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Qu'est-ce que Dieu?

«Un esprit infiniment parfait», nous révèle une exposition sur les manuels scolaires anciens.

Le Musée de l'éducation Louis-Philippe-Audet présente, jusqu'au 4 avril, une exposition sur les manuels scolaires anciens du Québec. Une quarantaine de livres anciens, dont certains remontent à 1878, provenant des archives des Clercs de Saint-Viateur, sont présentés avec quelques notes explicatives.

«L'événement vise à donner une perspective historique à la pédagogie au Québec et à faire connaître ces collections anciennes», explique Marcel Boisvert, responsable de ce musée de la Faculté des sciences de l'éducation. «L'exposition s'adresse non seulement aux étudiants qui se destinent à l'enseignement mais aussi aux professeurs de tous les niveaux qui pourront y trouver matière à réflexion et probablement à discussion...»

L'initiative de cette exposition revient à Daniel Bertrand, qui en a eu l'idée dans le cadre d'un travail de maîtrise en didactique dirigé par Marcel Boisvert. Même si sa maîtrise porte sur l'édition scolaire actuelle, l'étudiant a réussi à réunir deux domaines qui l'intéressent: «J'ai une formation en histoire de l'art et une exposition sur les manuels scolaires anciens était une façon intéressante de pratiquer la muséologie», dit-il. Il voulait également souligner de cette façon le 150e anniversaire de l'arrivée au Québec des Clercs de Saint-Viateur. Les pièces exposées ont été sélectionnées avec la collaboration de Robert Hémond, responsable du Service des archives des Clercs.

L'exposition nous apprend entre autres que les concepteurs de manuels scolaires appartenant à des communautés religieuses avaient l'esprit communautaire et ne signaient pas leurs ouvrages. Plusieurs des volumes exposés sont signés C.S. Viator, ce qui ne trompera personne.

D'autres portent la signature de E. Robert, un pseudonyme qui ne signifie rien de particulier, selon Daniel Bertrand. Cette signature se retrouve notamment sur les manuels de français dont la Nouvelle Grammaire française complète, de 1878, vendue au prix de «30 sous».

On découvre également que les problèmes de l'enseignement des sciences ne datent pas d'hier. La préface d'un manuel d'arithmétique de 1884 souligne les lacunes d'un enseignement trop porté sur le par coeur.

Bingo!

L'emprise de l'Église sur l'école à cette époque ne saurait être passée sous silence. Daniel Bertrand souligne que la religion se retrouvait dans toutes les matières. À preuve, ce manuel de géographie de 1888 qui propose, comme exercice pratique, de «montrer les provinces où les catholiques sont en majorité».

On retrouve d'ailleurs, dans la quarantaine d'objets exposés, une quinzaine de cathéchismes et de manuels d'histoire sainte. Le clou de l'exposition appartient du reste à cette catégorie: le bingo catéchistique! Les Clercs ont en effet produit cinq variantes d'un jeu-questionnaire portant sur les sacrements, la messe, la prière, les commandements et les vérités à croire.

Au lieu de donner des chiffres comme au bingo, le meneur de jeu pose des questions relatives à ces thèmes et l'élève qui a la carte avec la bonne réponse place un carton sur la case. Le haut des cartes de jeu porte l'inscription «Instruisons-nous joyeusement».

Certaines questions sont délicieuses et nous font presque regretter l'époque où tout était simple: à la question «Qui a créé le monde?», la bonne réponse était «Dieu»; et «Qu'est-ce que Dieu?», «un esprit infiniment parfait».

Le concepteur n'était sûrement pas le même que l'auteur de la grammaire: à la question «Combien de péchés mortels pour mériter l'enfer?», où l'on recourt au pluriel, la bonne réponse était «Un». Comme au vrai bingo, la case du centre est gratuite...

Ces jeux nous montrent aussi que le jargon que l'on reproche souvent aux sciences de l'éducation n'est pas lui non plus récent. On peut lire dans le guide d'accompagnement de ces jeux datant de 1944 que «le jeu éveille chez [les élèves] un intérêt empirique qui provoque l'intérêt spéculatif».

Et plus ça change, plus c'est pareil. On me dit que les élèves jouent maintenant aux mots mystères dans les cours de catéchèse, alors que le bingo s'est déplacé dans les sous-sols d'églises.

Daniel Baril

Manuel scolaires anciens du Québec,
Musée de l'éducation Louis-Philippe-Audet, rotonde du 3e étage (entrée du 1575, boulevard Mont-Royal) du Pavillon Marie-Victorin, jusqu'au 4 avril.


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