Affirmer la force de notre institution |
Louis Maheu |
L'Université de Montréal constitue l'un des piliers essentiels de notre société depuis plusieurs décennies. Confrontée aux mutations du monde contemporain, la société québécoise attend de cette institution qu'elle assure le renouvellement constant des savoirs professionnels et scientifiques et qu'elle joue un rôle de leader dans la promotion d'un mieux-être collectif.
Le défi est grand. Conséquences de diverses politiques gouvernementales et industrielles, des sites de production de connaissances prolifèrent hors de l'université. Les technologies de l'information aidant, le rôle presque exclusif de transmission et de certification des savoirs de haut niveau de l'université est de plus en plus menacé. L'Université de Montréal est ainsi appelée à remplir sa mission académique dans un nouveau contexte et à contribuer de manière imaginative à l'évolution de ses étudiants, de son environnement immédiat et du savoir mondial. En fait, deux voies complémentaires se présentent à elle; il lui faut s'engager dans l'une et l'autre.
D'abord celle de l'innovation. Des savoirs traversent les frontières disciplinaires classiques et interpellent, tout comme les transformations technologiques, la culture institutionnelle. Voilà un fait aujourd'hui reconnu. Comment alors dégager les ressources intellectuelles et financières qu'exigent de nouveaux modes de connaissances?
Diverses pistes doivent être empruntées. Notamment celle de la polyvalence et de l'interdisciplinarité des formations, de même que celle de la transformation des modes d'enseignement et de recherche, au moyen entre autres des nouvelles technologies de l'information. Il faut encore recourir à la concertation entre les professeurs-chercheurs et leurs partenaires, y compris d'autres universités, pour lancer des programmes novateurs. Enfin, on doit envisager l'assouplissement des structures académiques appuyant nos activités de formation. Ces pistes ne peuvent être adoptées que si de nouvelles marges de manoeuvre sont dégagées.
La production et la diffusion de connaissances, l'essence même du mandat universitaire, supposent aujourd'hui de nouvelles alliances. Les agents socio-économiques, tels les entreprises, les milieux institutionnels et communautaires, sont des partenaires tout indiqués. Ils peuvent certes offrir des occasions de financement multiple. Mais le véritable enjeu est ailleurs.
Nos activités de formation doivent reconnaître que le transfert des connaissances repose de plus en plus sur une interaction entre producteurs et consommateurs de savoirs. L'intérêt accordé aux nouveaux besoins de formation, à l'évolution des sciences et des technologies, de même qu'aux connaissances que nécessite le traitement de problèmes sociaux plus complexes, élargit l'horizon universitaire des savoirs professionnels et scientifiques. Il ouvre aussi la voie à la formation continue dans tous les cycles d'enseignement. Toutes ces tendances renforcent la mission fondamentale de l'université. Il nous revient donc de manifester notre détermination à recourir à de nouvelles alliances et sources de financement en tout respect de notre mission, soit en tenant bien liées nos activités universitaires de recherche et de formation.
L'autre voie est celle de la consolidation. Notre université compte un riche et vaste choix de programmes professionnels et fondamentaux de premier cycle. Sa clientèle aux cycles supérieurs est imposante. De nombreux chercheurs et unités de recherche bénéficient d'importantes subventions. Comment mieux mobiliser ces acquis? Enseignement et recherche sont des composantes essentielles, l'activité de transfert de connaissances que constitue l'enseignement nécessitant toutefois une constante valorisation. Mais ces composantes produiront les meilleurs résultats si l'on s'emploie à développer une troisième dimension. À tous les cycles de formation, il faut mettre l'accent sur la dynamisation d'un milieu d'études de haute qualité animé par l'encadrement, professoral et départemental, des apprentissages étudiants.
La consolidation des acquis requiert également un essor constant des études supérieures et de la recherche. Le travail de production de connaissances des professeurs-chercheurs, leaders scientifiques et professionnels, doit être encouragé. Il augmente nos ressources collectives, mais surtout il entretient la culture de la découverte et affermit les micromilieux de formation de la relève scientifique et professionnelle.
Composante essentielle de notre projet institutionnel tant au premier qu'aux cycles supérieurs, la formation professionnelle doit être fécondée par notre mission de recherche. L'esprit de découverte lui assure un environnement de qualité. Les professionnels diplômés des cycles supérieurs doivent être en mesure de maîtriser le renouvellement constant des connaissances et d'intégrer les produits de la recherche à leur pratique.
L'inquiétude qui a gagné la communauté universitaire ces dernières années peut être conjurée. Les voies de l'innovation et de la consolidation qui s'ouvrent à elle doivent fonder toute promotion intellectuelle, organisationnelle et financière de l'Université. Ces voies constituent aussi la base de toute politique de développement du personnel enseignant, de soutien et cadre de l'Université. Les transformations structurelles qui marquent aujourd'hui l'évolution de ce personnel ne sauraient cacher cet autre défi: des forces vives de qualité, et en nombre adéquat, forment le capital humain essentiel à toute innovation et consolidation.
Avec l'appui de toutes ses composantes, la direction de notre institution doit opérer des choix audacieux, réalistes et surtout mobilisateurs. Elle doit également rassembler les conditions internes et externes de leur mise en oeuvre. Bref, elle doit s'engager à jouer un rôle de leader aussi bien pour la communauté universitaire que pour toute la société. Ainsi seront affirmées la position et la force de notre institution dans le réseau universitaire national et international.