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Histoire d'une découverte archéologique

L'équipe de Jacques Perreault a mis au jour une pièce prouvant
que son site est bien celui d'Argilos.

L'agence Athens News annonçait, le 13 janvier dernier, la découverte de l'ancienne cité d'Argilos par une équipe d'archéologues grecs et canadiens. Il aura ainsi fallu près de deux ans et demi pour qu'une nouvelle annoncée par Forum se rende en Grèce et soit reprise par les médias d'ici!

Forum faisait en effet état, en novembre 1995, des recherches de Jacques Perreault, directeur du Centre d'études classiques, qui avait entrepris depuis déjà trois ans des fouilles sur un site soupçonné d'être l'emplacement d'Argilos1.

On connaissait l'existence de cette ville fondée vers l'an 655 avant notre ère, notamment par les écrits de l'historien grec Hérodote (-484 à -425) et par les archives d'Athènes. «Hérodote raconte que la première ville que les Perses ont rencontrée après le passage du fleuve Strymon lorsqu'ils ont envahi la Grèce est Argilos», relate Jacques Perreault.

Le fleuve Strymon, aujourd'hui Struma, délimitait le territoire de la Macédoine et de la Thrace. Le site qui fait l'objet des fouilles est situé à quatre kilomètres à l'ouest de ce cours d'eau, sur un monticule qui borde la rive nord de la mer Égée.

À la recherche des Thraces

Le professeur Perreault a été amené sur ce site alors qu'il était directeur du Service canadien d'archéologie en Grèce. «Je m'intéressait aux relations entre les Grecs et les non-Grecs de l'Antiquité, précise-t-il. J'étais à la recherche d'un site thrace pour effectuer des fouilles sur ces relations et c'est ainsi que j'ai été amené à Argilos.»

Le site était identifié et protégé mais n'avait jamais fait l'objet de fouilles. «On pouvait trouver même en surface des tessons de poterie datant du 5e et du 6e siècle avant notre ère, ce qui est extrêmement rare, affirme le chercheur. Puisque des pièces de cette époque étaient en surface, il nous apparaissait facile d'atteindre les niveaux les plus anciens.»

Un incident malheureux a également fourni des indices précieux sur la richesse du site. «Un agriculteur avait passé son bulldozer sur une partie de la colline pour se faire un chemin! Il a ainsi effectué une coupe stratigraphique et déterré un bout de mur de maison ainsi qu'un bout de rue.»

Depuis cinq ans, Jacques Perreault codirige donc, avec Zisis Bonias du ministère grec de la Culture, les fouilles de ce site. Des chercheurs de l'Université Laval, de France et d'Amsterdam viennent également participer aux recherches auxquelles prennent part une soixantaine d'étudiants. Chaque année, une quinzaine d'étudiants de l'U de M sont du nombre.

Retour de terrain

L'une des adjointes de M. Perreault, Lucie-Catherine Ouimet, étudiante à la maîtrise au Centre d'études classiques, présentait récemment, en compagnie de trois collègues du Département d'anthropologie - Valérie Desgroseilliers, Charlotte Uzu et Violaine Debailleul -, un exposé sur leur expérience et sur les méthodes de fouilles archéologiques.

L'équipe dont elles faisaient partie l'été dernier a exploré pour la première fois l'acropole d'Argilos, les fouilles antérieures s'étant limitées à une section du bas de la colline. Sur le sommet, les recherches ont permis de mettre au jour un immense édifice de 14 mètres de côté dont les murs extérieurs sont recouverts de stuc. «Le stuc rehaussait l'apparence du bâtiment qui pouvait être une maison de riche ou un temple, souligne Lucie-Catherine Ouimet. L'intérieur n'a pas encore été exploré et cela fera partie du travail de la prochaine expédition.»

Ces fouilles ont également montré que, malgré la destruction dont Argilos a été victime en l'an -350, l'acropole a continué d'être habitée puisqu'on y découvre des ruines datant de l'époque hellénique, soit du 3e et du 2e siècle avant notre ère.

Mais le trophée déterré par les équipes de l'été dernier est un fragment de plat d'argile qui, aux yeux du profane, est d'apparence banale. Ce qui le distingue des milliers d'artefacts mis au jour jusqu'à maintenant, ce sont quelques lettres qui en disent long aux archéologues. On peut en effet observer, gravées dans la poterie, les lettres EN suivies de ARKIL et d'une partie de la lettre O: ARKILOS!

«Les vases qui faisaient l'objet d'une fonction particulière, comme les plats utilisés pour les offrandes, étaient signés par les artisans, explique Jacques Perreault. À la suite de leur nom était inscrit le verbe EPOIESEN, qui signifie "a fabriqué", suivi du nom de la ville. Les lettres EN qui figurent sur le fragment sont la terminaison de EPOIESEN. On se doutait qu'il s'agissait d'Argilos, nous en avons maintenant la preuve.»

Les objectifs que poursuit maintenant le chercheur sont de percer les mystères de l'origine et de la raison d'être de cette ville, qui possédait un port de mer (des photos aériennes nous en dévoilent les vestiges sous les eaux bleues), de connaître les rapports qu'elle entretenait avec les autres cités et de comprendre pourquoi elle a cessé d'exister.


Daniel Baril

1. Mathieu-Robert Sauvé, «Jacques Perreault exhume une ville vieille de 2500 ans», Forum, 14 novembre 1995.


Pour les archéologues en herbe

Comme par les années passées, le Centre d'études classiques organise cette année une expédition de fouilles archéologiques sur le site d'Argilos. Une quinzaine d'étudiants peuvent s'inscrire à ce stage de six crédits qui se déroulera du 2 au 27 juin prochain. Le groupe sera divisé en deux équipes qui travailleront sur le site de la basse ville et celui de l'acropole.

Ceux qui penseraient se faire créditer des vacances devront changer d'idée. «Le travail sur le terrain commence à six heures du matin et se termine à deux heures, souligne Charlotte Uzu. Après une période d'activités libres, on reprend le travail à cinq heures pour nettoyer et classer le matériel ramassé. Et la semaine dure parfois six jours. Il faut aussi produire un rapport de fouilles pour le mois de novembre.»

Certains préalables sont nécessaires, soit un cours de méthode de recherches archéologiques ou une expérience de terrain. «Le stage s'adresse en priorité aux étudiants en études classiques mais nous en acceptons également d'autres disciplines», souligne Jacques Perreault.

Les participants doivent en outre payer le billet d'avion (800 $), une partie de leurs frais de séjour (500 $) ainsi que l'inscription au stage (61 $ par crédit).

Pour plus d'information, on peut communiquer avec le Centre d'études classiques au 343-5702.


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