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Refuser la douleur

Une série de conférences pour abattre les mythes concernant la douleur et son traitement.

   Louis Plamondon

Saviez-vous que près de 95% des douleurs chroniques ou aiguës, dues à la maladie ou à des accidents, peuvent être adéquatement soulagées? Pourtant, on n'intervient pour soulager ces douleurs que dans 40% des cas.

"Le non-traitement de la douleur n'est pas dû à une absence de moyens d'intervention mais à des mythes qui ont la vie tenace", affirme Louis Plamondon, responsable du Certificat en violence et société à la Faculté de l'éducation permanente et l'un des organisateurs de la série de conférences "Ensemble contre la douleur".

 

Les mythes

Parmi les mythes qui concourent à l'acceptation de l'inacceptable, Louis Plamondon range diverses perceptions héritées de connaissances limitées, voire complètement fausses. Certains croient par exemple que la douleur favoriserait la guérison, serait formatrice du caractère, serait médicalement utile et même spirituellement salvatrice!

On croit également que les enfants n'éprouvent pas de douleur parce que les réseaux neuronaux entrant dans la perception de la souffrance ne sont pas développés. Quant aux personnes âgées, elles la ressentiraient moins parce que ces mêmes réseaux sont atrophiés et parce que l'expérience de vie nous endurcit.

"L'univers médical est imprégné de ces mythes et c'est pourquoi il y a beaucoup de résistance au soulagement de la douleur, reprend Louis Plamondon. La médecine traite la maladie et ce n'est que depuis la guerre qu'elle a commencé à s'intéresser à la personne dans sa globalité. La réflexion sur ce problème n'est pas très avancée."

À ces conceptions erronées s'ajoute un problème d'ordre structurel qui fait que le médecin est rarement témoin de la douleur du patient. Il doit souvent essayer de la comprendre par l'intermédiaire de tierces personnes.

La médecine a par ailleurs d'excellents outils pour soulager la douleur mais craint de les utiliser, cette fois à cause de mythes entourant les opiacés. "La morphine n'est pas une drogue de plaisir et ne crée aucune dépendance physique ni psychologique, assure Louis Plamondon. De plus, les effets secondaires comme les troubles respiratoires peuvent être contrôlés."

On cite souvent à l'appui de ces affirmations des études effectuées auprès des anciens soldats américains qui sont allés au Vietnam. Quarante-cinq pour cent d'entre eux auraient fait usage d'héroïne; trois ans après leur retour aux États-Unis, le pourcentage d'héroïnomanes dans ce groupe n'était pas plus élevé que dans la population en général.

Il faut plus qu'une exposition aux drogues pour devenir toxicomane, ont conclu les études, et plusieurs spécialistes considèrent que la morphine et l'usage médical de l'héroïne sont les victimes innocentes de la lutte antidrogue.

 

Victime de négligence

"Au-delà du signal d'alarme, la douleur est parfaitement inutile. En plus d'être victime d'un traumatisme, le patient est victime de la douleur. Si la douleur n'est pas traitée, le patient devient alors victime de négligence", estime Louis Plamondon, qui y voit une forme de violence sociale.

Qui dit victime de négligence dit recours possibles. Là où les organisateurs des conférences se limitent à poser des questions, le Dr Kenneth Walker, chroniqueur à La Presse, se fait plus affirmatif; attribuant à la profession médicale 90% de responsabilité dans le non-traitement de la douleur, il invitait récemment les victimes de cette négligence à poursuivre les responsables pour mauvaise pratique de la médecine.

L'aspect juridique est d'ailleurs l'un des volets de la problématique de la douleur qui sera abordé dans chacune des conférences de la série, notamment par Me Martyne-Isabel Forest, chercheuse à l'OMS, professeure à l'Université de Genève et coorganisatrice de l'événement.

La prochaine conférence, qui est la deuxième de la série, aura lieu le 29 octobre prochain et traitera plus précisément de la douleur chez l'adulte victime de traumatismes. Les deux suivantes (23 novembre et 11 décembre) aborderont la douleur chez la personne âgée et la douleur vécue à domicile (voir l'encadré).

Les thématiques débordent le cadre du seul Certificat en violence et société, si bien que le doyen de la Faculté de l'éducation permanente, Robert Leroux, a convié les étudiants de 46 cours répartis dans six programmes de la Faculté à y assister. La série s'adresse à la fois aux professionnels de la santé, aux soignants naturels et aux victimes elles-mêmes.

Outre Louis Plamondon, on note, parmi les conférenciers rattachés à l'UdeM, Édith Villeneuve, Hubert Doucet, Guy Rocher, David Roy et Sylvie Lauzon. On peut se procurer le programme complet des conférences auprès de la Faculté.

Daniel Baril


Médecin malgré lui
  Sylvie Lauzon

La courbe raide du virage ambulatoire, propice aux dérapages, ouvre sur une nouvelle problématique liée à la douleur, soit la douleur vécue à domicile et prise en charge par les proches. Ce thème fera l'objet de l'une des conférences de la série "Ensemble contre la douleur".

"Les malades et les personnes âgées ont toujours voulu demeurer à la maison et le virage ambulatoire accélère les choses, signale Sylvie Lauzon, professeure à la Faculté des sciences infirmières. Mais alors que les professionnels ont les connaissances voulues pour intervenir, les familles se sentent impuissantes et dépourvues et préfèrent souvent s'abstenir de crainte de se tromper."

Voir souffrir une personne qui nous est proche est parfois plus douloureux qu'être atteint du traumatisme. "Lorsque le soignant naturel est le conjoint, on se retrouve souvent avec deux malades, poursuit Mme Lauzon. Confronté au stress chronique, le soignant peut souffrir de problèmes d'ordre psychologique, de dépression ou d'une déficience du système immunitaire."

N'ayant pas de formation, le soignant "naturel" est en fait un médecin malgré lui qui, en outre, a rarement affaire à un malade imaginaire. Pour Sylvie Lauzon, qui a dirigé avec Évelyne Adam l'ouvrage collectif La personne âgée et ses besoins, l'aspect le plus difficile du travail de ce soignant est d'arriver à comprendre quelle est la nature de la douleur ressentie. "Il y a beaucoup d'hétérogénéité et certains cas, comme celui de la perte d'autonomie, sont très complexes; il faut avant tout être à l'écoute pour aider la personne à cerner correctement la douleur afin de savoir comment intervenir. Lorsque quelqu'un dit qu'il a mal, croyons-le."

La professeure a élaboré des questionnaires permettant de cerner la douleur et pouvant être des outils précieux pour les soignants naturels. Elle met également l'accent sur divers types d'intervention comme le massage, la relaxation, la diversion et la visualisation.

D.B.


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