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Le médicament dans la «vraie vie»

 

Louise Rousseau

 

 

Un colloque de trois jours examinera tous les aspects économiques liés au médicament, ici et dans le monde.

On sait très peu de chose sur la façon dont les gens consomment leurs médicaments en dehors des essais cliniques. Impossible de dire également si leur degré d'efficacité en situation réelle est le même que celui enregistré dans le cadre de ces essais.

Pour combler cette lacune importante, des professionnels de la santé ont créé, en 1991, le Réseau de revue d'utilisation des médicaments. "Le but de ce réseau est de recueillir de l'information sur les effets et les conditions réelles d'utilisation des médicaments dans la "vraie vie" afin d'améliorer et de préciser les critères de bonne utilisation", explique Louise Rousseau, chercheuse au Département d'administration de la santé.

Mme Rousseau est aussi membre du comité organisateur du colloque "Économie du médicament" qui, les 16, 17 et 18 septembre prochains, fera le tour de toutes les questions relatives à cette nouvelle approche, dont la rationalisation de la consommation, les médicaments génériques et brevetés, le rapport coût-efficacité, l'assurance-médicaments, les méthodes de mesure, etc.

"Les seules données sur l'efficacité d'un médicament proviennent des essais cliniques, poursuit Louise Rousseau. Mais les conditions en laboratoire sont différentes de celles qui prévalent dans la vie courante. On exclut les personnes âgées, les enfants et les femmes enceintes. On ne retient par ailleurs que les personnes ne souffrant que de la maladie visée par le médicament testé et qui s'engagent volontairement dans l'étude. Le tout se fait sous surveillance afin que le protocole soit bien observé.

"En situation normale, les patients souffrent souvent de plusieurs pathologies et le médicament est alors combiné avec d'autres. La motivation n'est pas la même; on ignore si les posologies sont bien respectées, s'il y a sous-utilisation ou surutilisation du médicament."

Le bon usage

Avec l'aide des médecins, des pharmaciens et des établissements membres, le Réseau de revue d'utilisation des médicaments établit des critères d'analyse afin d'observer s'il y a des effets secondaires imprévus, s'il y a interaction avec d'autres médicaments, si la posologie doit varier selon le patient ou si l'usage est justifié. Ces données sont recueillies à l'échelle provinciale et les cas problèmes sont réexaminés.

"On obtient ainsi une meilleure conformité d'usage dans 20% des cas", souligne Mme Rousseau. L'objectif d'amélioration des soins est propre au réseau québécois puisque ailleurs où des organismes semblables existent on vise d'abord et avant tout à diminuer la consommation de médicaments. "La surconsommation n'est pas le problème majeur, estime la chercheuse. C'est plutôt le bon usage du bon médicament pour la bonne raison et de façon adaptée à la condition particulière du patient qu'il faut rechercher."

Son intervention au colloque visera donc à ce que le Comité d'utilisation des médicaments, mis sur pied par la loi sur l'assurance-médicaments du Québec (loi 33), inclue cette approche dans son évaluation plutôt que de se fonder uniquement sur les essais cliniques. L'un des objectifs de ce comité est d'ailleurs de joindre le milieu ambulatoire. "Après une période d'utilisation, il faudrait réévaluer la situation afin de voir si le médicament répond aux promesses et réviser au besoin le ratio économique."

L'industrie pharmaceutique, qui fonde ses promesses sur les essais cliniques, ne serait pas plus chaude qu'il faut à cette approche. Précisons que le Réseau de revue d'utilisation des médicaments ne reçoit aucune subvention de cette industrie et est financé à parts égales par le ministère de la Santé et les établissements membres.

Le Département d'administration de la santé a par ailleurs profité de la tenue de ce colloque (organisé par la Société d'économétrie appliquée de l'Université de Lyon) pour offrir aux professionnels de la santé un séminaire crédité de deux jours, les 16 et 17 septembre, portant sur l'évaluation économique des interventions de santé.

Daniel Baril


L'assurance-médicaments:
prendre aux pauvres pour donner aux riches

Un an après l'entrée en vigueur de l'assurance-médicaments, les pires craintes à son sujet seraient devenues réalités. C'est ce qu'estime un groupe de "33 signataires contre la loi 33" qui demandait au premier ministre Lucien Bouchard, en juillet dernier, de modifier cette loi afin de faire preuve d'une plus grande justice sociale.

Jean Panet-Raymond, directeur de l'École de service social, est du nombre des signataires, aux côtés de Michel Chartrand, Charles Taylor, Françoise David et autres représentants d'organismes actifs dans les milieux de la santé comme la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec et la Coalition des associations d'aînés du Québec.

"Il y a une contradiction entre le principe du médicament accessible à tous et la protection des intérêts économiques des entreprises pharmaceutiques, soutient le directeur. D'une part le Québec cherche à attirer les fabricants de médicaments brevetés et d'autre part l'assurance-médicaments n'encourage pas le remboursement des médicaments génériques." Les médicaments brevetés bénéficient d'une protection contre la copie pouvant aller de 10 à 20 ans, ce qui les maintient à un prix plus élevé que les génériques.

Selon M. Panet-Raymond, les primes à payer pour l'assurance-médicaments sont ainsi plus élevées et ce sont les usagers à faibles revenus qui écopent. "La loi aurait dû forcer la réévaluation de certaines pratiques, comme la surconsommation chez les personnes âgées et celles souffrant de déficience mentale. Mais elle vise plutôt à protéger l'industrie."

Les signataires ne s'insurgent donc pas contre le principe de l'assurance collective mais contre les effets néfastes de la loi, notamment l'appauvrissement des moins bien nantis. "L'application de la loi confirme le refus de votre gouvernement de s'engager à ne pas appauvrir les pauvres, écrivent-ils à l'endroit de Lucien Bouchard. On aboutit à la situation cynique où ce sont les personnes les plus pauvres qui financent... les compagnies pharmaceutiques milliardaires!"

Les 33 signataires réclament la gratuité des médicaments pour les personnes sous le seuil de la pauvreté, la progressivité de la contribution de celles au-dessus de ce seuil et la parité, en ce qui concerne les franchises et les modes de paiement, entre les régimes privés et le régime public d'assurance.

Louise Rousseau, qui animera un débat sur cette question au colloque sur l'économie du médicament, estime elle aussi que l'assurance-médicaments a fait deux gagnants: "les compagnies d'assurances et l'industrie pharmaceutique". Précisant qu'une politique du médicament est en cours d'élaboration au ministère de la Santé, elle soutient que si l'on semble procéder à l'envers, c'est que "le gouvernement avait d'abord besoin d'économies. Notre régime n'est pas catastrophique - ceux de France et d'Angleterre ont aussi leurs problèmes -, mais ces économies ont été réalisées aux dépens des personnes âgées."

Selon elle, la loi sera réévaluée sous peu à la lumière des réactions et des comportements observés depuis un an.

D.B.


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