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Phyllis Lambert obtient le prix Hadrien

Phyllis Lambert dans la maison Shaughnessy du CCA.

Fondatrice et directrice du Centre canadien d'architecture (CCA), Phyllis Lambert n'a pas besoin de présentation. La liste complète de ses fonctions ne tiendrait pas dans cet article, pas plus que celle de ses prix et honneurs parmi lesquels on compte pas moins de 18 doctorats honorifiques.

Le 24 octobre dernier, celle que l'on surnomme "l'ouragan" ajoutait un prestigieux prix à ses multiples récompenses: le prix Hadrien, décerné par le World Monumental Fund (WMF). Ce prix, dont le nom rend hommage à un empereur romain du début du 2e siècle épris d'art et de littérature, est remis chaque année depuis 1988 à une personnalité qui s'est distinguée de façon exceptionnelle par la mise en valeur du patrimoine culturel mondial. David Rockefeller, lord Rothschild et le prince de Galles sont parmi les lauréats de ce prix.

Le World Monumental Fund est un organisme international privé et sans but lucratif fondé en 1965 pour soutenir des projets de conservation et de promotion de l'architecture et de l'art sans égard aux frontières.

"Le prix Hadrien est le seul prix international dans ce domaine, souligne Phyllis Lambert. Son intérêt est de mettre en valeur divers aspects de l'architecture comme la dimension culturelle, l'intérêt public, les connaissances, la conservation, l'architecture contemporaine, le patrimoine."

 

L'édifice Seagram

Tous ces domaines sont la passion de Phyllis Lambert. Le WMF voulait par son prix récompenser l'ensemble de l'oeuvre de la Montréalaise et plus particulièrement la restauration de la synagogue Ben Ezra au Caire, la création du Centre canadien d'architecture, qui s'est déjà taillé une réputation internationale, et la réalisation de l'édifice Seagram à New York.

Ce dernier bâtiment, terminé en 1958, a marqué non seulement l'entrée de Phyllis Lambert dans le monde de l'architecture mais aussi l'architecture de l'époque. "Les autres édifices étaient tous construits en acier recouvert de pierre, explique l'architecte. L'édifice Seagram a été le premier gratte-ciel construit en acier et en verre. Cette innovation, qui a frappé tout le monde, en fait un point de référence. C'est un édifice très raffiné, humain, le plus célèbre de l'après-guerre, une véritable oeuvre d'art."

Le siège social de la compagnie Seagram est en fait l'oeuvre de l'architecte Ludwig Mies Van der Rohe (une exposition internationale de ses oeuvres est en préparation, fruit d'une collaboration entre le CCA et le Whitney Museum de New York). Phyllis Lambert a retenu les services de Van der Rohe alors que son père, Samuel Bronfman, l'avait nommée directrice de la planification de la construction du siège social à la suite d'une vive critique qu'elle avait formulée à l'égard d'un premier projet jugé médiocre.

L'édifice Seagram a fait beaucoup de petits, notamment à Montréal. La tour de la Banque Nationale dans le Vieux-Montréal ou celle de la place Westmount Square ont un air de parenté avec lui.

 

La richesse de Montréal

Par contre, ce sont plutôt les bâtiments anciens qui, aux yeux de Phyllis Lambert, font la richesse architecturale de Montréal. L'idée que Montréal serait une ville pauvre sur le plan architectural la choque: "Qui dit une chose pareille? Montréal n'est pas pauvre. Elle a une histoire qui se lit dans ses rues, dans ses bâtiments du 19e, qui sont nombreux et magnifiques, le séminaire, le Vieux-Montréal, les anciens marchés..."

Les édifices uniques d'Ernest Cormier, dont le Pavillon principal de l'Université de Montréal ou l'ancien palais de justice rue Notre-Dame, et le fait que les lieux historiques sont encore habités ajoutent à la richesse de Montréal. "Montréal est d'une grande qualité architecturale et est beaucoup plus passionnante que les autres grandes villes nord-américaines", insiste-t-elle.

Phyllis Lambert est par ailleurs à l'origine d'un vaste projet de rénovation résidentielle qui vise à restaurer pas moins de 50 000 logements dans les quartiers défavorisés au cours des 10 prochaines années et à en confier la gestion à des coopératives d'habitations.

"Le projet veut faciliter l'accès à la propriété et renforcer la vie de quartier", souligne la promotrice. Le Fond d'investissement de Montréal, qu'elle a elle-même mis sur pied à cette fin avec le concours de plusieurs établissements financiers, est déjà à l'oeuvre et une première tranche du projet est en voie de réalisation dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

 

Professeure associée

Parmi les innombrables engagements de Phyllis Lambert, une fonction est toutefois moins connue: celle de professeure associée à la Faculté de l'aménagement de l'U de M. Un titre qui lui permet d'être membre du jury de plusieurs projets de la Faculté et qui lui permettrait également de diriger des thèses, de donner des ateliers ou des cours de deuxième et troisième cycle, ce qu'elle a d'ailleurs fait à quelques occasions.

Mais c'est surtout par le biais des activités organisées par le Centre canadien d'architecture qu'elle estime être utile aux universitaires. Le CCA organise en effet chaque année une série de conférences et d'expositions destinées au public mais s'adressant en tout premier lieu aux étudiants en architecture et en aménagement. Actuellement en cours, une exposition des travaux de John Hedjuk, doyen de l'École d'architecture de la Cooper Union, à New York.

Les "charrettes", concours de conception rapide de projets en aménagement de paysage ou en architecture, sont également des activités universitaires très prisées. S'adressant aux étudiants de l'U de M, McGill, UQAM, Concordia, Laval et Carleton, les travaux de la charrette de cet automne, organisée en collaboration avec la Chaire en paysage et environnement de l'U de M autour du thème "La ville affichée", étaient exposés la semaine dernière dans la nouvelle salle d'exposition de la Faculté de l'aménagement.

Autre création de Phyllis Lambert, l'Institut de recherche en histoire de l'architecture soutient des projets de recherche de deuxième et troisième cycle, organise des conférences et travaille à la mise sur pied d'un doctorat offert conjointement par les quatre universités montréalaises.

"Ces activités se veulent complémentaires à la formation donnée par les universités", souligne la directrice du CCA.

À ceci s'ajoute le Centre d'études du CCA, qui accueille présentement ses premiers boursiers provenant du Canada, des États-Unis, du Brésil et de Hongrie. Le Centre a été créé afin de "soutenir la formation d'intellectuels capables de faire le lien entre réflexion et production dans le domaine de l'architecture et de mettre l'accent sur la théorie et la continuité de la recherche".

Il offre un programme de bourses pour des chercheurs de niveau postdoctoral travaillant dans l'industrie ou le milieu universitaire. Les séminaires organisés dans le cadre des travaux de recherche effectués par les boursiers sont ouverts aux chercheurs universitaires.

"Ces activités vont contribuer au rayonnement de Montréal sur la scène internationale et rehausser le niveau de discours et de réflexion dans le domaine de l'architecture", fait valoir Phyllis Lambert.

Devant une oeuvre aussi impressionnante, il n'est pas surprenant qu'on ait pensé à elle comme candidate au poste de recteur de l'Université de Montréal. "J'en suis très flattée", nous a-t-elle déclaré, tout en déclinant poliment cette invitation.

Daniel Baril


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