Finis les recueils photocopiés
à quatre cents la page. Désormais, le coût
des photocopies réalisées à des fins didactiques
dans les universités comprendra un montant qui sera acheminé
aux auteurs par l'intermédiaire de l'Union des écrivaines
et des écrivains québécois (UNEQ). «Nous
ne pouvions plus continuer à traiter aussi mal nos auteurs
tout en contrevenant à la loi», souligne Me Francine
Verrier, directrice du Bureau des affaires juridiques de l'Université
de Montréal.
Me Verrier et deux autres représentants universitaires
ont négocié une convention entre l'UNEQ et la Conférence
des recteurs et des principaux des universités du Québec
(CREPUQ).
Cette entente touchera l'Université de Montréal
de deux façons: les auteurs (soit la plupart des professeurs)
recevront un montant supplémentaire et les étudiants
qui utilisent des textes visés par la nouvelle politique
devront payer plus cher. Au Service de polycopie, où l'on
a photocopié l'an dernier 6,2 millions de pages à
un coût moyen inférieur à quatre cents la
page, on s'attend à une réorganisation majeure et
à une hausse sensible des prix. Selon Réjean Duval,
directeur des Services auxiliaires, l'augmentation des prix ne
sera pas inférieure à 1 cent la page, mais pourrait
atteindre 3,5 cents, ce qui doublerait le coût d'une photocopie.
Mais les modalités exactes ne sont pas encore connues.
En dépit d'une convention expérimentale signée
en 1989, les auteurs québécois recevaient une rétribution
symbolique. Le Québec ne disposait que d'une enveloppe
globale de 147 000 $ pour tout le secteur universitaire. Par comparaison,
l'Ontario versait environ 1 000 000 $. Avec la nouvelle entente,
le montant des droits qui seront redistribués sera de 120
000 $ à l'Université de Montréal seulement,
soit 4,60 $ par étudiant (équivalent à temps
plein).
La facture aux usagers
Ce sont les usagers,
donc les étudiants, qui risquent de payer la facture. «Le
statu quo ne pouvait être maintenu indéfiniment»,
dit Me Verrier. La seule solution consistait à interdire
la photocopie de documents publiés, une pratique qui contrevient
formellement à la Loi sur le droit d'auteur. De toute façon,
le coût des droits versés demeure bien en deçà
de celui des livres neufs.
«La première convention n'avait réglé
qu'une partie du problème, signale l'avocate. Quand nous
avons fait le bilan, nous avons constaté que beaucoup de
photocopies échappaient au contrôle à cause
du grand nombre de centres de reprographie. La nouvelle convention
évite ce danger.»
La procédure a été allégée.
La convention permet de reproduire 25 pages (ou 10 %) d'un livre,
un article intégral de journal ou de revue, ou un chapitre
complet d'un livre n'excédant pas 20 % de l'ouvrage. Cette
limite minimale peut être dépassée, mais à
condition d'obtenir l'autorisation écrite de l'UNEQ.
Des relevés précis du nombre de photocopies effectuées
devront être envoyés à l'UNEQ. La table des
matières du recueil ou une liste des ouvrages qui auront
été reproduits dans le cadre des cours suffiront.
Désormais, les professeurs seront donc obligés de
s'adresser à un centre «agréé»
de reprographie. Cette mesure vise à contrôler de
façon précise le nombre de copies effectuées
et à répertorier les auteurs afin de calculer et
d'acheminer leur dû.
Le processus d'implantation
Les représentants des universités québécoises
en sont actuellement à l'étape de l'agrément
des centres. On sait qu'une ribambelle de petits commerces ont
ouvert leurs portes autour des campus depuis quelques années,
en affichant des prix toujours plus bas. Certaines associations
étudiantes ont aussi pris l'affaire en main afin de réduire
les prix. Il faut maintenant choisir quels centres seront agréés,
ce qui n'est pas une mince affaire.
«L'esprit de cette convention est le partenariat, la coopération,
la collaboration», insiste Me Verrier. Mais les centres
qui ne se conformeraient pas à la loi pourraient encourir
une amende ou même être poursuivis.
Même si les étudiants paieront le prix de cette entente,
ils admettent que la situation devait être corrigée.
Par ailleurs, les auteurs et éditeurs ont voulu avoir l'assurance
que les sommes recueillies ne seraient pas utilisées à
d'autres fins que pour leurs droits.
Bien que la convention soit signée depuis décembre
dernier et appliquée, en principe, depuis le début
de l'année, le Québec se donne encore quelques mois
de transition. On espère que tout sera en place au trimestre
d'automne 1997. À noter: cette convention ne concerne pas
l'édition électronique.
En vertu d'ententes de réciprocité, les auteurs
étrangers seront rétribués tout comme les
auteurs québécois perçoivent des droits quand
leurs oeuvres sont reproduites à l'étranger.
Mathieu-Robert Sauvé