Le professeur Daniel Forthomme et ses étudiants
assurent une deuxième vie à vos lunettes.
En mai et juin derniers, une quinzaine
d'étudiants de l'École d'optométrie s'envolaient
pour le Honduras et la République Dominicaine. Mais ce
n'était pas pour y passer leurs vacances. Sous la direction
du Dr Daniel Forthomme, professeur de l'École, ils allaient
plutôt passer deux semaines de travail intensif à
examiner des centaines de personnes et tenter de leur apporter
un peu d'aide.
«L'objectif est à la fois professionnel et humanitaire,
explique le Dr Forthomme. C'est l'occasion pour les étudiants
d'acquérir un complément de formation unique puisque
chaque groupe doit effectuer autour de 600 examens en deux semaines.
Ils rencontrent des cas extrêmes qu'on ne verrait pas chez
nous. Pour les patients, c'est aussi une occasion unique de bénéficier
d'examens gratuits, de recevoir certains traitements et même
d'obtenir une paire de lunettes gratuite.»
Daniel Forthomme organise cette activité depuis six ans.
L'idée lui est venue alors qu'un optométriste sollicitait
son aide afin de recueillir des lunettes usagées pour répondre
à la demande d'un frère des Missions étrangères
posté au Honduras. Non seulement a-t-il lancé une
collecte de lunettes, mais il a choisi de faire vivre aux étudiants
une expérience fort enrichissante pour tous les partenaires.
Les étudiants qui choisissent de participer à ce
stage méritent des éloges puisqu'ils le font bénévolement
et, bien que logés et nourris, ils doivent payer le coût
de leur transport aérien, soit 800 $. «Mon seul critère,
reprend le Dr Forthomme, est de pouvoir former des groupes de
cinq étudiants et de pouvoir les loger décemment.»
Cette année, il a eu suffisamment de volontaires pour former
trois groupes. Au Honduras, les membres du premier groupe étaient
hébergés chez des familles aisées de la capitale,
à Tegucigalpa, alors que le deuxième groupe logeait
chez les franciscaines, à Morazan, «petit village
au milieu de nulle part». Le troisième groupe a séjourné
en République Dominicaine, plus précisément
à Los Brazos, à une cinquantaine de kilomètres
de Puerto Plata. Il logeait chez Pauline Tremblay, cette Québécoise
exceptionnelle qui a adopté pas moins de 16 enfants et
que les médias nous ont fait connaître l'hiver dernier.
Collecte de lunettes
Avant de partir à l'aventure, la quinzaine de braves a
dû consacrer deux mois de travail à analyser et classer
quelque 4000 paires de lunettes usagées. Parmi le lot,
ils ont réussi à trouver des lunettes qui allaient
convenir à la plupart des analyses réalisées
en Amérique latine. Ces lunettes provenaient de la collecte
annuelle de Daniel Forthomme à laquelle collaborent des
optométristes et des organismes de charité. Rappelons
que l'on peut d'ailleurs apporter en tout temps ses lunettes qui
ne servent plus à l'École d'optométrie.
Les étudiants doivent également emporter le matériel
nécessaire pour effectuer les quatre examens de base, soit
la rétinoscopie, l'ophtalmoscopie, la tonométrie
et la biomicroscopie. Les cinq membres de l'équipe effectuent
à tour de rôle chacun de ces examens complétés
par le cinquième poste, qui est celui de l'ajustement des
lunettes.
Comme les examens se font en espagnol, les étudiants doivent
acquérir le vocabulaire de base qui leur est également
fourni sur une affiche. «Il y a aussi des aides bilingues
sur place pour inscrire les patients et intervenir dans les cas
plus complexes», précise M. Forthomme.
«¡ Muchas gracias !»
«Avec 60 à 70 patients
par jour et une température de 35 à 40 degrés,
c'est un travail sous pression dans des conditions épuisantes»,
commente Éric Jalbert, qui a séjourné au
Honduras. Son groupe a même examiné 84 personnes
en une même journée. Il ne s'en plaint pas trop puisqu'une
telle expérience lui donne l'équivalent de deux
mois de pratique en clinique.
«C'est un travail très fatigant, convient sa collègue
Christine Larivière. Nos journées commençaient
à sept heures du matin pour se terminer à six heures
du soir. Il a fallu apprendre à faire le mieux possible
avec le peu qu'on avait.» À Morazan, les examens
se faisaient au dispensaire du village, un réduit d'environ
trois mètres sur cinq avec un toit de tôle. Elle
n'en apprécie pas moins d'avoir pu découvrir la
culture latino-américaine autrement qu'en touriste.
Malgré les contraintes du travail, les efforts d'adaptation,
la chaleur, une nourriture différente et les moustiques,
ces deux étudiants recommandent sans hésitation
à leurs collègues de vivre une telle expérience.
Ils seraient même prêts à y retourner à
la première occasion.
Et il y a ces souvenirs qui ne s'oublient pas. «Notre travail
est très apprécié de la population»,
se réjouit Éric Jalbert en se rappelant ce vieux
monsieur qui n'en finissait plus de le remercier. «C'est
très valorisant, renchérit Christine Larivière.
J'ai eu comme patient un couturier qui ne pouvait plus enfiler
son aiguille. Dès qu'on lui a mis ses lunettes, son visage
s'est éclairé d'un grand sourire.»
Daniel Baril