Le Centre de recherches
mathématiques (CRM) organisait, les 9, 10 et 11 janvier
derniers, un symposium international en hommage à deux
éminents chercheurs de ce centre: Jiri Patera et Pavel
Winternitz.
Dans leur discours d'ouverture, Luc Vinet et Yvan Saint-Aubin,
respectivement directeur et directeur adjoint du CRM, ont tenu
à souligner l'apport inestimable de ces deux professeurs
dans le développement du Centre et même dans le rayonnement
de Montréal sur la scène scientifique internationale.
«Il est rare que des chercheurs fassent l'objet d'un symposium,
mais ceci est tout à fait justifié dans le cas de
Jiri Patera et de Pavel Winternitz», a souligné le
directeur.
Les deux chercheurs, spécialistes de la physique mathématique,
sont au coeur de plusieurs travaux clés portant sur l'application
des méthodes de la théorie des groupes en physique.
«Il s'agit des méthodes mathématiques adaptées
à la description des symétries de la nature, une
notion centrale en physique moderne et dans bien d'autres disciplines,
explique Luc Vinet. On entend par "opération de symétrie"
une transformation qui laisse invariantes les propriétés
physiques du système étudié. Dans le cas,
par exemple, d'un corps sphérique dont les propriétés
sont indentiques dans toutes les directions, les rotations autour
de son centre seront des symétries. La connaissance des
symétries d'un système s'avère très
importante pour comprendre et analyser la dynamique en cause et
les dernières décennies nous ont révélé
que ces symétries pouvaient se manifester de manière
très subtile.»
Un congrès scientifique a lieu tous les deux ans sur les
méthodes de la théorie des groupes en physique et
les professeurs Patera et Winternitz ont donné une envergure
internationale à ce congrès en le faisant venir
à Montréal en 1976. Jusque-là, seules les
villes de Marseille et de Nijmegen (Pays-Bas) en avaient été
l'hôte; depuis, le congrès a été organisé
dans 12 pays.
Plus spécifiquement, Pavel Winternitz travaille sur les
systèmes intégrables décrits par des équations
non linéaires. Ces systèmes, qui admettent des ondes
solitaires (ou solitons), ont des applications pratiques dans
de nombreux domaines, notamment dans la propagation de signaux
dans les fibres optiques, dans la fusion en physique des plasmas,
etc.
Jiri Patera s'intéresse pour sa part à une forme
récemment découverte de la matière, celle
des quasi-cristaux, qui présentent une symétrie
non cristalline. La symétrie icosaédrale des molécules
de fullerène, dont la découverte du premier échantillon
a valu à ses découvreurs le prix Nobel de chimie
1996, est un exemple de ces étranges créations.
Les deux chercheurs sont d'origine tchécoslovaque. Jiri
Patera avait déjà séjourné deux ans
à Montréal, en 1965 et 1966, alors qu'il bénéficiait
de bourses postdoctorales du Conseil national de la recherche.
Il est revenu s'installer ici après l'invasion de son pays
par l'armée soviétique, en 1968. À ce moment,
une équipe composée entre autres de Roger Gaudry,
Maurice L'Abbé, Jacques St-Pierre et André Aisenstadt
travaillait à mettre sur pied, à l'Université
de Montréal, un institut de sciences mathématiques
et de physique théorique qui est devenu le Centre de recherches
mathématiques.
Pavel Winternitz est également un Tchécoslovaque
de la diaspora. À la suite des événements
de 1968, il s'est établi comme chercheur au Laboratoire
de physique des hautes énergies de Rutherford, en Angleterre,
puis comme professeur à l'Université de Pittsburgh.
C'est Jiri Patera qui l'a convaincu de joindre l'équipe
du CRM en 1972.
«Leurs contributions ont valu une réputation internationale
enviable au CRM», estime son directeur. Pas moins de 28
conférenciers ont pris la parole à ce symposium
pour à la fois présenter leurs propres recherches
et signaler l'apport des professeurs Patera et Winternitz à
leurs travaux.
Daniel Baril