Les sceptiques doivent se rallier, déclare Louis
Maheu.
Le nouveau doyen de
la Faculté des études supérieures (FES),
Louis Maheu, en poste depuis juin dernier, entend faire prendre
à sa faculté le virage qui s'impose dans le contexte
actuel des compressions budgétaires et de la restructuration
de l'Université.
Celui qui a été vice-doyen de la FES de 1992 à
1996 considère bel et bien que les nuages menaçant
l'existence de sa faculté sont chose du passé. «Tous
les rapports d'évaluation de la Faculté, que ce
soit celui commandé par l'administration Cléroux,
celui du Comité consultatif sur l'évaluation des
services, celui du comité de nomination du doyen ou le
rapport du GRÉPI, ont recommandé de maintenir la
Faculté des études supérieures tout en ajustant
son mandat aux nouvelles réalités», fait remarquer
Louis Maheu.
«La FES est un acquis fort utile pour l'Université
et elle lui rend des services énormes. Il y a encore des
sceptiques mais, compte tenu de ces évaluations, ils ont
le devoir démocratique de se mettre au diapason.»
Les recommandations issues des différentes évaluations
invitent la FES à centrer sa mission sur le volet académique
et à décentrer, vers les départements, certaines
fonctions de gestion comme les admissions et le suivi des inscriptions.
Cette orientation a été approuvée par le
GRÉPI, ce qui fait dire à Louis Maheu que le maintien
de la FES est une affaire classée.
Multidisciplinarité et persévérance
Cette transformation misant sur la fonction académique
devrait s'articuler autour de deux grandes priorités, soit
les programmes d'enseignement et le cheminement étudiant.
«Les programmes doivent être mieux arrimés
aux nouvelles réalités du marché du travail
afin de viser une insertion socioprofessionnelle plus élevée,
déclare Louis Maheu. Il faut aussi développer l'interdisciplinarité
des cycles supérieurs. Les programmes interdisciplinaires
déjà existants, comme le doctorat en sciences humaines
appliquées ou la maîtrise en biologie moléculaire,
ont été jugés très pertinents et atteignent
un haut taux de diplomation. Il faut poursuivre dans cette voie.»
Du côté du cheminement étudiant, la FES tentera
dans un premier temps d'augmenter la persévérance
aux études. À cette fin, elle entend exploiter les
données d'un sondage sur les causes du décrochage
aux deuxième et troisième cycles.
Les données préliminaires indiquent que les persévérants
avaient au départ plus de détermination et étaient
mieux informés sur les caractéristiques de leur
programme; que leur directeur était davantage un mentor
qu'un simple superviseur; qu'ils avaient plus de contacts et d'échanges
avec les autres étudiants; et que leurs conditions économiques
étaient facilitées par des bourses ou des emplois
d'assistanat. L'une des principales causes de décrochage
serait par ailleurs la difficulté de gérer le temps
d'études et le temps de travail.
«Le sondage a aussi fait ressortir des moments plus à
risque pour le décrochage, soit entre la fin de la scolarité
et le début du projet de recherche, ajoute Louis Maheu.
À partir de ces données, nous élaborerons,
pour chaque unité, un plan d'action misant sur les facteurs
de persévérance.»
Bourses d'études
La question du financement constitue le deuxième axe d'intervention
dans le cheminement étudiant. «Nous voulons inciter
des donateurs à créer des programmes de bourses
afin de conserver ici la formation supérieure. Sur ce point,
nous sommes en retard par rapport à McGill et même
à Laval», constate le doyen.
Cette tradition n'est pas encore très développée
au Québec francophone. Selon les estimations de Louis Maheu,
le Québec vient à peine de rattraper le retard qu'il
affichait face à l'Ontario en matière de diplomation.
En 1976, le Québec décernait 40 diplômes de
maîtrise par tranche de population de 100 000 habitants,
et l'Ontario 71. En 1991, les taux étaient passés
à 70 pour le Québec et à 74 pour l'Ontario.
Par contre, il nous faut plus d'étudiants pour atteindre
ce taux, soit 321 inscriptions pour le Québec contre 230
pour l'Ontario. Nous avons également plus d'étudiants
à temps partiel que notre voisine. Selon Louis Maheu, le
plus grand nombre d'étudiants à temps partiel serait
dû au manque de ressources économiques qui oblige
les étudiants à maintenir un emploi rémunéré,
ce qui est également un facteur de décrochage.
«La culture des études supérieures est très
récente et ne se développe que lentement. Ceci a
un effet sur le manque de donateurs puisque nos entrepreneurs
et chefs d'entreprise ne sont pas nécessairement passés
par l'université.»
Langue et droits de scolarité
Louis Maheu souhaite également hausser le recrutement d'étudiants,
notamment en sollicitant les clientèles en dehors de Montréal,
du Québec et du Canada. «Nous visons d'abord la francophonie,
mais nous pouvons également attirer plus d'étudiants
d'autres langues en ayant une bonne politique du contrôle
de la langue française.»
Toujours de l'avis du doyen, les droits de scolarité devraient
demeurer, au Québec, inférieurs à la moyenne
canadienne afin d'attirer la clientèle extérieure
puisque la langue française restreint le bassin d'étudiants
potentiels. «Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne doivent pas
être haussés», précise-t-il.
Quant à la décentralisation des fonctions administratives
vers les unités, Louis Maheu n'y voit pas un délestage
de fonctions mais une nouvelle façon de faire les choses.
«Tout en conservant un contact étroit avec la dynamique
des programmes ainsi que les leviers du contrôle de la qualité,
le processus administratif sera rendu plus rapide, plus transparent
et plus efficace en le rapprochant des départements.»
Une expérience pilote de transfert de gestion des dossiers
académiques sera effectuée en janvier prochain avant
d'étendre la nouvelle gestion à l'ensemble des programmes.
Dans ces transformations, la FES entend conserver et même
accroître son rôle de «conscience académique»
face au développement des programmes, «d'animation»
de la réflexion engageant les autres unités et de
«concertation» des projets provenant des départements,
écoles ou facultés.
Outre le doyen Maheu, la nouvelle équipe de direction de
la FES est composée de Richard Bodéus (Département
de philosophie), vice-doyen du secteur des lettres et des sciences
humaines et sociales, de Jacques Ferland (Département d'informatique
et de recherche opérationnelle), vice-doyen du secteur
des sciences fondamentales et appliquées, de Fernand Roberge
(Institut de génie biomédical), vice-doyen du secteur
de la santé, et de Josée Schepper (Service des bibliothèques),
adjointe au doyen.
Daniel Baril