Le seul Québécois
qui puisse aspirer à la papauté a reçu la
médaille de l'Ordre du mérite 1996, attribuée
par l'Association des diplômés de l'Université
de Montréal. Le cardinal Jean-Claude Turcotte, diplômé
de la Faculté de théologie en 1959, a été
retenu parmi quelque 200 000 anciens de l'Université pour
avoir mené une «carrière exceptionnelle»
et contribué à l'avancement de la collectivité
tout en faisant rayonner son alma mater.
L'archevêque de Montréal succède à
Michèle Thibodeau de Guire, Claude Béland et Serge
Saucier, les trois derniers lauréats, mais aussi aux Daniel
Johnson père, Pierre Elliott Trudeau, Antonio Lamer et
feu Robert Bourassa.
«À écouter tant d'hommages, j'ai l'impression
d'assister à mes propres funérailles», a dit
le 30e lauréat en recevant sa décoration. Faisant
rire à plusieurs reprises l'auditoire réuni pour
un souper gastronomique le 1er mai dernier dans le hall d'honneur,
Mgr Turcotte a indiqué qu'il avait vécu une vie
«bien ordinaire». Mais s'il y a une chose dont il
est fier, c'est d'avoir terminé des études universitaires.
«Ça, c'est quelque chose.»
Plus de 38 ans plus tard, il est toujours impressionné
devant l'exploit que constitue l'obtention d'un doctorat. «Chaque
année, j'assiste à la collation des grades à
l'Université de Montréal à titre de modérateur
des facultés ecclésiastiques et je me sens petit
devant les travaux que les diplômés ont rédigés.
Je n'en comprends même pas les titres.»
«L'esprit de service»
Pourtant, ces savants docteurs ont eu de la chance, selon lui.
«85 % de chance et 15 % d'efforts», estime-t-il. Ils
ont eu la chance de posséder les qualités intellectuelles
pour y arriver; la chance d'avoir connu des maîtres qui
leur ont donné le goût d'apprendre; la chance de
grandir dans un pays où les études universitaires
sont possibles. Même si les étudiants terminent leurs
années d'études dans une relative pauvreté,
ils doivent garder en tête «l'esprit de service»
qui consiste à rendre à la société
une partie de ce qu'ils ont reçu.
Ce prince de l'Église nouveau genre - il est l'un des plus
jeunes cardinaux du monde - accepte les invitations à la
télévision, où il badine volontiers avec
Patrice Lécuyer ou Jean-Luc Mongrain. Mais ces tribunes
ne visent qu'à poursuivre la mission qu'il s'est donnée:
«Servir le Seigneur dans la joie». Telle est sa devise.
Selon Roger D. Landry, éditeur de La Presse, Mgr Turcotte
a «rapproché l'Église des gens et les gens
de l'Église». Interviewé par le secrétaire
général de l'Association des diplômés,
Michel Saint-Laurent, dans le cadre d'un vidéo produit
par les Services audiovisuels, M. Landry ajoute qu'il est «un
homme rafraîchissant qui n'a jamais perdu son dynamisme
exceptionnel».
Dans le même vidéo, on apprend que le cardinal a
la passion des... romans policiers. «Il dévore les
romans de Simenon», révèle son frère.
D'autres personnalités qui l'ont côtoyé (Ronald
Corey, Serge Saucier et son collègue de l'archevêché
Jean-Pierre Duchesne, notamment) louent sa grande simplicité
et sa bonne humeur.
Le Saint-Siège ou le fauteuil de Mario Tremblay?
Évoquant un sujet d'actualité, aussi enraciné
dans le Québec profond que l'Église, le président
de l'Association des diplômés, Pierre Pugliese, a
invité le cardinal à faire valoir ses qualités
de rassembleur et de motivateur pour un autre poste difficile
si jamais la papauté ne l'intéresse pas: entraîneur
du Canadien de Montréal.
Le recteur René Simard a repris l'idée au moment
de prononcer son allocution. «Si Jean-Claude Turcotte accepte
de devenir entraîneur du Canadien, j'effectue un retour
au jeu à la défense. Avec nos toges et nos mortiers,
nous allons faire peur aux journalistes.»
Plus sérieusement, le recteur a profité de la présence
des 117 convives, dont plusieurs issus de la communauté
des affaires, pour donner quelques chiffres sur la productivité
de l'Université de Montréal. Malgré les compressions
qu'elle subit depuis quelques années, elle arrive au deuxième
rang au Canada au chapitre des fonds de recherche obtenus par
ses professeurs et chercheurs (180 millions de dollars), tout
juste après l'Université de Toronto.
«L'Université de Montréal, c'est 7000 emplois,
500 millions de budget; quelque 75 centres et groupes de recherche
intra- et interuniversitaires, 32 chaires industrielles, bientôt
33. Selon le magazine Maclean's, l'Université de Montréal
arrive au deuxième rang au Canada quant au nombre de distinctions
accordées aux professeurs. L'an dernier, cinq des huit
prix du Québec étaient attribués à
des professeurs d'ici. C'était presque gênant.»
«Vous avez toutes les raisons d'être fier de votre
alma mater», a dit M. Simard.
Mathieu-Robert Sauvé