pas énorme, explique-t-il, quand on est en train de tuer la poule aux oeufs d'or. "Vous savez ce que ça coûte former un étudiant jusqu'au doctorat et lui annoncer qu'il doit désormais conduire un taxi pour gagner sa vie?"

La prise de position publique du doyen de la Faculté de médecine s'inscrit dans une campagne pancanadienne visant à appuyer le directeur du CRM, Henry Frieson, qui a récemment fait la tournée des universités pour expliquer ses doléances. Plus de 4000 cartes postales de protestations ont déjà été envoyées aux autorités par les professeurs et étudiants de l'Université de Montréal. De plus, les quatre universités du Québec qui comptent un programme d'études en médecine partagent les craintes exprimées par MM. Vinay et Malo.

"Il faut aller expliquer ça aux Canadiens, lance le Dr Vinay. Si l'on continue de mettre la hache dans l'arbre de la connaissance, comment pourra-t-il donner des fruits?"

Mathieu-Robert Sauvé


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