Le Département
de science politique vient de rendre accessible à toute
la communauté universitaire sa banque de vidéos
politiques en créant un club vidéo auquel tous peuvent
adhérer.
Cette heureuse initiative plaira à la fois aux amateurs
de cinéma politique, aux étudiants à la recherche
d'informations documentaires et aux simples cinéphiles
puisque les quelque 185 titres présentement disponibles
couvrent une grande variété de genres, allant de
la fiction au documentaire en passant par l'essai et le film engagé.
Les critères de sélection des titres se veulent
assez larges. «Nous retenons tout vidéo qui touche
de près ou de loin à la vie politique, signale le
professeur Michel Duquette, responsable de ce projet. Les documents
peuvent concerner les institutions, l'économie, les études
stratégiques, les guerres et confrontations, les paradigmes
tels que socialisme, capitalisme ou terrorisme, les biographies
documentaires ou romancées de présidents, leaders
de partis ou autres personnalités célèbres.
Nous retenons également les oeuvres de fiction qui ont
comme contexte ou au centre de leur intrigue des événements
politiques.»
C'est ainsi que l'on retrouvera des films comme Missing de Costa
Gavras, la Liste de Schindler de Stephen Spielberg, 1984 de Michael
Radford, Érythrée d'Yvan Patry, Modern Times de
Charlie Chaplin, JFK d'Oliver Stone ou La conquête de l'Amérique
d'Arthur Lamothe.
Parmi d'autres titres que vous êtes assuré de ne
pas dénicher au club vidéo de votre quartier, on
remarque Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents
communistes de Jean-Jacques Zilbermann, Bam Pay A! Rends-moi mon
pays! de Tahani Rached, la série La bravoure et le mépris
de Brian McKenna, Élections Canada à l'oeuvre de
l'ONF ou, si vous préférez, Les dernières
heures de Jacques Parizeau produit par TVA.
Il est par ailleurs plus étonnant de découvrir des
titres comme Appolo 13 de Francis Coppola, L'insoutenable légèreté
de l'être de Philipp Kaiffman ou The Last Temptation of
Christ de Martin Scorcese.
C'est à Frédéric Bertrand, étudiant
au baccalauréat au Département et membre actif du
club, que l'on doit la sélection des films et l'organisation
concrète du club. Il a été secondé
par Renée Leclerc, documentaliste au Service de recherche
et de documentation du Département de science politique.
Tous peuvent devenir membre du club pour la modique somme de 10
$, qui donne droit à 10 locations.
Le temps du bouffon
Pour souligner l'ouverture du club, les responsables ont invité
le controversé cinéaste Pierre Falardeau à
présenter ses réflexions sur le cinéma engagé.
«Vous n'avez pas invité la bonne personne»,
a-t-il d'emblée déclaré. Il leur a plutôt
suggéré Joan Fraser, du Conseil pour l'unité
canadienne, ou la famille Bronfman, qui finance les Minutes du
patrimoine. «Ça, c'est du cinéma politique!»
Inversant les concepts traditionnels, il a souligné avec
ironie que les réalisations de Walt Disney, présentant
des parades de Mickey et Donald Duck suivis de l'aigle et du drapeau
américains, constituaient le véritable cinéma
engagé puisqu'elles faisaient la promotion des valeurs
dominantes de la société américaine.
«Quand on veut faire des films politiques, a-t-il poursuivi,
on ne peut pas parce qu'ils n'en veulent pas. Ils préfèrent
qu'on fasse des films de farces plates.» «Ils»,
ce sont les décideurs de la Société de développement
des entreprises culturelles du Québec (SODEC) et de Téléfilm
Canada.
Pourfendant les règles en vigueur dans ce milieu tout autant
que ceux qui les appliquent, le réalisateur d'Elvis Gratton
a déclaré que «les intellectuels québécois
vivent dans une néocolonie où ils apprennent ce
dont il ne faut pas parler. Il est fascinant de voir comment on
parle de rien. Nous n'avons jamais parlé de colonialisme
dans notre cinéma ou dans notre littérature»,
a-t-il soutenu, parfaitement convaincu de ce qu'il avançait.
«Si vous voulez parler de la Conquête, vous êtes
mieux de proposer des choses comme Marguerite Volant, une série
réalisée par des gens insipides qui faisaient de
la pub pour McDonald's. La Conquête a fait 10 000 morts,
un septième de la population, et brûlé les
deux rives du Saint-Laurent, sacrament! Ils en font un film d'amour!»
Du même souffle, il n'a pas hésité à
soutenir que «le contrôle de la pensée est
le même ici qu'en URSS», tout en ajoutant plus tard
qu'en Union soviétique il aurait probablement été
enfermé dans un camp.
Pierre Falardeau, qui a dû se battre pendant plusieurs années
pour obtenir le financement de son film Octobre, n'a pas que des
amis dans le milieu et il ne cherche manifestement pas à
s'en faire.
Le cinéaste iconoclaste nous a par ailleurs appris que
l'idée de réaliser Le temps des bouffons lui est
venue en voyant comment les partisans de Khomeyni faisaient circuler
des vidéos clandestins. Il s'agit d'un pamphlet sur la
classe politique et économique canadienne où le
commentaire tenant lieu d'analyse se résume à «des
bourgeois plein de marde d'aujourd'hui qui se déguisent
en bourgeois plein de marde d'autrefois».
L'aspect clandestin de ce film est une invention des médias.
«Je suis entré au Beaver Club avec ma caméra,
comme les journalistes de Radio-Canada, a-t-il expliqué.
Ils ont les mêmes images que moi, seul le commentaire est
différent...» Les copies qu'il a lui-même fait
circuler dans les médias portaient sa signature.
Les responsables du club vidéo ont invité Pierre
Falardeau «parce qu'il a des idées et qu'il ne les
cache pas, a indiqué Michel Duquette. Même si les
propos sont crus, il est rafraîchissant.»
Daniel Baril