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La voix des victimes

Le Prix de la justice récompense le travail d'Arlène Gaudreault.

La victimologie, ce n'est pas l'art de s'apitoyer sur soi-même. Bien au contraire. Arlène Gaudreault, chargée de cours à l'École de criminologie et spécialiste de la victimologie, montre plutôt aux victimes à se prendre en main et les aide à se faire une place au sein du système judiciaire.

Mme Gaudreault préside depuis 1988 l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, un organisme de concertation qui fait entendre la voix des victimes d'actes criminels de toutes sortes auprès des différents intervenants, qu'ils soient juges, politiciens, fonctionnaires ou travailleurs sociaux. Un engagement qu'elle poursuit depuis une quinzaine d'années et qui lui a valu, avec sa contribution au développement de la problématique propre aux victimes, le Prix de la justice, remis par le ministre Paul Bégin en juin dernier.

Plaidoyer-Victimes a été fondée en 1984 par Micheline Baril, ex-professeure à l'École de criminologie et décédée depuis. "L'objectif de l'Association était d'amener les gouvernements à financer des services d'aide pour les victimes, explique la professeure. Il y avait déjà la Loi d'indemnisation pour les victimes d'actes criminels contre la personne, mais rien pour aider les victimes d'accident ou de vol, les proches parents des victimes, les gens ayant la charge de personnes handicapées ou de personnes âgées. De plus, les droits des accusés étaient bien encadrés par la loi, mais tout était à faire du côté des droits des victimes."

En 1988, sous l'impulsion d'un énoncé des Nations unies, le gouvernement québécois adopte une loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. "Cette loi reconnaît des droits aux victimes et aux proches, mais ce n'est qu'un énoncé de principes symbolique. Elle n'accorde aucun recours aux victimes et n'impose aucune responsabilité aux institutions."

Le ton monte

Malgré les faiblesses de nos lois, le Canada et le Québec seraient à l'avant-garde mondiale dans ce domaine. Mais le fait qu'une proportion importante de la population considère que les accusés ont plus de droits que les victimes montre qu'il reste encore du chemin à parcourir.

"Les victimes se prennent de plus en plus en charge et haussent le ton, poursuit la criminologue. Les créations récentes de fondations et d'associations pour prévenir la violence, réclamer le contrôle des armes à feu, regrouper les victimes de viol ou d'inceste, ou encore les poursuites civiles contre des récidivistes en libération conditionnelle montrent que les gens ne se sentent pas écoutés et sont insatisfaits du système."

L'association que préside Mme Gaudreault a joué un rôle de premier plan dans la mise en place de la procédure permettant aux victimes de témoigner, auprès du tribunal, des conséquences physiques, psychologiques, économiques ou autres engendrées par le crime qu'elles ont subi. Ce témoignage permet au juge d'évaluer la gravité du crime et d'envisager la possibilité d'une réparation des torts.

Arlène Gaudreault n'est pas pour autant vindicative. Elle-même commissaire aux libérations conditionnelles, elle s'oppose par exemple à l'affichage des photos de pédophiles sur les poteaux de téléphone et se déclare contre la peine de mort.

"Mon objectif en évaluant un candidat à la libération conditionnelle est de m'assurer qu'il peut retourner en société sans que la sécurité de la population soit menacée. Mieux vaut voir la personne dehors avec un bon encadrement que laissée à elle-même en dedans.

"Bien sûr il y a parfois des ratés, poursuit-elle. Le problème, c'est que nous manquons de personnel et que le contexte économique difficile incite à la délinquance. Les ratés sont également montés en épingle par les médias, qui n'en ont que pour les échecs et ignorent les cas où les gens s'en sont sortis."

Plaidoyer-Victimes compte par ailleurs intervenir auprès des médias pour les sensibiliser à l'importance de tenir compte des problèmes vécus par les victimes dans les couvertures d'événements dramatiques.

L'Association vise également à contrer la victimisation secondaire, c'est-à-dire celle causée par une machine bureaucratique pas toujours sensible aux drames que vivent les gens. "Les victimes se sentent parfois devenir l'accusé, observe Arlène Gaudreault. Nous cherchons à intervenir auprès des policiers, des juges ou des fonctionnaires afin de changer certaines attitudes."

Là ne s'arrête pas le travail d'Arlène Gaudreault. Elle copréside le comité organisateur du dixième symposium international de victimologie, qui aura lieu pour la première fois à Montréal en l'an 2000 sous l'égide de la Société mondiale de victimologie. Sa collègue Marie-Marthe Cousineau, professeure à l'École de criminologie, travaille à mettre sur pied le comité scientifique de ce congrès.

Daniel Baril


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