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Arrière-arrière-arrière grand-papa
sur le Web

Le Répertoire des actes de baptême, mariage et sépulture du Québec ancien circulera dans Internet avant l'an 2000.

Les trois piliers du Programme de recherche en démographie historique (selon l'ordre habituel): Jacques Légaré, Bertrand Desjardins et Hubert Charbonneau. Dans leur mémoire, deux siècles d'histoire; dans leur répertoire, 700 000 actes de baptême, mariage et sépulture.

Le Répertoire des actes de baptême, mariage et sépulture du Québec ancien, qui compte quelque 700 000 documents de 1721 à 1799, circulera dans Internet d'ici deux ans. C'est une subvention de 400 000$ du Fonds de l'autoroute de l'information et des Presses de l'Université de Montréal inc. qui rend la chose possible, pour le plus grand bonheur des généalogistes amateurs et des chercheurs en démographie.

"Nous étions débordés de demandes provenant du grand public comme du milieu universitaire", soupire Bertrand Desjardins, professeur au Département de démographie et chercheur au Programme de recherche en démographie historique (PRDH). Selon ce responsable du Répertoire, qui est arrivé au Département en 1970 comme étudiant et ne l'a plus quitté depuis, le Québec est l'un des territoires les plus intéressants pour l'étude des populations humaines. Un vrai laboratoire!

Pourquoi? D'abord parce que les naissances, mariages et décès ont été religieusement enregistrés (en deux copies: une pour l'autorité civile et l'autre pour le clergé) par les représentants de l'Église dès les premiers temps de la colonie; ensuite parce que la source de l'immigration s'est tarie au moment de la conquête pour laisser la population croître pratiquement en vase clos jusqu'au début du 19e siècle.

Cette imposante banque de données a été mise sur pied par les démographes Jacques Légaré et Hubert Charbonneau il y a plus de 30 ans. "D'abord, relate M. Desjardins, elle avait pour but de reconstituer la population du Québec. Mais par la suite, d'autres possibilités de recherche sont apparues. Elles ne concernaient plus seulement le Québec mais l'étude des populations humaines en général."

La "fécondité naturelle" en est un exemple. En l'absence de moyens de contraception, les femmes ont-elles tendance à avoir leurs enfants l'été? l'hiver? À quel âge sont-elles plus fécondes? Combien d'enfants ont-elles? Hubert Charbonneau étudie également la fréquence des naissances gémellaires. Cela a permis de constater que la fréquence des accouchements de jumeaux non identiques (1 sur environ 70 en moyenne) augmente constamment entre 20 et 40 ans. "De 35 à 40 ans, le nombre de chances de connaître une grossesse gémellaire est multiplié par quatre", explique M. Charbonneau.

Des décennies de travaux

La seule opération consistant à consigner dans un seul document les actes de baptême, mariage et sépulture du Québec ancien a duré près de 10 ans. Il faut dire que le volume des données dépassait nettement les capacités des ordinateurs de l'époque. "Les informaticiens nous disaient que notre projet était trop gros, relate M. Desjardins. Mais ils ajoutaient: "Ayez confiance. Peut-être qu'un jour...""

La collection complète compte 47 volumes publiés par les Presses de l'Université de Montréal. Malgré son prix élevé, cette publication a connu un succès certain auprès des bibliothèques, centres de documentation et individus, au point d'amener des profits honorables. Ceux-ci ont tous été réinvestis dans la mise à jour de la banque de données.

Par la suite, un long travail attendait les chercheurs: retracer la vie des individus. "Comment savoir si Pierre Tremblay né telle année est le même qui meurt chez sa fille 60 ans plus tard et si c'est celui qui s'est marié trois fois dans trois paroisses différentes? Ça, c'est de la généalogie. Un travail de longue haleine."

Cette banque de données n'est pas immuable. Constamment, des travaux viennent la modifier. Jacques Légaré a dû lui-même refaire une partie de son arbre généalogique quand il a appris qu'un de ses ancêtres n'était pas né en Nouvelle-France mais bien dans les vieux pays.

