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L'excision chez les immigrantes québécoises

Bilkis Vissandjée veut proposer des solutions de rechange.

On estime à 130 millions le nombre de femmes excisées dans le monde. Chaque année, deux millions de fillettes âgées de 4 à 12 ans subissent le même sort.

Cette pratique, particulièrement répandue dans les pays musulmans d'Afrique, a atteint les pays occidentaux. Même s'il existe peu de données sur l'état de la question au Canada, les intervenants sociaux considèrent que l'excision n'est pas rare chez les jeunes filles de familles originaires de pays où cette pratique fait partie de la tradition.

Bilkis Vissandjée, professeure à la Faculté des sciences infirmières, vient d'obtenir une importante subvention de 126 000 $, dans le cadre du Programme national de recherche en développement de la santé de Santé et Bien-être Canada, afin d'étudier la question et d'intervenir auprès des femmes immigrantes du Québec.

Le financement porte sur deux ans et la chercheuse pourra, au cours de la première année, se consacrer entièrement à ce travail grâce à la bourse de recherche Thérèse F.-Casgrain, du CRSH, qui lui permet de se dégager des tâches d'enseignement.

Respecter les valeurs

Mme Vissandjée a déjà travaillé dans les pays musulmans d'Afrique, notamment au Bénin, où elle a participé à des projets visant l'intégration des femmes dans le développement social et économique. Mais c'est ici même, en tant qu'intervenante en santé auprès de femmes immigrantes, au CLSC Côte-des-Neiges, qu'elle a commencé à se préoccuper du problème de l'excision.

«L'objectif de la recherche est de cerner les attitudes, les croyances et les valeurs des jeunes femmes immigrantes relativement à la pratique des mutilations génitales, explique-t-elle. Nous voulons voir s'il y a une solution à la mutilation tout en préservant leurs valeurs. Par exemple, plusieurs pensent à tort que cette pratique est prescrite par l'islam, ce qui est faux.»

Selon Bilkis Vissandjée, l'excision représente pour ces femmes d'abord et avant tout un rite de passage de l'adolescence à l'âge adulte. «Même si la pratique se fait dès l'enfance, les femmes y recourent, dans leur esprit, pour le bien de la fillette et pour la préparer à la vie adulte.»

À son avis, l'approche judiciaire ou celle de la confrontation féministe ne font pas avancer les choses. «Il ne suffit pas de dire que c'est interdit ou criminel puisqu'elles vont le faire lors de voyages en Afrique. On ne peut pas non plus leur imposer notre façon de voir les choses; si nous considérons l'excision comme une mutilation, elles ne la voient pas ainsi. Le discours féministe a donné peu de résultats et il faut explorer avec elles de meilleures façons de préparer leurs jeunes filles à la vie adulte.»

Mme Vissandjée reconnaît par ailleurs le mérite des féministes, notamment de Benoîte Groulx dans Ainsi soient-elles, qui ont sensibilisé l'opinion publique internationale à ce problème.

Tout en permettant de mieux comprendre l'influence de la culture et des croyances sur les mutilations génitales, la recherche permettra de recueillir des données sur la prévalence de cette pratique et sur les risques qu'elle entraîne pour la santé physique et mentale des femmes concernées.

La recherche se fera en partenariat avec les CLSC, les organismes communautaires et les regroupements de femmes. «C'est une recherche de nature qualitative, précise la professeure. Nous rencontrerons les personnes pour discuter avec elles et élaborer, à la lumière de leurs réactions, des solutions de rechange pour outiller les intervenants sociaux.»

Bilkis Vissandjée travaillera également en concertation avec des chercheurs de l'Ontario et de la Colombie-Britannique puisque cette recherche sera menée dans le cadre du développement de cinq centres canadiens d'excellence pour la santé des femmes, dont l'Université de Montréal est le siège pour le Québec avec Mme Vissandjée comme codirectrice.

Daniel Baril


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