La survie de l'Université l'emporte sur les intérêts
particuliers.
C'est sans tambour ni trompette mais par une confortable majorité
que l'Assemblée universitaire (AU) a finalement adopté,
le 25 novembre, le rapport du Groupe de réflexion sur les
priorités institutionnelles (GRÉPI).
L'Assemblée a consacré quatre sessions à
débattre de ce rapport dont l'objet est de guider l'Université
dans sa restructuration imposée par des compressions de
60 millions de dollars dans son financement public. Quelques recommandations
ont été adoptées pour baliser la mise en
application des propositions du GRÉPI, mais sans modifier
le fondement des orientations.
Pour certains membres, la proposition du Comité de planification
visant à faire adopter l'ensemble du rapport par l'Assemblée
était à la fois inutile et malvenue. «L'Assemblée
universitaire n'a qu'un rôle consultatif sur cette question
et l'ouverture des membres du GRÉPI à l'égard
des critiques formulées me paraissait suffisante»,
a soutenu Michel Ducharme. L'adoption par l'AU lui semblait comparable
à l'adoption, par un syndicat, de la stratégie patronale
en période de négociations.
Le président du SGPUM, André Tremblay, s'est dit
incapable, en tant que représentant du corps professoral,
de «valider la destruction partielle de l'Université
et de soutenir les politiques budgétaires du gouvernement.
Je ne saurais dire oui au départ de 22 % du corps professoral
sans remplacement.» Même si des propositions d'amendement
au rapport ont été amenées, notamment par
la vice-présidente du SGPUM, Denise Angers,«nous
n'avons jamais approuvé le rapport en principe»,
a tenu à préciser M. Tremblay, qui ne pouvait se
résoudre à envoyer un message de satisfaction au
Conseil.
Le vice-recteur à l'administration, Patrick Molinari, a
considéré comme «aveuglement et irresponsabilité»
le fait de penser pouvoir infléchir les politiques gouvernementales
par un rejet des mesures internes de redressement. «À
la fin de l'exercice actuel, la dette sera de 75 millions de dollars,
a-t-il rappelé. Sans mesures de redressement, elle passera
à 100 millions.»
La survie de l'établissement
Au moins deux doyens ont exprimé leur malaise profond,
voire leur déchirement, devant l'inéluctable. Claude
Fabien, doyen de la Faculté de droit, a déclaré
que sa faculté était «éreintée
et consternée» par le rapport, qui lui fera perdre
25 % de ses professeurs réguliers. «Nous éprouvons
un sentiment d'injustice devant le manque de considération
de la recherche non subventionnée et de l'enseignement
de premier cycle.»
Son conseil de faculté a rejeté les parties du rapport
consacrées à la modulation des missions facultaires
et à la rationalisation de l'offre de cours. Le conseil
facultaire demande au Conseil de l'Université de modifier
son mode d'évaluation et de tenir compte de la spécificité
des unités.
«Mais, ajoute Claude Fabien, nous sommes conscients de la
gravité des enjeux et des menaces pesant sur la survie
de l'Université. Il n'y a pas eu non plus de plan alternatif
de proposé.» Le doyen n'avait donc d'autre choix
que de voter pour la proposition «à son corps défendant»
et d'accomplir un acte de confiance envers les mécanismes
de contrôle prévus.
Patrick Vinay, doyen de la Faculté de médecine,
a abondé dans le même sens. Il lui était impossible
d'entériner l'ensemble du rapport, mais il ne pouvait non
plus se dissocier de l'avenir de l'Université. «Nous
votons par solidarité et non pour appuyer l'ensemble des
analyses.»
Le doyen de la Faculté de l'éducation permanente,
Jacques Boucher, a pour sa part souligné que la situation
aurait pu être pire. «Le GRÉPI n'a pas remis
en cause la charge des professeurs, ni proposé d'abolir
des facultés, d'augmenter les droits de scolarité,
de toucher aux salaires, de fusionner avec l'UQAM!» Il a
donc déclaré ne voir aucune raison de voter contre.
Pour Louis Maheu, doyen de la Faculté des études
supérieures, c'est la crédibilité de l'Université
qui était en jeu. «C'est notre devoir démocratique
de formuler nos attentes face au maintien du financement public,
mais aussi de répondre de notre imputabilité, et
de façon indubitable, par des modifications de notre fonctionnement
interne.»
Enfin, la vice-rectrice à l'enseignement, Irène
Cinq-Mars, a invité les membres de l'Assemblée à
réaffirmer, par leur appui au GRÉPI, «les
valeurs auxquelles nous adhérons». Au-delà
des recommandations elles-mêmes, la vice-rectrice y voyait
«un engagement idéologique à l'égard
de l'Université».
Le recteur, René Simard, a pour sa part attendu l'issue
du vote pour signaler qu'il aurait été dans une
position très difficile si la communauté universitaire
n'avait pas endossé le rapport. Il s'est dit très
satisfait de pouvoir compter sur cet appui dans les représentations
qu'il aura à faire face au gouvernement.
Le vote a finalement montré que le rapport du GRÉPI
n'a jamais été menacé: 41 pour, 13 contre
et 5 abstentions.
Daniel Baril