Internet: une fenêtre sur les ancêtres

Pour les démographes qui ont mené leurs recherches parallèlement au développement de la micro-informatique, Internet offre de nouvelles possibilités. "Le financement pour l'entretien d'un laboratoire en sciences pures, c'est normal. Mais en sciences sociales, c'est impensable, dénonce M. Desjardins. Nous n'avons aucun mal à obtenir du financement pour nos recherches, mais en ce qui concerne la mise à jour du Répertoire, évaluée entre 100 000$ et 150 000$ par an, les organismes subventionnaires ne voulaient pas en entendre parler."

Résultat: les chercheurs devaient ajourner leurs travaux pour répondre aux passionnés de généalogie (nombreux au Québec) et aux chercheurs des quatre coins du monde qui voulaient étudier le "laboratoire" québécois. "Nous n'avions plus le choix: il a fallu facturer nos services."

Par le biais du Secrétariat à l'autoroute de l'information, le ministère de la Culture a fait connaître sa volonté d'augmenter le contenu francophone et québécois sur Internet. Le Répertoire du PRDH est donc apparu comme une excellente occasion de le faire. Mais il ne s'agira pas d'un service gratuit.

"Les Presses de l'Université de Montréal inc. sont devenues notre partenaire commercial. Elles ont investi 25% de la subvention. D'ici deux ans, nous allons donc rendre accessibles au grand public les 700 000 actes et les quelque 300 000 biographies retracées à ce jour."

Les revenus engendrés par la fréquentation du site serviront à engager le personnel qui mettra à jour la banque et en assurera la permanence. D'ici là, on aura "convivialisé" l'accès à cette banque de données, qui est actuellement une affaire d'initiés.

Avant l'an 2000, si tout va bien, les généalogistes en herbe pourront partir à la recherche de leurs racines sans bouger de chez eux.

Mathieu-Robert Sauvé


Un record Guiness contesté

Pierre Joubert est considéré depuis plus d'un siècle comme l'homme occidental ayant vécu le plus longtemps: 113 ans. Même le Livre Guiness des records le mentionne. Or, ce centenaire célèbre serait mort à 65 ans, et son fils, homonyme, aurait été à l'origine de la confusion. À la mort de ce dernier, le prêtre a confondu les deux et l'erreur a été reproduite dans un texte gouvernemental de 1871 sur lequel les historiens se sont appuyés.

Doutant instinctivement de l'exploit canadien-français, le démographe Hubert Charbonneau a retracé l'acte de décès de la femme du cordonnier de Charlesbourg né en 1701. Or, il y est mentionné que Agathe Henrichon, morte en 1786, était veuve depuis 20 ans! L'enquêteur a donc fouillé dans les registres de cette même paroisse pour retrouver l'acte de sépulture de son mari, ledit Pierre Joubert. "Les statisticiens de 1871 auraient dû pousser leur enquête plus loin, mais la démarche leur était sans doute ardue en raison de la dispersion des registres aux quatre coins du pays. Ignorant les probabilités exactes de décès qui sévissent aux grands âges, ils n'ont pu résister au mythe séducteur", écrit le chercheur dans un article des Mémoires de la société généalogique canadienne-française paru en 1990.

"Le Répertoire m'a permis de prouver que personne n'a fêté son centenaire au 18e siècle, même si l'on rapporte une centaine de cas. La moyenne d'âge des centenaires est de 88 ans", dit-il en souriant.

Théoriquement, vivre 100 ans était tout de même possible à cette époque, car il a été authentifié qu'une femme est morte à 99 ans et 1 mois. Mais curieusement, dans les registres, rares sont les nonagénaires qui n'atteignent pas le chiffre magique. "Ça passe de 95 ans à 100 ou 101 ans. On ne meurt jamais, semble-t-il, à 98 ans..." D'où l'importance de vérifier les différents actes et de les recouper.

Au cours d'un congrès récent en France, M. Charbonneau s'est fait beaucoup d'ennemis en insinuant que la célébrissime doyenne de l'humanité, Jeanne Calment, qui vient de mourir à 122 ans, aurait été en réalité sa propre fille...

"À la suite de cette déclaration, j'ai pensé engager des gardes du corps tant ma sécurité était menacée", rapporte M. Charbonneau en exagérant à peine. On n'attaque pas les héros nationaux.

M.-R.S.


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