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Santé et services sociaux:
gestionnaires dépassés par les événements

Claude Larivière analyse les comportements de 400 cadres.

Une forte proportion de gestionnaires des organismes de santé et de services sociaux sont mal à l'aise quand ils doivent régler des conflits et assurer les changements à l'intérieur de leur établissement. Cela affecte leur motivation et, ultimement, nuit à la qualité des services. Mais plus on monte dans la hiérarchie, plus on croit que les changements exigés par la période difficile que nous connaissons sont, malgré tout, bien gérés.

Voilà l'un des constats de Claude Larivière, professeur à l'École de service social, à l'issue d'une recherche menée auprès de plus de 450 cadres du réseau de la santé et des services sociaux de la région des Basses-Laurentides. «Au moyen de questionnaires anonymes, nous avons pu évaluer les attitudes des gestionnaires. Parmi les éléments qui ressortent, 64 % des répondants ont affirmé avoir des problèmes à gérer les conflits.»

On a voulu en savoir le plus possible sur ces gestionnaires de 27 établissements. On a sondé leur personnalité (sont-ils introvertis, extravertis? comment se perçoivent-ils? comment gèrent-ils l'information? etc.), leurs habiletés de gestion (sont-ils proches de leurs subordonnés? délèguent-ils bien leurs pouvoirs? cherchent-ils de nouvelles approches pour régler des problèmes? etc.) et enfin leurs perceptions des styles de gestion de l'organisation. Les répondants avaient quatre choix de réponses pour ce dernier volet, du style le plus innovateur au plus traditionnel.

Le questionnaire posait aussi des «questions ouvertes». Par exemple: «Avez-vous le sentiment que votre poste actuel utilise bien vos habiletés?» Elles ont donné lieu à des réponses éloquentes. Plusieurs cadres ont mentionné que l'établissement qui les emploie utilise mal leurs habiletés. Parmi les motifs invoqués: les compressions et leurs répercussions, le climat de concurrence entre les gestionnaires, le style de gestion. Une infirmière déclare: «Les rôles administratifs prennent le dessus sur les rôles cliniques. Ceux-ci sont de moins en moins valorisés.»

À la question «Croyez-vous qu'il sera possible de maintenir ou d'améliorer les services à la clientèle?», près du quart des répondants (24 %) croient que non. Quelque 19 % répondent «oui», mais les plus nombreux (39 %), en bons administrateurs, répondent «oui mais...».

Une expérience université-secteur public

Selon M. Larivière, qui a lui-même été gestionnaire dans la région des Basses-Laurentides (il a été directeur d'un CLSC à Saint-Eustache durant quelques années), cette étude sur les gestionnaires s'imposait afin de mieux comprendre comment intervenir auprès d'eux. Ce n'est pas une étude de grande envergure, estime-t-il, mais elle est très remarquée dans le milieu, car de telles enquêtes sont rares.

À son avis, on doit prêter attention à la gestion des organismes publics, car les changements dans le réseau de la santé sont loin d'être terminés. D'ici peu, de 25 % à 30 % des gestionnaires prendront leur retraite et à peine un sur deux sera remplacé. Cela influencera les «survivants» autant que les nouveaux venus puisque tous devront assumer des tâches plus lourdes, plus complexes que par le passé.

L'université doit donc répondre aux besoins de formation mais également de recyclage qui se feront sentir au cours des prochaines années chez ces gestionnaires.

«Les équipes se transforment, explique Claude Larivière, ainsi que la façon de prendre des décisions. Autrefois, les infirmières étaient dirigées par une infirmière, les médecins par un médecin, etc. C'était un mode de décision vertical compliqué et long. De plus en plus, les décisions se prennent en réseau, avec une approche multidisciplinaire. C'est la tendance qui se dessine par le virage ambulatoire. Mais les gestionnaires en place n'ont pas été formés pour ça. Ils devront donc penser à se recycler.»

La Faculté de l'éducation permanente offre déjà des certificats de perfectionnement destinés aux personnes en situation d'emploi tandis que le diplôme d'études supérieures spécialisées en administration sociale, conjointement offert avec le Département d'administration de la santé, l'École de criminologie, l'École de psycho-éducation, le Département de psychologie et l'École de service social, constitue une formation de deuxième cycle.

Naît-on gestionnaire? C'est un vieux débat. Mais certainement, en ces années de turbulence, la formation universitaire peut aider à traverser la tempête.

Mathieu-Robert Sauvé


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