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Géologie: tout n'est pas joué

Les professeurs déposent une version commentée du rapport proposant la fermeture de leur département.

Alors que les jeux semblaient être faits et que le compte à rebours devant mener à la fermeture du Département de géologie allait être enclenché, une démarche de dernier recours de la part des professeurs de ce département auprès des membres de l'Assemblée universitaire pourrait bien remettre le compteur à zéro.

Rappelons que, après avoir examiné pendant une dizaine d'années diverses solutions au problème de la décroissance de clientèle dans ce département, la Faculté des arts et des sciences en arrivait à la conclusion, en février dernier, qu'il valait mieux que l'Université de Montréal se retire de cette discipline et ferme le Département. Après analyse du dossier, le Comité de la planification est lui aussi arrivé à la même conclusion et a présenté une recommandation en ce sens à l'Assemblée universitaire (AU) ainsi qu'au Conseil de l'Université.

Au moment où l'AU se penchait sur le rapport du Comité, le président du SGPUM, André Tremblay, déposait une version de ce même rapport "augmentée" de commentaires fournissant, à son avis, des faits nouveaux méritant d'être soumis aux membres. Cet avis commenté est signé par sept des huit professeurs du Département de géologie.

 

La crise

Le fond du problème est la baisse dramatique des inscriptions que le Département subit depuis 1983. À cette époque, on comptait 140 étudiants en géologie répartis sur les trois cycles. En 1994, il n'en restait plus que 62 alors que le nombre d'étudiants du secteur de génie géologique de Polytechnique était en progression constante. En 1995-1996, le coût d'un étudiant en géologie était devenu trois fois supérieur au coût moyen d'un étudiant en sciences.

De 13 qu'ils étaient il y a moins d'un an, les professeurs sont passés à 8 en juin 1997 et ne seront plus que 5 en 2004 (si le scénario de la fermeture se réalise), ce qui est considéré comme inférieur au seuil critique.

On semble par ailleurs reprocher au Département de ne pas avoir su prendre le virage interdisciplinaire et de la collaboration interinstitutionnelle. Trois scénarios de collaboration, entre l'U de M, l'UQAM et Polytechnique, proposés depuis 1988 n'ont jamais trouvé preneur.

Comme autre élément de la conjoncture, le rapport du Comité de la planification souligne qu'il existait, jusqu'en 1994, huit programmes offerts dans le domaine de la géologie par les seules universités montréalaises. Dans le contexte de la diminution des ressources tant financières qu'humaines et dans l'optique de la concertation interuniversitaire mise de l'avant par la CREPUQ, la situation est devenue intenable.

"La lecture que l'on peut faire, aussi bien des documents que des événements, conduit à la conclusion qu'il faut mettre un terme à une impasse dramatique à la fois pour les [professeurs], la Faculté et pour l'avenir de la géologie, écrit le Comité de la planification. Il est évident que le Département n'a plus la masse critique (qualitative et quantitative) pour maintenir des activités régulières, au moins dans un cadre aussi étroit. Il ne semble ni possible, ni acceptable, ni pertinent de reprendre indéfiniment des négociations qui n'ont jamais pu démontrer quelque signe de progrès."

Le Comité estime que l'UQAM et l'École Polytechnique pourraient largement répondre aux besoins de formation en français de géologues et d'ingénieurs géologues pour la région de Montréal.

La doyenne de la Faculté des arts et des sciences, Mireille Mathieu, a qualifié le choix à faire de "tout à fait douloureux" en insistant sur le fait que la recommandation ne constituait pas un jugement négatif sur la géologie comme telle.

"Abolir une structure ne veut pas dire abolir le programme, a-t-elle ajouté. Tant qu'il y aura des étudiants et des professeurs, la formation sera maintenue." L'Université a d'ailleurs l'obligation légale de respecter les droits acquis des étudiants déjà inscrits et qui veulent terminer leurs études. Selon la doyenne, la presque totalité des étudiants actuels auront obtenu leur diplôme d'ici la fin de 1999.

Le Comité invite par ailleurs l'Université à poursuivre la réflexion en vue de maintenir des activités d'enseignement et de recherche en sciences géologiques dans un programme interdisciplinaire.

 

COOP et institut

Le "rapport commenté" déposé par les professeurs apporte un autre son de cloche. Le directeur du Département, Bernard Mamet, voit mal comment Polytechnique pourrait assurer la formation des géologues puisque la fermeture du Département entraînerait selon lui la disparition du génie géologique. Actuellement, les deux programmes sont combinés et les professeurs des deux établissements donnent des cours aux deux groupes d'étudiants.

"Nous avons besoin d'eux et ils ont besoin de nous, a-t-il déclaré à Forum. Avec six professeurs, ils sont moins nombreux que nous et ils ne pourront répondre à la demande."

En comptant les inscriptions en génie géologique, le nombre d'étudiants n'est pas de 62 mais de 143. Quant à la productivité des professeurs, le nombre d'articles publiés en 1993 et en 1994 les place juste après le MIT et devant l'Université Harvard.

La "profusion" des programmes de géologie à Montréal serait d'autre part moindre que ce que le rapport laisse croire. Il n'y aurait en fait que quatre programmes francophones de premier cycle et ce, dans tout le Québec alors qu'il y a 14 départements de géologie en Ontario.

La diminution des inscriptions serait purement conjoncturelle. Selon Bernard Mamet, elle serait due à l'abandon des cours de géologie par plusieurs cégeps, à la chute du marché de l'or et à la crise pétrolière. Mais ce serait là chose du passé et l'industrie serait même en pénurie de géologues.

Les professeurs du Département auraient par ailleurs eux aussi proposé des solutions qui n'ont pas eu de suite. Ils auraient suggéré l'instauration d'un programme de stages en entreprise (programme COOP) à l'image de celui de Polytechnique qui, à leur avis, aurait pu permettre d'accroître la clientèle.

Ils ont aussi, avec des collègues des autres universités, jeté les bases d'un institut de géologie qui réunirait dans une même unité administrative les étudiants de l'UdeM, de Polytechnique, de l'UQAM et de McGill.

À la suite du dépôt de ce document surprise, le vice-recteur à la planification, Maurice St-Jacques, a proposé que le Comité de la planification examine les données et révise, s'il y a lieu, la recommandation de fermer le Département de géologie. Une éventualité qui demeure toutefois bien mince.

Daniel Baril


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