La Faculté des
arts et des sciences a dû se résigner. Devant la
diminution du nombre de professeurs imposée par les compressions
budgétaires, elle n'avait plus d'autre choix que d'envisager
la fusion ou même la fermeture de certaines unités.
En plus d'avoir réduit son personnel non enseignant de
25 %, la Faculté doit retrancher 142 postes de professeurs
sur 723. «Depuis deux ans, explique la doyenne Mireille
Mathieu, nous avons procédé à la révision
des programmes afin de miser sur la collaboration entre les départements
et d'éliminer les redondances. Ceci s'avère insuffisant
si l'on veut maintenir la qualité de l'enseignement et
faire face à la réduction visée du nombre
de professeurs. Il faut donc aménager les structures autrement,
ce qui va jusqu'au retrait de certains domaines d'enseignement.»
Comme on s'y attendait, c'est le Département de géologie
qui est le premier à passer à la guillotine; la
Faculté a déjà pris la décision de
«viser un niveau de ressources zéro d'ici 1998-1999».
Il restera à acheminer une recommandation en ce sens à
diverses instances administratives, dont le Conseil de l'Université.
«Ce n'est pas une punition ni un jugement de valeur sur
la qualité du Département, précise Mme Mathieu.
Mais il y a sept départements de géologie au Québec,
tous à faible clientèle. Compte tenu qu'il n'y aura
pas de renouvellement de professeurs dans ce domaine avant plusieurs
années et compte tenu des possibilités de formation
en géologie déjà offertes en langue française
par l'UQAM, nous avons convenu qu'il valait mieux nous retirer
de ce domaine.»
Cette décision a été prise après diverses
tentatives de restructurer le Département, dont l'essai
d'une structure légère commune avec l'UQAM. «Les
réductions ont été plus grandes que prévu
et cela n'a pas pu fonctionner avec les ressources disponibles»,
affirme la doyenne. Il semble aussi que la collaboration ait fait
défaut.
Mireille Mathieu assure par ailleurs que tout se fera en préservant
les droits de chacun. Dans le cas des professeurs, on compte sur
l'attrition et la réaffectation dans d'autres départements;
déjà 5 des 13 professeurs ont annoncé leur
départ.
Malgré le caractère quasi irréversible de
la décision, la direction de la FAS n'a toutefois pas encore
décidé de suspendre les inscriptions pour septembre
prochain. Quant aux 57 étudiants déjà admis
aux trois cycles, l'Université est tenue de leur accorder
le diplôme qu'ils postulent si telle est leur volonté.
«Tous les moyens seront pris pour assurer aux étudiants
l'obtention de leur diplôme», assure la doyenne. Des
transferts vers d'autres universités sont possibles, mais
il n'y a pas de précédent juridique à une
situation semblable.
Même si elle considère le cas de Géologie
comme un cas exceptionnel et extrême, elle ne peut affirmer
qu'il n'y aura pas d'autres retraits. «S'il y en a d'autres,
ils seront très peu nombreux», déclare-t-elle.
Ailleurs, comme dans le secteur des lettres, on parle de fusion
plutôt que de fermeture. «Nous avons commencé
par partager les ressources de personnel entre les départements
de Littératures et langues modernes, d'Études anglaises
et de Littérature comparée. Ce regroupement évolue
vers une fusion.»
Concertation interuniversitaire
Dans d'autres domaines, la FAS n'a pas attendu les recommandations
du comité de la CRÉPUQ pour amorcer la concertation
interuniversitaire. «Depuis un an, nous maintenons des contacts
avec l'UQAM et McGill pour élaborer des stratégies
de collaboration et de partage des ressources. Avec les doyens
de ces universités, nous faisons le tour des disciplines
pour examiner le type de concertation possible.»
En physique par exemple, l'U de M et l'UQAM ont convenu d'un protocole
selon lequel les mémoires et les thèses pourront
être codirigés par des professeurs des deux universités.
Au premier cycle, certains cours pourraient être donnés
par l'un ou l'autre des deux partenaires.
Dans l'optique de la concertation, Mme Mathieu considère
qu'il est préférable de rechercher des créneaux
complémentaires plutôt que d'abandonner complètement
l'ensemble d'une discipline. Même si toutes les spécialisations
d'une discipline ne sont pas offertes dans chaque université,
chacune a intérêt à en conserver un secteur
de par l'interaction des disciplines entre elles. Ceci n'a toutefois
pu être possible en géologie à cause du trop
faible bassin de clientèle.
Autres règles à respecter: «Il faut, dans
l'ensemble de l'opération, que les deux parties soient
gagnantes, que la qualité de l'enseignement soit accrue
et que cela ne coûte pas plus cher.»
Mme Mathieu juge également souhaitable que les universités
renoncent à ouvrir de nouveaux programmes si des programmes
équivalents existent déjà. «Les universités
devraient s'entendre entre elles pour s'imposer cette norme avant
qu'elle ne soit imposée par d'autres. C'est un aspect sur
lequel devrait se pencher la commission de la CRÉPUQ.»
L'Université de Montréal fait toutefois face à
une difficulté qui lui est propre dans ces négociations.
«Chez nous, poursuit Mireille Mathieu, nos couleurs sont
affichées; le nombre de postes à abolir est connu
de tous. Les départements de la FAS ont même établi
quels étaient leurs créneaux prioritaires en tenant
compte de ce qui existe ailleurs. Dans les autres universités,
on ne fait que commencer à se pencher sur les mesures à
prendre pour faire face aux compressions. Nous ne parlons pas
le même langage.»
Finalement, la doyenne de la FAS souhaite que les collaborations
interuniversitaires dans le domaine de l'enseignement puissent
prendre exemple sur la collaboration dans le domaine de la recherche.
«Le fonds FCAR a suscité le développement
de réseaux interuniversitaires très efficaces en
recherche, réseaux que nous envient les autres provinces.
La même chose devrait être possible pour l'enseignement.»
Quelles que soient les mesures de restructuration mises de l'avant,
conclut Mme Mathieu, «l'opération doit toujours avoir
une signification académique et être stratégique
sur ce plan en proposant des pratiques qui, à terme, seront
peut-être plus satisfaisantes.»
Daniel Baril