Me Louise Viau n'arrive pas les mains vides au sein de cette
commission d'enquête.
Récemment nommée
commissaire à la Commission d'enquête sur la Sûreté
du Québec, qui sera présidée par le juge
Lawrence Poitras, Me Louise Viau, professeure titulaire de droit
pénal à la Faculté de droit, ne craint pas
d'aller au front.
En fait, c'est tout le contraire. Femme de tête, douée
d'une curiosité intellectuelle insatiable, elle saisit
toutes les occasions qui lui sont offertes de relever de nouveaux
défis, car elle y voit un moyen privilégié
d'enrichissement, tant personnel que professionnel.
«Je ne crois pas au professeur restant dans sa tour d'ivoire.
Je suis très engagée dans ma profession. C'est la
seule façon de demeurer en contact avec son milieu. C'est
une antenne. Et cela nourrit mon enseignement», dit-elle
en entrevue exclusive à Forum.
Son curriculum vitae est imposant. À 43 ans, cette mère
de trois enfants est professeure depuis 20 ans (!) à la
Faculté de droit, où elle a abordé plusieurs
matières dont le droit pénal, le droit général,
la preuve et la procédure pénales, le droit de l'enfant,
le droit pénal international et les techniques de plaidoirie.
Elle a cosigné un traité de droit pénal général,
a été conseillère à Justice Canada
et est reconnue pour son engagement dans les dossiers sur l'égalité
des sexes. Elle a d'ailleurs structuré un nouveau cours
de sociologie du droit qui fait une analyse féministe de
la pratique.
Au neuvième étage du Pavillon Maximilien-Caron,
une affiche gommée sur la porte de son bureau rappelle
qu'elle s'est battue pour l'adoption de la Loi sur le contrôle
des armes à feu, mouvement qui a pris naissance à
la suite du drame de Polytechnique.
À la commission Poitras, Mme Viau sera en pays de connaissance.
Présidente pendant quatre ans du comité d'examen
des plaintes à la Sûreté du Québec,
elle a collaboré à la commission Bellemarre, qui
s'est penchée sur les méthodes d'enquêtes
policières. Elle y a mené une analyse juridique
de certains aspects du pouvoir policier au regard de la Charte
canadienne des droits et libertés.
La commission Poitras, on le sait, a pour but de faire enquête
sur le fonctionnement du service des affaires internes de la Sûreté
du Québec. Présidée par l'ancien juge en
chef de la Cour supérieure du Québec, l'honorable
Lawrence Poitras, elle compte, en plus de Me Viau, un autre commissaire:
Me André Perreault, procureur-chef adjoint à la
Cour municipale de Montréal.
Le corps policier a fait l'objet de sévères critiques
depuis plusieurs mois, notamment sur ses méthodes d'enquête,
à la suite de l'affaire Matticks. À la veille du
début des travaux, Mme Viau fait preuve d'une extrême
prudence dans ses commentaires sur le sujet. Elle convient cependant
qu'«il est important que cette commission ait lieu dans
l'intérêt de la société».
Les audiences publiques ne devraient pas débuter avant
février. D'ici là, les trois commissaires doivent
compléter leur équipe de travail, qui fera la collecte
de renseignements pour établir la preuve.
Louise Viau voit dans son mandat l'occasion d'approfondir des
aspects qu'elle connaît moins de la pratique, comme le droit
administratif régissant les commissions d'enquête.
L'importante expérience qu'elle en retirera, que ce soit
sur cet aspect ou sur tout autre, elle souhaite en faire bénéficier
ses étudiants.
En entrevue, la nouvelle commissaire laisse percevoir qu'elle
adore l'enseignement. Pourquoi cette carrière? «Pour
le contact avec les étudiants, dit-elle. Et l'on peut choisir
ce sur quoi on veut travailler dans le cadre de nos recherches.»
Lorsque Lawrence Poitras a accepté la présidence
de la commission, Me Viau lui a laissé savoir qu'elle était
à sa disposition, pas dans le but d'être nommée
commissaire mais dans une perspective plus large. Si on lui avait
offert un mandat d'avocate ou même de recherchiste qu'elle
aurait jugé stimulant, elle l'aurait accepté.
Finalement, elle se retrouve sous les feux de la rampe. Elle définit
sa tâche comme «un mandat très enrichissant».
Son seul regret, le contrat d'exclusivité de services la
tiendra éloignée de l'enseignement et de ses autres
activités professionnelles durant toute la durée
de la commission, soit au moins jusqu'à novembre prochain
et même plus longtemps si le mandat de la commission est
prolongé, comme c'est souvent le cas.
André Duchesne