Un clerc de Saint-Viateur donne
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«Un monument à la mémoire de mes parents»,
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Dans l'ordre habituel, le recteur René Simard et le père René Poirier, clerc de Saint-Viateur, signent le document créant le fonds Olivier et Yvonne-Poirier. |
"Il n'y a pas que les compagnies comme Ford qui peuvent créer des fondations dans une grande université pour la recherche et des bourses d'études. Les plus humbles travailleurs le peuvent aussi."
Le père René Poirier, clerc de Saint-Viateur, sait de quoi il parle. Grâce à un don de 500 000 $, ce missionnaire à Haïti vient de créer le fonds Olivier et Yvonne-Poirier, qui permettra à des étudiants originaires des Caraïbes et d'Amérique latine de venir étudier à l'Université de Montréal. À la mémoire de son père qui a travaillé en usine pendant plus de 35 ans et de sa mère qui a appris à lire à près de 50 ans, il dit élever un monument qui leur rendra hommage de façon permanente. "Je ne pouvais pas me contenter du petit monument au cimetière de Cornwall, en Ontario. Ce fonds sera un monument à leur générosité."
C'est grâce aux intérêts d'un montant reçu en héritage, auquel le père Poirier n'a jamais touché, que l'imposante somme a pu être versée dans un fonds qui porte désormais le nom de ses parents. Ce n'était certes pas le choix des causes qui manquait, mais l'éducation universitaire et l'aide aux démunis lui semblaient refléter les valeurs de ceux qui l'ont mis au monde.
Aussi loin qu'il se souvienne, le père Poirier a vu des gens trouver refuge dans la maison familiale, en Ontario. "Ma mère aimait accueillir des immigrants. Elle disait qu'il fallait leur donner une chance pour qu'ils commencent bien leur vie dans leur nouveau pays. Nous avons hébergé des Hongrois, des Allemands de l'Est, des Coréens. Ça m'a donné un sens de l'universel, je crois."
La famille franco-ontarienne ne roulait pourtant pas sur l'or. En 1934, peu après la crise économique, Olivier et Yvonne Poirier s'étaient mariés endettés, un déshonneur à l'époque. Puis les malheurs se sont accumulés. Des six enfants du couple, René est le seul à avoir survécu. "Quand j'ai atteint l'âge de cinq ans et demi, tous mes frères et soeurs étaient déjà décédés", raconte René Poirier.
Le jeune homme a par la suite beaucoup étudié. Il a obtenu plusieurs diplômes: baccalauréat ès arts (Université d'Ottawa), baccalauréat en théologie (U de M), maîtrise en pastorale catéchistique (U de M), maîtrise puis doctorat en histoire (Catholic University of America, Washington), brevet d'enseignement spécialisé, option histoire et sciences religieuses (U de M), et des certificats d'études en langue espagnole (Université de Mexico).
Dans un court texte qui accompagne l'entente entre l'Université de Montréal et le donateur, qui signe "Un fils reconnaissant et fier de ses parents", le religieux explique que ces derniers ont toujours eu le souci de l'éducation et de l'aide aux moins favorisés. "Ils ont travaillé dur et se sont permis peu de luxe. Ce ne fut pas en vain. Aujourd'hui, j'ai autant de joie qu'eux à faire ce geste pour l'Université, où j'ai obtenu deux diplômes."
En entrevue, le missionnaire ajoute que son père savait un peu lire l'anglais, mais que sa mère ne savait ni lire ni écrire. Cependant, à 48 ans, elle a offert toute une surprise à son fils, alors étudiant au Grand Séminaire. Secrètement, elle avait pris des cours d'alphabétisation pour pouvoir lire elle-même les lettres de son fils.
Afin de respecter le quatrième commandement ("Tes père et mère tu honoreras."), René Poirier a attendu le décès de ses parents, survenu en 1977 et en 1980, avant de donner libre cours à sa vocation de missionnaire. Après une tournée en Amérique latine et dans les Caraïbes, c'est en Haïti qu'il a choisi d'investir ses énergies et de dispenser sa foi. Il parle le français, l'anglais, l'espagnol et le créole.
Après une dizaine d'années dans ce pays, où il est presque un héros depuis qu'il a été déporté dans les années 1980, sa communauté l'a invité à venir séjourner au Québec pour des raisons de santé. Son séjour, de trois ans, tire à sa fin. Il retourne à Port-au-Prince le 20 septembre.
"J'aime Haïti et les Haïtiens", se plaît-il à dire.
Mathieu-Robert Sauvé