La recherche de sensations fortes s'accommode mal
des normes de la compétition olympique.
Adeptes du bonji, de la planche
à roulettes et du ski extrême, ne rêvez pas
de records du monde du plus grand saut dans le vide, de la plus
haute marche du podium pour un exploit sur rampe à rouli-roulant
ou d'honneurs olympiques après avoir dévalé
l'Everest.
À moins d'un revirement à 180 degrés, les
sports dits à risque (ou extrêmes) ne sont pas prêts
d'entrer dans le cénacle olympique, estime Suzanne Laberge,
professeure au Département d'éducation physique.
L'esprit de liberté qui les caractérise ne s'harmonise
pas au carcan des règles et des normes propres aux sports
de compétition.
«Les sports institutionnalisés se pratiquent avec
des normes, rappelle-t-elle, alors que les sports à risque
sont marqués par la volonté d'utiliser son corps
librement. De la façon dont ils sont pratiqués actuellement,
ils ne peuvent s'intégrer aux Jeux olympiques.»
Quelques points de comparaison différencient les deux pratiques.
En dépit de toute la dynamique du spectacle, du phénomène
des commandites et de l'arrivée des athlètes professionnels
au sein des compétitions olympiques, celles-ci demeurent
forgées dans un idéal (réel ou apparent)
lyrique qui n'est pas le lot des sports extrêmes.
À l'avant-garde du postmodernisme
Comment doit-on alors définir
ce que sont les sports à risque?
«On ne peut pas les définir de façon objective,
car ce qu'on appelle le risque ne se mesure pas, remarque Suzanne
Laberge. Des risques, il y en a dans tous les sports.»
Des accidents survenus dans des compétitions officielles,
que ce soit en ski alpin, en cyclisme, au hockey ou en plongeon,
le prouvent.
En fait, les sports à risque sont à l'avant-garde
d'un mouvement postmoderne; ils sont un des vecteurs de production
de cette culture, à la différence d'en être
la résultante.
C'est ce constat que fait Mme Laberge, coauteure avec Mathieu
Albert d'un article intitulé «Sports à risque,
rapport à la mort et culture postmoderne» paru dans
l'ouvrage Les risques et la mort, publié aux Éditions
du Méridien.
Par leurs «propriétés métaphorique
et symbolique», ces activités «véhiculent
de nouvelles valeurs et des visions du monde» propres à
la culture postmoderne: individualisme, usage de technologies
avancées, hybridation et adaptation, etc. Le tout, dans
des contextes où la pratique du sport est plus associée
au jeu et à l'esthétique qu'à la compétition
et à la gloire.
Un exemple que tous connaissent: la motomarine, fusion de deux
technologies vers la recherche de nouvelles sensations. L'escalade
en solo sans équipement et le saut en parachute avec planche
à roulettes sont d'autres nouveaux moyens employés
pour s'éclater.
Certaines recherches voient dans ces sports un rapport avec la
mort: défier la mort, valider la vie, esthétiser
la mort au sens de favoriser une forme de décès
accidentel par rapport à la mort dite ordinaire et caractérisée
par une dégénérescence du corps (cancer,
etc.).
Sans réfuter ces interprétations, les coauteurs
croient qu'avant tout la pratique des sports à risque est
l'expression du droit des individus à disposer de leur
corps comme bon leur semble. Un droit qui prime sur les devoirs
collectifs et individuels et qui contraste avec une société
où l'accent a été mis sur la sécurité
(ceinture de sécurité, utilisation du condom, etc.).
Il ne reste plus qu'à attendre l'introduction du patin
à roues alignées sur glace, le tir aux boulets de
canon humains et la nage synchro en eaux vives!
André Duchesne