Arbre solitaire est le titre d'une toile du poète Hector
de Saint-Denys Garneau (1912-1943) accrochée en permanence,
désormais, dans les locaux du Centre d'études québécoises
(CETUQ). «Oui, Saint-Denys Garneau peignait, dit Pierre
Nepveu, directeur du CETUQ. Ce n'est peut-être pas un grand
peintre méconnu qui sera révélé un
jour au public, mais c'était assurément plus qu'un
peintre du dimanche.»
Longtemps confinée dans la famille, qui se réservait
les toiles de son célèbre aïeul, la production
artistique de Saint-Denys Garneau connaît un certain rayonnement
depuis quelques années grâce à un petit-cousin
de l'écrivain, Yves La Roque de Roquebrune. Celui-ci a
organisé des expositions et multiplié les conférences
sur le paysagiste de Portneuf, ce qui a fait monter la valeur
des toiles. C'est lui qui, en hommage aux chercheurs du Département
d'études françaises, a fait don du tableau, évalué
à 5000 $.
En plus de sa valeur matérielle et artistique, Arbre solitaire
vient en quelque sorte mettre une image sur des recherches menées
depuis plusieurs décennies par des professeurs de l'Université
de Montréal. Les Gilles Marcotte, Jacques Brault, Jean
Larose et François Hébert ont créé
une véritable tradition de recherche sur Saint-Denys Garneau.
Ce tableau revêt même un intérêt scientifique
pour les études littéraires. «La réflexion
sur la peinture et sur les paysages en art visuel fait partie
de l'oeuvre de Saint-Denys Garneau», explique M. Nepveu,
qui a lui-même organisé un colloque sur l'écrivain
en 1993.
Le tableau a été accroché dans les locaux
du CETUQ près d'une oeuvre d'un autre poète-peintre,
bien vivant celui-là, Roland Giguère. À la
suite d'une rencontre en 1980, ce dernier a offert à l'Université
de Montréal une de ses gravures intitulée Lectures.
Le directeur du CETUQ invite les amateurs d'art à passer
au local C-8041 du Pavillon 3150 Jean-Brillant pour apprécier
avec leurs yeux les deux oeuvres.
Les autres peuvent aller à la librairie ou à la
bibliothèque du coin. La poésie, c'est d'abord fait
pour être lu...
Hommage à un critique littéraire
Professeur à
l'Université de Montréal jusqu'à sa mort,
en 1994, Georges-André Vachon a contribué à
faire entrer les écrivains québécois dans
le cercle des auteurs sérieux, étudiés par
les universitaires. Il était, selon Lise Gauvin, professeure
au Département d'études françaises, et Patrick
Tremblay, étudiant au doctorat, «l'exemple par excellence
d'un esprit libre, passant de la poésie à l'argumentation
savante, de la traduction à l'écriture romanesque,
tout en gardant comme axe central l'essai». Les deux admirateurs
de M. Vachon ont réuni quelques-uns de ses principaux textes
dans un livre qui vient de paraître chez Boréal:
Une tradition à inventer.
Selon le professeur disparu, la tradition littéraire canadienne-française
était aussi impénétrable dans les années
1960 que l'identité québécoise elle-même.
Pourtant, «entre Paris, Londres, New York et Montréal,
les échanges sont maintenant quotidiens, et nous possédons,
surtout depuis la Seconde Guerre mondiale, une littérature
qui s'impose par la qualité et la quantité des oeuvres.»
La «tradition» était donc à inventer,
d'où le titre de l'ouvrage paru dans la collection Papiers
collés, consacrée aux études littéraires.
Bourses et colloques
Nicolas Ancion, étudiant belge, a reçu une bourse
de 5000 $ pour venir terminer son doctorat durant un stage de
quatre mois au CETUQ. À ceux qui trouvent étrange
qu'un Belge consacre une thèse à la littérature
québécoise, Pierre Nepveu répond que les
précédents lauréats étaient italien,
néo-zélandais et indien...
«Dans le secteur "littérature francophone"
des universités, la littérature québécoise
figure parmi les plus importantes hors de France. On l'étudie
aux quatre coins du monde», dit-il.
Une autre bourse, accordée à un étudiant
des cycles supérieurs de l'U de M, a été
remise à Marie-Andrée Brault, qui étudie
le théâtre expérimental à Montréal.
Par ailleurs, le huitième cahier de recherche du CETUQ
vient de paraître. Il s'agit d'une bibliographie commentée
sur les écrits concernant le Québec multiculturel
et elle s'intitule Le Québec entre les cultures. Ce travail
de Luc Bonenfant et François Théorêt rassemble
une centaine de titres (livres et articles scientifiques).
Ce sujet rejoint le thème du prochain colloque du Centre
qui aura lieu les 24 et 25 avril prochain: le Québec anglais,
littérature et culture. On s'interrogera sur l'état
de la culture anglo-saxonne dans le Québec actuel en allant
au-delà des sempiternelles querelles Alliance-Québec-société
Saint-Jean-Baptiste.
Bref, une grosse année pour le CETUQ.
Mathieu-Robert Sauvé